Liberté : Un Patriote et ancien moudjahid vient d'être condamné à mort pour avoir tué un ex-“émir” qui le menaçait de mort. Quel a été votre sentiment en apprenant le verdict ? Me Abderrahmane Boutamine : Je suis fier d'avoir eu à assurer la défense de ce valeureux résistant et ancien moujahid de la première heure qu'est Mohamed Gharbi. D'autant que, aujourd'hui, je peux vous confier qu'à l'époque des faits, celui-ci n'avait pas trouvé, dans sa région, un avocat qui accepte d'assurer sa défense. Je l'ai fait dans le respect de la justice et avec la conviction qu'il a commis son acte en état de légitime défense. En effet, il faut juger en tenant compte du contexte et de la qualité des individus concernés : un ex-“émir” d'une organisation terroriste et un Patriote chef des GLD (Groupe de légitime défense) de la région. Dans la situation de guerre imposée à notre peuple par des organisations islamistes armées, tous les citoyens, de l'instituteur ou l'institutrice au policier, gendarme, militaire ou résistant en armes sans oublier les hommes de culture et de culte étaient, et le sont toujours, en danger permanent. C'est cette situation de danger permanent qui justifie que les services de sécurité, dont les Patriotes en armes, à l'instar de Mohamed Gharbi, se considèrent en permanence en état de légitime défense. Cette situation exceptionnelle aurait dû imposer cette lecture exceptionnelle de la notion de légitime défense, et non la définition classique, applicable, elle, en situation normale. C'est en cela que la condamnation de Mohamed Gharbi interpelle. À votre avis, cette affaire ne mettrait-elle pas à nu les limites de la politique de réconciliation nationale prônée par les autorités qui, pour l'impératif de paix, ont fait l'impasse sur les obligations de vérité et de justice ? Cette condamnation ne peut occulter l'impasse faite sur le devoir de justice, de vérité et de mémoire. Elle est de nature, en effet, à aggraver le sentiment d'injustice chez ceux qui, au péril de leur vie, ont pris les armes aux côtés des services de sécurité pour défendre la République. Nous n'avons pas eu de procès exemplaires de ceux qui sont à l'origine de la politique de terreur préméditée et exécutée avec une barbarie sans égale. Au contraire, après leur absolution, ils n'arrêtent pas de revendiquer la reconnaissance de la justesse de leur entreprise criminelle. Vous avez considéré la gradation dans la peine infligée à Mohamed Gharbi comme un gage supplémentaire aux islamistes. Ne craignez-vous pas qu'on aille jusqu'à la réhabilitation politique des dirigeants de l'ex-FIS et replonger ainsi le pays dans les années 90 de triste mémoire ? La réhabilitation politique des personnes que vous citez est une revendication constante de ces gens-là. Les déclarations récurrentes des chefs de cette organisation sur ce sujet le prouvent. Le bilan en pertes humaines et matérielles occasionnées au pays par le terrorisme islamiste n'est pas une vue de l'esprit et n'est pas né par génération spontanée. Il a ses responsables : ce sont les responsables de ces organisations. Ils ont su profiter de la déliquescence du pouvoir qui leur a permis d'exister légalement, pour instrumentaliser la religion et créer la matrice idéologique du terrorisme ayant servi au conditionnement psychologique et à la préparation politique et armée de leurs militants. Ils ont ordonné, préparé, justifié et revendiqué les actes terroristes au nom de leur organisation. Les réhabiliter, ce serait les absoudre de leurs crimes, justifier leur politique de terreur et leur entreprise de destruction des fondements de la nation algérienne. Ce serait les conforter dans leurs desseins funestes de l'établissement de la “dawla islamia” par tous les moyens, y compris la violence armée.