Les universitaires spécialistes et le mouvement associatif tirent la sonnette d'alarme sur l'urgence d'un programme de restauration et de réhabilitation des anciens ksour des régions du sud du pays. Ils souhaitent que cette œuvre soit réalisée sous l'égide des instances internationales notamment l'Unesco en raison de leur savoir-faire et des moyens financiers dont elles disposent. Faute de quoi, pas moins d'une dizaine de ksour dans plusieurs wilayas du Sud telles que la vallée du M'zab, Adrar, Laghouat et Naâma sont voués à une disparition absurde. Dans une lettre adressée à la Direction de la culture de la wilaya de Naâma, l'association T'nent, de Sfissifa, avait déjà tiré la sonnette d'alarme sur la nécessité de ne pas confier ce type de travaux revêtant des spécificités artistiques et culturelles exceptionnelles, à des entrepreneurs dont le seul souci est le gain facile. Pour rappel, la daïra de Sfissifa possède un ksar vieux de dix siècles. Il est situé entre de nouvelles constructions et les jardins potagers, “l'oued” qui coule tout près ajoute au charme de son panorama. Par son implantation, le ksar est la preuve vivante de l'ingéniosité de nos ancêtres. Sur le plan social, celui-ci a permis de souder les membres de la communauté, de créer une dynamique de solidarité collective (Thiwizi). Et sur le plan climatique, il y fait doux en hiver et frais en été grâce à son aménagement urbanistique spécifique. Les intempéries successives et les autres aléas naturels, risquent de faire effondrer les plafonds ainsi que les murs de ce beau témoin de notre histoire millénaire, qui se dégrade chaque jour un peu plus. Un désolant constat valable pour la majorité des ksour que recèle la vaste région du Sud algérien. C'est pourquoi, les experts ne cessent de suggérer la nécessité d'évaluer des opérations de restauration effectuées jusque-là sur quelques sites historiques et envisager d'ores et déjà, un programme de protection des monuments historiques qui sera suivi du dénombrement des opérations de réhabilitation. Le ministère de la Culture aurait répertorié entre 2006 et 2007, quelque 18 ksour carrément abandonnés par leurs occupants. Cette même quantité dans plusieurs wilayas du sud du pays, n'est occupée que par 10% des autochtones. Dans les régions d'Adrar, de Ouargla, de Sfissifa (Naâma), et de In-Madhi (Laghouat), les ksour se dégradent à une vitesse vertigineuse du fait de l'exode rural laissant ces ksour sans entretien et exposés aux conditions climatiques et, du coup, au phénomène de l'érosion. En sus de ces aléas naturels, pour beaucoup d'observateurs, ces repères historiques ne semblent pas attirer l'attention des responsables. Car l'édification de villes entières avoisinant les ksour sans réflexion préalable qui devrait porter sur la conception d'une politique de la ville, a sans doute accéléré la ruée et la fuite des occupants des ksour pour s'installer dans les villes nouvelles et laisser leurs ksour à l'abandon. Par ailleurs, le ksar implanté sur une vaste superficie située entre le quartier Debdaba et le centre-ville de Béchar, à côté du marché d'habillement appelé communément Lebrarek, est considéré comme le plus vieux ksar de la wilaya. Ce site historique cumulant des dizaines de siècles d'âge, continue à subir les affres de la prolifération d'habitations et autres constructions à ses alentours, altérant ainsi sa valeur artistique et culturelle. En raison de l'ampleur des nouvelles habitations qui y sont érigées, conjuguées à l'espace commercial Lebrarek, le vieux ksar s'est trouvé pris en sandwich pour être quasiment réduit à néant. C'est pourquoi, il n'est pas aisé pour le simple visiteur de se rendre compte de l'existence de ce dernier. Pour se rendre à l'intérieur du vieux ksar, il faut d'abord s'apercevoir de l'existence de ces entrées très obscures. À l'intérieur, coexistent des foyers d'autochtones qui tentent, tant bien que mal et de bonne foi, de sauver ce qui peut l'être. Les vieux murs sont fatalement colmatés à l'aide du ciment et le parterre revêtu de carrelage par les occupants croyant bien faire. La chaleur aidant, ils sont même tentés d'y installer des climatiseurs et procéder à davantage d'aménagements. Ainsi, le vieux ksar perd de plus en plus de sa valeur. Il faut dire que les années 80 ont marqué en lettres noires l'histoire des ksour dans les régions du sud du pays. Ainsi des dizaines de ksour y restent à recenser, à classer et à réhabiliter. C'est le cas des ksour comme Tinerkouk, Kentour et Aghlat dans la wilaya d'Adrar et le Ksar Kourdane dans la wilaya de Laghouat, qui sont quasiment abandonnés par leurs occupants et livrés au processus de dégradation. Le même état lamentable est valable pour les ksour de Taghit et Béni-Abbas. Quant au séculaire ksar de Témacine qui recèle d'inestimables trésors touristiques, un site situé dans la daïra de Touggourt, dans la wilaya de Ouargla, à 970 km au sud d'Alger, il reste à peine 10% de ses habitants. En attendant, toute cette richesse est malheureusement livrée aux actes de vandalisme et au pillage, dus essentiellement à la non-protection des ksour par une clôture et l'absence également de gardiennage. BOUHAMAM Arezki