Le 29 janvier, le Forum des chefs d'entreprise apportait, “à l'unanimité de ses membres”, son “soutien total au programme du président Bouteflika”. Probablement alléché par les cent cinquante milliards de dollars miroités par ce programme, le FCE nous invitait à appuyer “la poursuite volontariste des réformes” et de nous mobiliser “pour la réussite de cette étape historique”. Le 19 mars, le FCE se réunit à nouveau avec les représentants du comité de campagne, ceux des partis de la coalition, les “ministres économiques” et le secrétaire général du syndicat officiel “pour exprimer de nouveau notre soutien au candidat Bouteflika et l'assurer que nous sommes aux côtés des pouvoirs publics pour la réalisation de son programme économique”. Après une mobilisation préélectorale d'un enthousiasme ostensible, le FCE et quelques autres regroupements de patrons découvrent à la lumière de la première loi de finances (complémentaire) du troisième mandat que leurs attentes n'ont pas été exaucées. Déjà que certains d'entre eux avaient suggéré, sans oser l'exprimer clairement, que leur engagement méritait la récompense décernée aux mauvais payeurs parmi les agriculteurs : un effacement de la dette. Mais l'insoutenable est qu'au lieu de se voir gratifiés pour une mobilisation dont le ton est rappelé plus haut, il leur est concocté de nouvelles règles de commerce extérieur qui, en plus de renforcer la bureaucratie bancaire, les privent des avantages du paiement différé en matière d'importation ! Tout en estimant que “la philosophie générale (de la LFC) peut être comprise par les entrepreneurs”, les chefs d'entreprise font état de leur “profonde inquiétude”. Ils vont même jusqu'à dénoncer “l'absence de débat” et l'usage de la voie de “l'ordonnance”. On ne se souvient pas qu'une organisation patronale ait cherché à débattre du programme économique avant son “soutien total” et “à l'unanimité de ses membres” ! De plus, n'est-ce pas un programme du Président qui a été soutenu pendant la campagne électorale et plébiscité le jour du vote ? Qu'est-ce que l'APN — et la voie législative — aurait à voir dans ce dialogue entre le chef de l'Etat et ses soutiens ? Allons ! On ne renie pas des engagements aussi convaincus et on n'abandonne pas son candidat, le mandat à peine entamé. Quand on a… investi dans un programme, il faut savoir assumer le prolongement de ses choix. Et même partager la responsabilité des effets. Au demeurant, l'Etat n'a pas à financer, avec l'argent du pétrole, la crédibilité d'entreprises qui ne peuvent pas, ou ne veulent pas, investir dans leur trésorerie. Les banques sont faites pour prêter ! Cela dit, ce soulèvement théâtral du patronat risque de ne pas durer. Bientôt, d'autres “forces” se lèveront pour soutenir “le patriotisme économique” que les patrons dénoncent sur le terrain après l'avoir appuyé sur le papier. Quand on a pris goût à l'économie “politique”, il est difficile de se reconvertir à l'économie de marché. M. H. [email protected]