Classé parmi les pays de “l'axe du mal” par Washington, l'Iran est aujourd'hui en voie d'être lâché par l'Europe, qui a, pendant longtemps, accordé le bénéfice du doute au régime des ayatollahs. L'Union européenne vient de suspendre la signature d'un accord de coopération commerciale entre les deux parties. Joschka Fischer, le chef de la diplomatie allemande, ne cachait pas sa déception devant l'impasse à laquelle ont abouti les négociations euro-iraniennes dans le but de conclure un accord de coopération avec Téhéran. Les mollahs ne faisaient pas preuve de coopération dans certains domaines jugés essentiels pour la poursuite des discussions, selon M. Fischer. Le ministre germanique a résumé la situation en déclarant : “Il y a une toute petite lueur d'espoir à propos du nucléaire, une totale immobilité en matière des droits de l'homme, quelques petits mouvements dans le dossier du terrorisme et absolument rien en ce qui concerne le processus de paix au Proche-Orient.” Le refus des ayatollahs d'ouvrir les portes de leurs centrales électriques aux experts de l'Agence internationale de l'énergie atomique a énormément influé sur la décision européenne de rompre les négociations. La récente visite infructueuse du directeur général de l'AIEA, Mohammed El-Baradeï, a accentué la déception au sein de l'UE. Les assurances verbales des responsables iraniens pour rassurer sur le caractère pacifique et non militaire de leur programme nucléaire n'ont convaincu personne, à commencer par les Européens. Jack Straw, le ministre britannique au Foreign Office, verse dans le même sens que son homologue allemand, en estimant que Téhéran n'offre aucune assurance. Il est reproché aux mollahs de détenir des membres d'Al-Qaïda et de vouloir les utiliser comme monnaie d'échange dans les négociations. Quant au conflit du Proche-Orient, l'Union européenne a vainement demandé une modération du discours iranien vis-à-vis d'Israël et de cesser son soutien aux attentats suicide palestiniens. Cette attitude fait partie des raisons motivant la rupture des discussions pour la signature de l'accord de coopération commerciale. S'agit-il-là de la fin de la diplomatie dans les tentatives de faire abdiquer le régime iranien ? L'Union européenne, qui a fait preuve de conciliation dans ses relations avec Téhéran, optera probablement, dorénavant, pour des méthodes de pression beaucoup plus dures. C'est-là un alignement de fait sur la position américaine. Washington est prête à tout, y compris la solution militaire, pour faire plier l'Iran. Cet isolement progressif ne semble pas inquiéter outre mesure les maîtres de la Perse. En effet, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères a surpris son auditoire en affirmant : “Les menaces contre la République islamique d'Iran ont été inefficaces. Les Européens doivent faire attention à ne pas utiliser le langage de la menace.” Voilà des propos déconcertants de la part d'un responsable, qui est en train d'assister à la mise en quarantaine progressive de son pays dans le but de lui faire subir un sort identique à celui de son voisin l'Irak. Les dossiers à charge se préparent par les services de renseignement occidentaux, à commencer par le nucléaire et les missiles Sahhab-3 susceptibles de porter des charges chimiques ou biologiques. Reste à savoir jusqu'où iront les dirigeants iraniens dans leur discours antioccidental, car les sanctions ne vont pas tarder à pleuvoir, maintenant que l'Europe épouse les thèses américaines visant à mettre les mollahs à genoux. K. A.