Mir Hossein Moussavi continue d'exiger l'annulation pure et simple du scrutin, ce qu'a refusé jusqu'ici le Conseil des gardiens de la révolution qui a néanmoins proposé, vendredi, la mise en place d'une commission où seraient représentés tous les candidats et qui procéderait au recomptage de 10% des bulletins. Une véritable chape de plomb est tombée sur le pays des mollahs. Depuis l'annonce des résultats surréalistes de l'élection présidentielle en faveur du sortant, l'ultraconservateur Ahmadinejad et leur contestation immédiate par son principal rival, le réformateur Mir Hossein Moussavi, les rues de Téhéran et des autres villes du pays se sont enflammées et ont vécu au rythme de manifestations violentes pour dénoncer une fraude électorale massive, auxquelles a systématiquement répondu une répression sans merci, occasionnant morts et blessés parmi les manifestants. Pasdarans et Bassidjis, ces milices fidèles au régime, s'en donnent à cœur joie, multipliant les interventions musclées et les arrestations dans les milieux favorables au candidat protestataire. N'eut été le miracle d'Internet, nul n'eut jamais rien su, hors des frontières du pays, du drame qui se joue à huis clos depuis le 13 juin en Iran. La presse internationale empêchée de couvrir les évènements, la presse locale non assujettie au régime sévèrement réprimée, place nette aux organes de propagande de l'Etat ! Malgré l'ampleur et la férocité de la répression qui frappe ses partisans et sympathisants, Mir Hossein Moussavi tient pourtant bon. Il continue d'exiger l'annulation pure et simple du scrutin, ce qu'a refusé jusqu'ici le Conseil des gardiens de la révolution qui a néanmoins proposé, vendredi, la mise en place d'une commission où seraient représentés tous les candidats et qui procéderait au recomptage de 10% des bulletins. Moussavi y a opposé, hier, un refus net, suivi par les deux autres malheureux candidats, et continue de revendiquer l'annulation du scrutin. Ainsi, la crise s'inscrit dans la durée en Iran. Nul ne sait sur quoi cela peut aboutir dans les jours, les semaines ou les mois à venir. Mais, dans cette confrontation aussi violente qu'inégale, Ahmadinejad a la partie belle avec le soutien de la partie la plus puissante de la hiérarchie religieuse et, surtout, l'appui de forces de police et de milices fanatisées, aux effectifs et aux moyens considérables. Cela devrait néanmoins inciter, au-delà des frontières de l'Iran, dans les pays arabes et musulmans, à la réflexion. Et les premiers qui devraient tirer les leçons de ce vaudeville sanglant, ce sont ceux-là mêmes qui, dans ces pays, rêvent de théocratie et pour lesquels le régime des mollahs est une référence et un exemple. La jeunesse et les femmes iraniennes, car ils sont majoritaires dans le camp de Moussavi, n'entendaient pas mener une révolution. Ils voyaient simplement en ce candidat la possibilité de se réapproprier progressivement un certain nombre de libertés, individuelles et collectives, mises sous le boisseau depuis trente ans. S'ils avaient eu vingt ans en 1979, ils auraient sans doute fait la révolution derrière les partisans de l'ayatollah Khomeiny, sans savoir ce que le régime qu'il projetait d'instaurer allait leur coûter. Ils en payent les frais, dans le sang et la peur. Il faut cependant dire que, tout réformateur qu'il est, Moussavi n'en est pas moins un partisan du modèle et de la république islamiques. De ce point de vue, Ahmadinejad comme lui considèrent que le temporel ne doit pas échapper au contrôle du religieux. À des degrés différents sans doute, mais sans plus. En théocratie, on gouverne au nom et selon les préceptes religieux. En islam, comme dans toutes les religions d'ailleurs, le vol et le mensonge sont de graves péchés et constituent une offense à Dieu. Or, dans l'affaire iranienne, des deux choses l'une : ou Ahmadinejad a fraudé, c'est-à-dire volé, ou Moussavi a menti, les deux hommes ayant la prétention de gouverner au nom de Dieu et de l'islam ! Tous ces jeunes tentés aujourd'hui par le modèle islamique à travers les pays arabes et les pays où l'islam est la religion majoritaire ne doivent-ils pas "bénéficier" de l'expérience iranienne ? Ou, veulent-ils en faire l'expérience, malgré tout, avec la certitude de s'en mordre les doigts ? Le fait est que quelle que soit la nature dictatoriale et corrompue des régimes installés dans ces pays, la quête légitime et nécessaire de changement doit s'orienter vers le mieux et non vers le pire. Dans tous les cas, jamais religion n'a géré le temporel sans graves dommages.