Principal chef rebelle taliban du Pakistan, accusé de nombreux attentats sanglants, Baïtullah Mehsud reste insaisissable malgré une mise à prix de cinq millions de dollars et continue à harceler les autorités depuis son fief des zones tribales du nord-ouest. L'armée se dit depuis dix jours sur le point de partir à l'assaut de celui qui a fait publiquement allégeance à Al-Qaïda dans le Waziristan du Sud, l'un des sept districts tribaux frontaliers de l'Afghanistan. "Baïtullah est le leader le plus important de la tribu" des Mehsud, estime Mehmud Shah, un analyste politique autrefois chef de la sécurité des zones tribales, qui estime le nombre de ses combattants à 15 000 ou 20 000. "Les gens ont peur de lui, ils sont terrifiés, ils ne l'aiment pas", ajoute-t-il. Âgé d'environ 35 ans, celui que le département américain décrit comme "un facilitateur clé d'Al-Qaïda dans les zones tribales" est le fils d'un prêcheur musulman sunnite du district de Bannu, voisin du Waziristan du Sud. Après avoir été éduqué dans une école religieuse de Miranshah, principale ville du Waziristan du Nord, il part pour l'Afghanistan voisin au milieu des années 1990 pour combattre aux côtés des talibans dans la guerre civile. Jusqu'à son retour au pays, les talibans du Waziristan du Sud étaient dirigés par l'ancien prisonnier de Guantanamo Abdullah Mehsud. Celui-ci meurt en juillet 2007 lors d'un assaut de l'armée dans le Baloutchistan (Sud-Ouest). Bien que quasiment inconnu à l'époque, Baïtullah Mehsud prend rapidement sa place et crée un réseau fédérateur, le Mouvement des talibans du Pakistan (Tehreek-e-Taliban Pakistan, TTP). Tout en signant des accords de paix avec le gouvernement, il ouvre des camps d'entraînement pour les recrues et étend son influence à deux autres districts tribaux, le Waziristan du Nord et Bajaur, et à plusieurs villes voisines. Plus au nord, d'autres talibans avaient déjà étendu leur influence vers l'intérieur du pays, dans la vallée de Swat, fleuron du tourisme national. À l'été 2007, l'armée donne l'assaut contre la Mosquée Rouge d'Islamabad, devenue un foyer islamiste radical. Les islamistes répondent en lançant une vague d'attentats qui ont tué près de 2 000 personnes depuis deux ans. Le gouvernement en a attribué 80% au TTP, dont celui qui a tué l'ancien Premier ministre Benazir Bhutto en décembre 2007. Le TTP en a lui-même revendiqué de nombreux parmi les plus violents. En mars dernier, les Etats-Unis ont placé Baïtullah Mehsud sur leur liste des "terroristes" les plus recherchés, avec une récompense de 5 millions de dollars pour toute information qui permettrait sa capture. Après avoir lancé fin avril, sous la pression de leur allié américain, une offensive pour déloger les talibans de la région de Swat, Islamabad dit aujourd'hui vouloir traquer le chef taliban dans son repaire tribal. Les analystes et responsables de sécurité parient toutefois davantage sur les divisions au sein de la tribu Mehsud et des factions talibanes pour le mettre à terre, plus que sur une opération militaire incertaine dans son fief montagneux, difficilement accessible et où il reste très puissant. Les rivaux tribaux de Baïtullah, ainsi que la presse locale, l'ont accusé d'être payé par l'Inde et les Etats-Unis pour déstabiliser le Pakistan et affaiblir, pour les seconds, le soutien fortement présumés de ses services secrets aux talibans afghans.