Washington ne lâche pas Téhéran l'accusant de vouloir mettre au point des armes atomiques. Le ton est ainsi monté ces deux derniers jours à Vienne (Autriche) lors des assises du conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique, (Aiea, sous égide de l'ONU), où furent discutés les cas iranien et libyen. Comme de juste ce sont les Etats-Unis qui, s'investissant du rôle de procureur, se sont chargés de porter les accusations contre l'Iran lequel, selon Washington, cherche à mettre au point des armes de destruction massive (ADM). Les Européens, partisans d'une approche plus souple du nucléaire iranien, se sont opposés à des sanctions immédiates contre Téhéran, ne cachant pas néanmoins leur «inquiétude» quant aux «omissions» de l'Iran dans ses relations avec l'Aiea. En fait c'est le directeur général de l'Aiea, Mohamed El Baradei, qui, revenant d'une inspection en Iran, a fait part de ses préoccupations laissant entendre que Téhéran n'a pas tout dit sur son programme nucléaire. Dans une déclaration à la presse il s'est dit «très inquiet» au sujet des «omissions de Téhéran» qui, selon lui, «mettait un bémol à la politique de transparence claironnée» par l'Iran. S'exprimant sur les travaux du conseil des gouverneurs, avant l'accord américano-européen, El Baradei a déclaré: «Le débat en cours au conseil des gouverneurs porte sur ce que pourraient être des résolutions équilibrées sur l'Iran et la Libye», indiquant: «Certains gouverneurs voudraient souligner le côté positif, d'autres le négatif. En fin de compte, j'espère que nous parviendrons à des résolutions équilibrées sur ces deux questions.» En tout état de cause les débats ont été très durs mardi entre les Etats-Unis et les Européens, ceux-ci enclins à la conciliation avec l'Iran, suggérant de poursuivre des discussions «constructives» avec Téhéran, au moment où Washington tenait absolument à ce que l'Iran soit sanctionné et son dossier transmis à l'ONU. Après de laborieuses négociations, les deux parties sont finalement parvenues à un accord de compromis «condamnant» l'Iran pour avoir «omis de révéler en octobre qu'il disposait des plans d'une centrifugeuse sophistiquée (P-2) destinée à enrichir l'uranium». Un pas est en fait ainsi franchi vers la saisine du Conseil de sécurité de l'ONU. De fait, un responsable du département d'Etat américain, a déclaré mardi soir, sous le couvert de l'anonymat, que «Si l'Iran continue sur cette voie, ce sera la conclusion logique». Auparavant le porte-parole du département d'Etat, Richard Boucher, a déclaré à la presse qu'«il est clair que l'Iran n'a pas pris la décision stratégique d'abandonner ses efforts dans le domaine des armes nucléaires», se félicitant en revanche de «la manière positive» avec laquelle la Libye a renoncé à son programme nucléaire. L'Iran, contrairement à la Libye, n'a jamais reconnu avoir un programme nucléaire en chantier. De fait, Téhéran réfute les accusations américaines, disant également sa déception quant à la position européenne. Le représentant iranien auprès de l'Aiea, Pirooz Hosseini, indiqua à ce propos «Nous attendions davantage de nos collègues européens mais ils ont été soumis à trop de pressions, trop de pressions non constructives des Américains». Par ailleurs, le chef de la diplomatie iranienne, Kamal Kharazi, indique «Nous avons engagé une coopération (avec l'Agence internationale de l'énergie atomique) et, pour poursuivre, cette coopération doit être bilatérale», regrettant ainsi le fait que «malheureusement, l'agence se laisse influencer par les Américains» avertissant «si l'une des parties ne respecte pas ses engagements, la coopération ne continuera pas». Il ne fait pas de doute cependant que les Etats-Unis, après avoir déboussolé le régime de Saddam Hussein, amené celui de Maâmar El Gueddafi à résipiscence, tiennent à ce que Mohamed Khatami, à son tour, rentre dans les rangs. En fait, Washington veut que le traité sur la non-prolifération nucléaire (TNP) qui, selon toute apparence, ne concerne pas Israël - qui dispose d'un arsenal nucléaire de 200 missiles atomiques - soit, en revanche, appliqué avec rigueur aux pays arabes et musulmans.