Un jardin zoologique au cœur de la capitale, on n'y pensait plus. Non pas que l'on ignorait son existence, mais bien parce que celui que l'on garde en mémoire se mourait depuis longtemps et qu'au fil des années, sa réhabilitation, jusque-là vouée au report, a fini par sonner “creux”. C'est cet état de fait qui explique aujourd'hui un rush sans pareil, un afflux qui extériorise un étouffement longtemps contenu. La nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre. Le Jardin d'Essai a enfin rouvert ses portes. Il ne faut pas se méprendre. Au-delà du fait de vouloir s'oxygéner les poumons dans les interminables promenades pédestres et se laisser happer par la magnifique allée des dragonniers, les visiteurs, grands et petits, lorgnent le zoo. Car la différence avec le parc zoologique est de taille : seul le grillage nous sépare ici de ces magnifiques animaux sauvages. L'émerveillement est garanti. Il est bien loin le spectacle de désolation qui avait fait couler beaucoup d'encre dans les années 1990. Le zoo a fait peau neuve et on peut s'en targuer aujourd'hui car le pari est tenu. Exit les rumeurs sur la mort suspecte des animaux, oublié le temps du laxisme et de la médiocrité. Ce sont les yeux brillants de ces bambins fascinés qui le disent lorsqu'ils découvrent à l'entrée du zoo le bassin où pataugent les canards col verts, les canards de Pékin, les oies et les flamands roses. Les cannetons offrent, pour leur part, un spectacle tout aussi attendrissant. Pour repeupler le zoo qui n'abritait plus que de vieux animaux, comme le couple de lions Farid (mort depuis peu) et Farida, désormais seule dans sa cage, et Victor le condor âgé de quelque quatre-vingt-dix ans et ayant figuré en 1992 déjà sur le Guinness des records, les responsables ont procédé à des échanges avec différents autres jardins zoologiques. Le docteur Samia Assous, vétérinaire responsable du zoo, évoque non sans fierté la hyène rayée, une espèce endémique des régions du Sud, don du wali de Ouargla. Ce mammifère carnassier se nourrissant de charogne et au rugissement sourd est docile, semble-t-il. Parole de zoologistes passionnés ! Notre parcours nous laisse découvrir dans l'allée avifaune, aras, kakatoès et autres oiseaux, tels que les paddas, les mandarins, callopsittes ou encore les chardonnerets piaillant sur leurs perchoirs à becs-que-veux-tu. Toutefois, seule fausse note de cet après-midi ludique est l'intervention récurrente via haut-parleur du responsable de la sécurité qui prie les visiteurs de ne pas transgresser le règlement intérieur du zoo. En effet, comme a eu à nous l'expliquer le docteur Henia Khalfoune, vétérinaire exerçant au zoo depuis de nombreuses années, certains animaux, à l'instar des aigles et des vautours (rapaces de proie), souffrent littéralement de stress. Le comportement des visiteurs (très nombreux en général), leur incivisme (jets de pierres, de papiers cornés…) ont poussé les responsables du zoo à renforcer la présence des agents de sécurité sur les lieux, à doubler le grillage des enclos et, parfois, même à installer des barrières de sécurité pour éviter tout risque d'accident. Une petite fille a failli perdre un doigt ayant été mordu par une autruche. Mis à part le chacal et les nombreux fennecs blottis dans les troncs d'arbres installés à cet effet dans un souci de reproduire les conditions d'habitat stable à cette faune sauvage, l'attraction reste sans conteste la magnifique exhibition du couple de tigres né en Algérie qui s'éclaboussent et éclaboussent le public amassé lequel ne se lasse pas de les regarder jouer dans et autour du bassin d'eau. Pour tous ceux qui ont eu le loisir de regarder le fameux dessin animé Madagascar, il faut savoir qu'ici, la réalité dépasse de loin la fiction. Par ailleurs, le 21 avril dernier, la panthère tachetée a mis bas. Le petit Sunday (né un dimanche) se porte bien. Il faut dire que la femelle veille au grain. Sunday est tenu à l'écart du mâle, une magnifique panthère noire, “âgée de 14 ans !”, souligne Tarik Ladjouze, vétérinaire consultant du zoo. L'événement est exclusif car la reproduction en captivité est un fait très rare. Les lions, d'habitude objet d'attraction, se tiennent à l'écart, bien tranquilles. Leur majesté suffit… Elle est loin des braconniers la gracieuse gazelle Dorcas, “braconné” pour sa chair très appréciée. Miguel le kangourou nous évoque l'Australie. Pour son bien-être, il est prévu, au grand dam des enfants, de le transférer au parc zoologique de Ben Aknoun. “Ici, la cage est trop petite pour lui, il n'a pas assez d'espace. Nous allons devoir nous en séparer”, nous explique Tarik Ladjouze. Avant de quitter le zoo, nous nous dirigeons vers la clinique vétérinaire pour aller voir les poissons japonais aux couleurs chatoyantes. La mousse du bassin provient, nous apprend-on, du mont Chréa. Au passage, nos guides nous montrent Richard. Ce singe magot particulièrement agressif a récemment été traité pour un tétanos. Il a failli en mourir. Cela ne l'empêche pas de faire mille et une pirouettes et autres dangereuses acrobaties à l'intérieur de sa cage. Serait-il plus heureux dans son biotope naturel ? Souvent ravagées par le feu, les forêts ne sont plus forcément un lieu sûr pour cette espèce protégée. Et pour toutes les autres ? Au temps de la planète en furie où les hommes eux-mêmes ne savent plus trop quel choix faire, le zoo offre “un gîte” bien douillet…