La condamnation à la peine capitale infligée à Mohamed Gharbi, chef d'un groupe de patriotes, pour avoir tué un ex-chef terroriste, a suscité la stupéfaction chez son ancien défenseur, Me Abderrahmane Boutamine. Dans cet entretien, il qualifie la sanction de signal fort en direction de ceux qui réclament plus d'impunité, à travers une nouvelle loi d'amnistie. Le verdict du tribunal criminel de Guelma a choqué plus d'un et suscité de nombreuses réactions notamment de la société civile. En tant qu'ancien défenseur de Mohamed Gharbi, quelle lecture faite-vous de ce procès ? D'abord, je tiens à préciser que je ne peux commenter la décision du tribunal criminel. Mais, je voudrais rappeler que ce moudjahid a été condamné en 2004, pour les mêmes faits à 20 ans de réclusion criminelle et le tribunal lui a accordé les circonstances atténuantes. En 2006, il est jugé une seconde fois et condamné à perpétuité. En 2009, après cassation, le procès se termine avec une condamnation à mort. Cette gradation dans la peine révèle l'intransigeance à l'égard de ceux qui ont défendu l'Etat et la société, au moment où une grande clémence est accordée à ceux qui ont déclaré la guerre à ce même Etat et cette même société. Cette ségrégation est perçue comme une menace contre tous ceux qui ont combattu hier les terroristes et qui réclament aujourd'hui plus de concessions. Je peux dire que la gradation de la peine constitue un signal fort contre tous ceux qui ont pris les armes pour défendre leur vie et celles de leurs concitoyens. Cela s'apparente à un gage de plus à ceux qui revendiquent plus d'impunité et une nouvelle amnistie. Quand vous parlez de rapports de force, est-ce que vous voulez dire que le procès a montré que les anciens terroristes ont plus de pouvoir que ceux qui les ont combattus ? Effectivement, c'est cette gradation dans la peine qui montre que les rapports de force sont en faveur des islamistes qui ne s'arrêtent pas de demander chaque jour un peu plus à leurs alliés tapis dans le système. Cette révision à la hausse de la peine est pour moi très révélatrice…. Comment expliquer ce silence inquiétant, pour ne pas dire complaisant, des anciens moudjahidine, notamment ses compagnons (de Mohamed Gharbi) de la guerre de libération ? La politique de la concorde civile, puis celle de la réconciliation nationale, ont fait subir à la société une forte pression, empêchant toute opposition, contestation ou même toute critique. Vous savez qu'il est interdit à quiconque de qualifier un repenti de terroriste sous peine d'être poursuivi et condamné à une peine de prison. Les gens ont peur d'exprimer leurs avis, même si au fond, je suis sûr que la majorité des Algériens, sont contre le fait de blanchir les terroristes de leurs crimes et encore moins à poursuivre ceux qui ont défendu leur honneur, au moment où des dizaines de milliers de leurs concitoyens se faisaient massacrer… Est-ce que cette condamnation n'est que la suite logique à la campagne de désarmement des patriotes, mais aussi aux procès intentés à certains d'entre eux par des familles de disparus ? Je voudrais préciser que personne n'aimerait instaurer l'impunité, qui est une très mauvaise chose pour le pays. Mais dans le cas du patriote Gharbi, il s'agit d'une légitime défense. Il faisait partie d'un groupe de légitime défense, qu'il ne faut nullement ramener à l'échelle individuelle. C'est quelqu'un qui n'a fait que se défendre. Il faisait partie d'un groupe de GLD, qui était tout le temps en état de légitime défense, parce que menacé chaque seconde par les groupes terroristes. Comment expliquer ce silence des patriotes ? Les pressions citées plus haut ont fini par dévitaliser toutes les forces vives de ce pays. Les patriotes n'ont pas réagi parce que, soit ils ont peur, soit ils n'ont plus la capacité d'exprimer leur avis. Vous avez remarqué que même la famille révolutionnaire à laquelle Gharbi appartient, subit cette chape de plomb qui la muselle, juste parce qu'elle a soutenu la politique du pardon à l'égard des terroristes. Je ne pense pas qu'un seul Algérien puisse être avec une paix faite d'impunité. Les Algériens veulent la vérité et la justice, or les terroristes n'ont à ce jour jamais demandé pardon pour les crimes et les horreurs qu'ils ont commis. Et ce n'est certainement pas un texte de loi qui va nous faire oublier leur passé. Mais nous constatons que non seulement les repentis ne veulent pas reconnaître leurs crimes, mais revendiquent encore plus de reconnaissance pour « leurs faits d 'armes » alors qu'à côté, ceux qui les ont combattus au nom du devoir national, se retrouvent au banc des accusés.