L'Ecole régionale des beaux-arts d'Azazga offre aux nombreux jeunes l'occasion de révéler leurs dons et de se forger, en proposant des formations suivant une pédagogie d'éveil et d'apprentissage des différentes techniques liées aux arts plastiques. Il est des lieux qui suscitent des vocations. L'Ecole des beaux-arts d'Azazga (37 km au nord-est de Tizi Ouzou) est de ceux-là. Dénommé “Les Chalets” par les habitants des alentours, ces baraquements ont été ramenés de Kherrata (dans l'actuelle wilaya de Béjaïa) en 1959, après la construction d'un barrage par une entreprise dite “La Société méditerranéenne”. Ils ont été implantés par les sœurs blanches qui avaient aussi acquis le terrain, en réalisant une école de jeunes filles. Les lieux ont vite été réquisitionnés par l'armée française qui les a changés en caserne et en centre de torture. À l'Indépendance, les Chalets ont été nationalisés en 1976 pour devenir un collège technique. Ils se situent sur un emplacement stratégique, plantés sur une butte dominant la petite ville d'Azazga, les hameaux et les vallées de la région. Les bâtisses en bois, très anciennes, semblent enchâssées aux sols, trapus et gris, elles s'éparpillent dans la nature, parmi les herbes et les sapins. Le regard porte très loin jusqu'aux pentes du Djurdjura dont les cimes s'effacent dans la brume ; plus près, le pic de Tamgout au nord et les hauteurs d'Aït Bouhouni au sud. Sur cette altitude, les montagnes ont l'air de sentinelles pensives, guettant l'éveil de la terre, et le ciel, d'une tranquille douceur, annonce déjà le printemps. L'Ecole régionale des beaux arts d'Azazga a été ouverte en 1992 à l'initiative d'Ahmed Asselah et de Aboubakr Belkaïd. Ils eurent l'appui de nombreux artistes algériens dont Aït Menguellet. Une association allemande avait fourni des dotations et des moyens pour en faciliter le départ. Elle a été et reste encore une chance pour de nombreux jeunes de la région de Kabylie et d'au-delà. Elle leur offre l'occasion de révéler leurs dons et de se forger, proposant des formations suivant une pédagogie d'éveil et d'apprentissage des différentes techniques liées aux arts plastiques. Cette école a failli disparaître à plusieurs reprises, ce qui aurait été une perte certaine, vu l'originalité de sa vocation et l'intérêt qu'elle suscite. “Le don ne suffit pas. C'est pourquoi nous donnons à nos élèves une formation technique en matière de peinture, de modelage, de design aménagement, d'art graphique, de miniature, etc. Nous leur donnons aussi, autant que faire se peut, des compétences en théorie et des connaissances en histoire de l'art…”, nous dit M. Ould Kaci, le directeur avant d'ajouter : “Tout ce qui pourrait aider nos disciples à développer leur savoir et leurs capacités dans les disciplines artistiques.” Il s'agit en fait de leur faire acquérir un certain discernement, de leur apprendre à se situer dans le cadre de leur métier et de leurs productions, d'éduquer leur intelligence pour apprécier la qualité et le niveau de création. L'esprit critique n'est pas en reste, il est tout le temps sollicité pour replacer l'exigence en le domaine. Une pédagogie de l'effort et de la qualité est peu à peu mise en place. Les professeurs comme les disciples en sont conscients. “Si l'on doit développer des capacités et des talents, l'on doit aussi former des gens de métier. L'artiste a besoin de travailler pour vivre. Notre objectif est de former des professionnels dans les matières artistiques que nous enseignons.” Des débouchés existent pour les disciplines dont on donne une formation à l'ERBAA. Si la plupart des attributaires peuvent trouver place dans l'enseignement, les centres culturels, les écoles de formation, beaucoup peuvent rejoindre le secteur des arts graphiques, de l'imprimerie, les bureaux d'études, les agences de communication, la presse…, autant de secteurs potentiels en phase avec ces formations. L'art en lui-même demande beaucoup de sacrifices. Si des capacités certaines en matière d'arts plastiques peuvent se confirmer, ce sera toujours à l'épreuve de la réalité, de la création et de la production qualitative en le domaine. “Dans tous les cas, nous aurons apporté notre concours pour révéler et soutenir l'artiste en puissance, ce sera à ce dernier d'apporter du neuf, de l'original, et d'enrichir l'éventail du patrimoine national, de représenter dignement son pays ici et ailleurs”, ajoute M. Ould Kaci. C'est un défi à relever, aux jeunes talents de saisir la possibilité qui leur est ainsi offerte. “Ici, à l'ERBAA, nous donnons l'assise, les fondements susceptibles de révéler les talents à eux-mêmes. En spécialité, nous enseignons la peinture, la miniature et le design aménagement, le design graphique...”, ajoute notre interlocuteur. “Oui, le cadre est excellent, nous confirme un étudiant. Ce n'est pas un camp de concentration ! Nous sommes en prise directe avec la nature, nous pouvons respirer… Même nos yeux respirent ! " L'Ecole régionale des beaux-arts d'Azazga a plusieurs fois frôlé la fermeture. Ce qui aurait été une vraie catastrophe non seulement pour les jeunes qui s'y inscrivent chaque année, mais aussi pour les potentiels d'ici et d'ailleurs qui y trouvent un cadre approprié. Sa fermeture aurait été une régression et se serait inscrite en négatif au compte des responsables de la culture. Le premier arrêt s'est effectué en 1994, après l'assassinat d'Ahmed et Rabah Asselah. D'autres constructions sont prévues, notamment la réalisation d'un internat, tandis que certaines bâtisses sont en état de réfection. Le chantier est en marche et les résultats commencent à apparaître. “Il faudrait bien à un moment sortir de l'illusion de l'art…” nous dira Achour, un ex-élève de l'ERBAA. “Qui raconte sa société à travers sa palette ? Qui s'inquiète du présent social ? Qui va au fonds des choses pour en montrer l'invisible ? À un certain niveau, il s'agit de profondeur de la perception. Il faut pouvoir ouvrir son champ de vision. En ce sens la société ne doit pas être un simple prétexte, mais aussi l'actrice de notre production. Il ne faut pas se comporter comme des chats dans la nuit. Car les chats aussi sont des artistes. Ils sont tous gris dans l'obscurité. Il suffit d'attendre le lever du jour pour distinguer le bon chat du mauvais ! “Si l'on excepte quelques noms connus et reconnus, beaucoup d'artistes vivent dans l'ombre. Les arts plastiques sont à encourager dans notre pays. Ce retard et cette situation d'impasse sont sans doute dus à une forme d'ignorance, à l'inculture en la matière. L'art sans doute plus que d'autres activités à besoin de respiration. Nous avons pu visiter les ateliers et les salles de travail, discuter avec les élèves. Nous avons vu ces derniers à l'œuvre et apprécié quelques-unes de leurs réalisations. D'aucuns présentent indéniablement des dons assurés et un potentiel incontestable. Des dispositions à prendre en charge et à encourager. Si le talent est souvent virtuel, il suffit quelquefois d'un déclic pour le faire apparaître et émerger. Le pari sur l'avenir réside sans doute en les possibilités de ces jeunes dont la volonté reste lumineuse. Kocila Tighilt