Le Ramadhan s'est installé tranquillement à Béchar dans une ambiance peu semblable à celle des années précédentes. Avant, c'est el-hadane, le muezzin du quartier, qui en ce mois sacré et exclusivement en cette période informe les citoyens de l'approche de l'heure de l'imsek par le biais du bruit d'un tambour. Cette année, les jeûneurs doivent plutôt se fier à leur réveil-matin, car pour des raisons de relève, le “dandda” ne semble plus être de mise. Pour les Bécharis, la matinée des journées du mois de Ramadhan est réservée aux achats des fruits et légumes. Ici on se plaint tous des prix jugés hors de portée, mais on ne se retient point d'en acheter. Les gens se précipitent vers les marchés de la ville inondés de produits alimentaires. Dans cette ville du Sud, la fièvre de l'achat s'est emparée des gens et des souks, bien avant l'avènement du jeûne. En effet, les citoyens les plus malins, mieux calculateurs pour contourner la flambée des prix, avaient privilégié l'achat en gros une semaine avant le début du mois sacré. Lors de notre virée dans les différents marchés de la capitale de la Saoura, on a remarqué que c'est surtout la datte qui est la plus choyée. La Deglet nour et la hmira trônent sur tous les étals à des prix fort abordables. Pour les autres produits, les prix vont du simple au double dans les petits locaux commerciaux. 1 kg de pomme de terre est affiché à 50 DA, l'oignon est cédé à 40 DA le kg. La tomate est vendue à 60 DA/kg et la mouloukhia (produit local) est cédée à 180 DA/kg. Les différentes viandes ont aussi connu une hausse des prix, le kg de veau est cédé à 750 DA et le poulet à 390 DA/kg. Ces prix ont poussé plusieurs Bécharis à acheter de la viande fraîche issue de l'abattage clandestin. Fidèles à la tradition durant ce mois de clémence, plusieurs jeunes ont squatté les trottoirs en étalant leurs marchandises sur cette partie de la voie publique réservée aux piétons. Aussi, la circulation est tellement dense que des bouchons sont observés à longueur de journée au centre-ville entre 9h et 15h. À l'approche d'el-adhan, la population se dissipe. Le calme prend possession de la ville. Ce calme est brusquement déchiré par l'appel du muezzin amplifié par les haut-parleurs des mosquées. Dans les maisons, les tables sont garnies de plusieurs plats traditionnels. Mais pour la plupart des Bécharis, le premier geste est de rompre le jeûne avec des dattes et du lait, suivi de la hrira puis du bourek, du café avec des gâteaux traditionnels tels que la zlabia, la chamia et la baklawa. Aussitôt le f'tour terminé, un grand nombre de citoyens convergent vers les mosquées pour accomplir la prière des tarawih. Les habitants de la capitale de la Saoura qui ont l'habitude de vivre en ce mois sacré un énorme élan de solidarité commencent les échanges des visites familiales. En ce moment, la circulation automobile devient plus intense. Les femmes parcourent les artères de la ville à la recherche du vêtement désiré. Elles sont généralement accompagnées de leurs enfants. Les jeunes, qui errent en groupes dans les différentes artères du centre-ville, vivent dans la monotonie par manque d'activité culturelle. “La ville n'offre aucune sorte de détente. Nous ne savons pas où aller ni quoi faire”, a déclaré un jeune étudiant. Minuit passé, la ville est toujours en éveil, les lumières s'éteignent une à une et les soirées se poursuivent encore dans les foyers.