Mois sacré et consacré, selon la pratique, à la spiritualité et aux valeurs de patience et de solidarité, le Ramadhan a commencé à dériver inexorablement vers des attitudes dominées par des pratiques mercantiles, de stricte consommation. En plus de cette boulimie inhabituelle, les nerfs prennent le dessus, et les querelles émaillent chaque journée de jeûne. Le futile, faim et soif aidant, hissé au rang de fort mobile de litige, tout contact dans la rue, au marché, dans une administration, se transforme en affrontement. Même les vols, larcins et agressions ne diminuent pas en cette période où l'illicite devrait être proscrit plus que n'importe quelle autre période. Ce type de comportement se renouvelle malheureusement chaque année, déviant sensiblement des valeurs de ce mois sacré. Une fois le jeûne rompu, les choses rentrent dans l'ordre, la tension reportée au lendemain. En fait, les attitudes négatives s'imposent comme habitudes, comme pratiques courantes durant le Ramadhan, laissant derrière les principes élémentaires à observer pendant le mois sacré. Le paradoxe est que nombre d'Algériens se mettent exceptionnellement à la prière pendant le Ramadhan sans pour autant renoncer à ces pratiques négatives qui donnent d'eux une image de personnages agressifs, extrémistes, impatients et intolérants. Tout le monde a fait ce constat, mais rien n'y fait. L'habitude semble définitivement ancrée dans les esprits stimulés par les hausses vertigineuses des prix des produits alimentaires et qui s'échauffent au moindre accroc. Cette année encore, c'est un imam qui a appelé les jeûneurs à éviter “ces mauvaises habitudes qui s'éloignent des préceptes de l'Islam”. “Les querelles et l'affluence excessive dans les marchés”, entre autres attitudes constatées, sont, selon cheikh Djeloul Hadjimi, imam de la mosquée Cheikh-Fodil-El-Ouartilani à Alger, “des comportements négatifs” et de “mauvaises habitudes qui s'éloignent des préceptes de l'Islam”. Le Ramadhan est, selon l'imam qui s'est confié à l'APS, une école spirituelle qui enseigne à l'homme les valeurs de patience et de fraternité et rappelle les notions de gestion et d'organisation du temps. C'est également l'occasion de donner un sens concret à la notion de solidarité qui abolit les clivages entre les composantes de société. D'ailleurs, c'est en cette période que les actions de solidarité envers les nécessiteux se multiplient. L'imam rappellera à juste titre que le mois de Ramadhan est celui de la révélation du Coran, “ce Livre saint porteur de toutes les valeurs et de tous les fondements de la société”. Ce mois sacré est celui de la sérénité et du recueillement, insistera l'imam dans son rappel en mettant l'accent sur l'occasion pour le repentir et le pardon. En dépit de ces habitudes négatives, le religieux a relevé le respect des Algériens de l'observation du jeûne et de l'affluence des jeunes pour l'accomplissement des prières surérogatoires (tarawih). Le paradoxe réside, cependant, dans ce glissement que les Algériens ont opéré pour faire adapter un strict respect de la pratique du mois sacré avec des habitudes qui lui sont foncièrement contradictoires. Hausses éhontées des prix des produits alimentaires, querelles, scènes et bagarres à longueur de journée, accidents de la circulation, vols, irrespect des règles de vie en société, d'un côté, mais de l'autre respect “martial” de l'acte de jeûner. Un Ramadhan typiquement algérien !