Les mets que nous connaissons aujourd'hui sous les appellations de soupes, potages, potées ont sûrement été les premières formes de mets élaborés. Tout était mis dans la marmite, couvert d'eau, puis soumis à la cuisson. L'enfance de l'art, dirait-on. Chez certaines peuplades à travers le monde, le procédé continue à faire recette. Cela n'a pas changé depuis la naissance de la poterie. Toutes les nations ont inscrit au moins une soupe à leur répertoire gastronomique. Chaque pays a son potage national. Chez nous, bien qu'il en existe plusieurs, le laminage culturel entrepris par les médias a hissé la chorba au titre de "potage national". Chorba est une appellation générique pour désigner la soupe en langue turque. Il faut la faire suivre d'un qualificatif : chorba hamra, chorba beïda, etc. L'ancêtre des chrabi léguées par les janissaires était loin de ressembler à celle que nous retrouvons aujourd'hui sur nos tables. Il ne faut pas l'oublier, la cuisine turque nous a été transmise par des soldats qui n'avaient que faire des raffinements. REPAS EN ELLE-MÊME Nourrissante et consistante, telles étaient les qualités exigées par la sofra (tablée) au achdji (cuisinier intendant). La soupe était un plat complet qui constituait tout l'ordinaire des yoldach (soldats). On retrouve la chorba dans tous les pays qui ont fait partie de l'empire ottoman et même au-delà. La chorba va se policer au XVIe siècle avec l'arrivée de nouveaux produits agricoles, notamment la tomate et le paprika, à tel point que les voyageurs européens n'y verront plus qu'une soupe au mouton fortement épicée. On doit aux morisques la m'quatfa et la douida (littéralement vermicelle) ainsi que le riz qui garnissent les chorbas. À l'origine, on utilisait plutôt des céréales concassées (blé, orge, sorgho, mil). Plusieurs soupes apparentées à la chorba se sont fondues en elles et vice-versa . Le raffinement continuera au fil du temps. Avec l'usage de l'huile “sango” au début du siècle, car autrefois on utilisait exclusivement de la graisse de mouton quand elle était disponible, la chorba va s'alléger, appeler la diététique à son secours et devenir un plat servi en entrée, perdant ainsi son rôle de repas en lui-même.