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Le Ramadhan, mois de la spiritualité et du surpassement
Il est censé apaiser les instincts les plus fous
Publié dans La Tribune le 21 - 08 - 2009


Photo : Riad
Par Billal Larbi
Dans un monde où la matière devient l'unité de mesure sacralisée, et où l'argent a pris une place prépondérante, le jeûne du mois de Ramadhan est là pour relativiser la conception dominante et pour fournir aux croyants une arme à toute épreuve. Loin de se réduire à l'abstinence alimentaire comme c'est malheureusement le cas par les temps qui courent, le jeûne exige de l'homme la mobilisation de tout son être. Pour d'aucuns, il constitue une véritable école d'endurance et de patience dont le musulman doit tirer profit pour s'armer sur le plan mental et faire face aux vicissitudes de la vie. Les exégètes et les savants de l'islam insistent sur le fait que l'observation extérieure des règles du jeûne doit s'accompagner d'une maîtrise des sens et plus particulièrement de la langue. L'exercice spirituel que représente le jeûne doit démontrer à l'homme sa capacité de se priver pour un temps de ce qui lui semblait indispensable. Il doit lui révéler que, dans ce domaine, comme dans bien d'autres, vouloir, c'est pouvoir, à condition que l'intention soit ferme et que le but recherché soit l'agrément de Dieu. Pour le musulman, le mois de Ramadhan est assurément un mois à part. Au regard de ses spécificités, il ne ressemble guère aux autres mois de l'année. Au cours de ce mois sacré, l'aspect spirituel doit prendre le dessus sur l'aspect matériel. Il est admis que le début de ce mois est synonyme de miséricorde, son milieu de pardon et sa fin d'éloignement des flammes de l'enfer. Ce mois constitue une occasion en or pour se faire effacer ses péchés et se réconcilier avec son Créateur. Durant tout le laps de temps que durera le mois de Ramadhan, les rétributions (hassanate) découlant de tout bon acte sont augmentées. De même que les choses d'ici-bas (argent, pouvoir, sciences, plaisirs…) suscitent la convoitise des gens et constituent le point de mire de ces derniers, il faudrait qu'il en soit de même pour Ramadhan dans la mesure où les musulmans doivent tout faire pour ne rien gâcher des journées et des nuits de ce mois. Tout un chacun tentera d'être le premier en matière d'actes qui le rapprochent de Dieu. Au cours du mois de Ramadhan, les mosquées constituent le point de mire des fidèles. Afin que ces lieux de culte soient à la hauteur de l'événement que constitue l'arrivée du mois de Ramadhan, une opération de toilettage y est effectuée. Sous la houlette de l'imam de la mosquée, des jeunes et des moins jeunes nettoient, dépoussièrent et lavent. Des coups de peinture sont même donnés afin que la maison de Dieu soit parée de tous ses atouts. Des appareils modernes sont utilisés pour le nettoyage de la moquette. Cette année, outre l'aspect embellissement, la nécessité d'harmoniser les horaires d'appel à la prière (adhan) dans les villes et quartiers, notamment durant ce mois de Ramadhan, a été mise en évidence par les responsables ayant à charge ce volet. Une décision a d'ailleurs été prise dans ce cadre. L'objectif de cette dernière est d'éviter la division et l'anarchie dans les mosquées et de permettre aux fidèles d'accomplir correctement leurs rites
religieux. Il faut dire que le calendrier officiel repose sur des données scientifiques et des calculs bien précis.
Bien-être physique et émotionnel Contrairement aux autres jours de l'année, il n'est guère difficile de remarquer que les mosquées sont toujours archicombles pendant la période de jeûne, y compris durant la prière de l'aurore (el sobh). Bien avant le déroulement de la prière, les fidèles pénètrent dans la mosquée. Certains accomplissent des prières surérogatoires (nawafil), d'autres récitent le Coran au moment où une troisième catégorie s'adonnent à la méditation et au dhikr, c'est-à-dire glorifie les mérites de Dieu et salue le prophète Mohamed (Que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui). Si les mosquées ne sont pas très pleines lors des prières d'al dhor et d'al assar (les gens sont occupés par leur travail ou par les achats au niveau des marchés), il n'en est pas de même pour les prières de la nuit, à l'image de celle du maghreb, qui annonce d'ailleurs la rupture du jeûne. Quelques minutes avant celle-ci, la mosquée et son environnement immédiat s'illuminent. Les gens attendent l'appel du muezzin pour rompre le jeûne, effectuer la prière puis rentrer chez eux. Du lait et des dattes sont emportés par des bienfaiteurs en vue de les offrir aux jeûneurs. Et comme tout un chacun le sait, l'une des caractéristiques du mois de Ramadhan réside dans le fait que durant ce dernier (et pas durant le restant de l'année), une prière est effectuée la nuit. Il s'agit de la prière des tarawihs. Cette dernière est exécutée après celle de la isha. Pendant les tarawihs, les prières sont effectuées par paires de rakaas (séquence rituelle de la prière), avec en tout entre 8 et 36 rakaas selon les traditions. Les sunnites, comme c'est le cas pour notre pays, croient qu'il est de la tradition d'essayer d'accomplir un khatm (récitation complète du Coran) en récitant au moins une partie du Livre saint, le Coran en comportant 30 chaque soir.
Si le croyant ne peut réciter le Coran en entier durant la prière, il peut se limiter à ce qu'il sait, ou à ce qui est dans ses possibilités. Pour de nombreux habitués, les mouvements effectués lors des prières de tarawih améliorent la condition physique, le bien-être émotionnel et augmentent la longévité de celui qui effectue ce type de salat. Lorsque qu'un effort est fourni, comme lorsqu'on effectue les prières de tarawih, il s'opère une amélioration de l'endurance, de la résistance, de la flexibilité et de la force. Des spécialistes en physiologie ont constaté que les cinq prières quotidiennes (salat) produisent les mêmes changements physiologiques que ceux produits par un jogging ou une marche à pied à une allure de 3 miles par heure, sans effets indésirables.
Autre type d'adoration en islam, et qui n'est en vigueur que pendant le mois de Ramadhan, l'itikhaf. Cette pratique consiste à rester à la mosquée dans un esprit de dévotion pour plaire à Dieu. Pour le musulman, cet acte consiste à se retirer dans la mosquée, pour une période de temps, que ce soit un jour ou une semaine. Durant cette période, le croyant passe de nombreuses heures à réciter le Coran et à invoquer Dieu. Souvent, cette pratique l'amène à vouloir
modifier son mode de vie afin que ce dernier soit plus centré sur l'adoration de Dieu. En se coupant du monde et de la routine quotidienne et en passant la majeure partie de son temps dans l'adoration de Dieu, il acquiert un sens nouveau des priorités et accorde moins d'importance à la vie d'ici-bas. Le Prophète (Que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) faisait lui-même des retraites appelées i'tikaaf, dans la mosquée, et spécialement, durant les dix derniers jours de Ramadan. Il y installait une tente et s'y enfermait, passant tout son temps en actes de dévotion personnels. Le Prophète (bénédictions et saluts soient sur lui) a fait cette retraite la dernière décade de Ramadhan et ne cessa de la pratiquer, jusqu'à sa mort. Il a dit : «La mosquée est le refuge de tout homme pieux. Dieu a promis à celui qui y fait sa retraite de lui accorder sérénité et miséricorde, de le faire traverser le sirat [pont jeté sur l'enfer] pour le faire parvenir à Sa grâce au paradis». De nos jours, il est des personnes qui tentent d'obtenir un congé de travail pour pouvoir faire une retraite dans la mosquée, mais comme cela demeure difficile, bien peu arrivent à le faire. En dépit de difficultés d'ordre pratique, il arrive qu'on retrouve dans certaines
mosquées des gens en retraite durant les dix derniers jours de Ramadhan. Le désir de ces personnes de s'adonner à l'itikaaf est d'autant plus ardent qu'elles voudraient bien que leur séjour à la mosquée coïncide avec leilat el kadr. Cette dernière intervient durant les dix dernières nuits du mois de Ramadhan. On dit que c'est durant les nuits impaires (21ème, 23ème, 25ème, 27ème et 29ème) qu'intervient leilat el kadr. Dans l'écrasante majorité des pays musulmans, la nuit du destin est célébrée la nuit du 27ème jour du mois de Ramadhan. Allah a révélé le Coran dans cette nuit. Allah dit dans la sourate 97, Al Qadr, versets 1 à 3 : «Nous avons fait descendre le Coran dans la nuit de la valeur. Et qui te fera comprendre ce qu'est la nuit de la valeur. La nuit de la valeur a plus de valeur que mille mois.» Ainsi, le Coran fut révélé la nuit de la valeur [ou du destin], une des nuits du mois de Ramadhan. C'est une nuit de grandes merveilles et de bénédictions que Dieu a décrite comme étant «meilleure que mille mois». Cela veut dire que le mérite de ceux qui feront preuve de dévotion durant cette nuit surpassera le mérite de mille mois de dévotion, soit quelque chose comme… 83 ans ! Ce grand mérite est cité dans la sourate Al Qadr.
Durant cette nuit, les mosquées, déjà très fréquentées pendant tout ce mois, vont faire le plein. «Je prends mon f'tour dans la mosquée, sinon je ne peux pas trouver la moindre place pendant ces derniers jours de Ramadhan», nous explique un jeune homme. Leilat el kadr met la dévotion à son apogée, et les mosquées seront remplies jusqu'au petit matin, hommes, femmes et enfants confondus. Ces derniers aussi s'investissent pleinement, et nombreux sont ceux qui feront leur baptême du jeûne ce jour là. A l'heure du f'tour, celui qui aura résisté -l'écrasante majorité d'entre eux, orgueil oblige-, sera fêté comme le grand qu'il est devenu. «Après qu'il a jeûné la journée, je ramène mon fils à la mosquée. C'est sa religion, c'est une manière de l'éduquer à respecter ses origines», dit Hassan, 52 ans et père de trois enfants.
Généralement, durant la veillée du 27 jour du Ramadhan, on procède aux circoncisions des jeunes garçons. De belles cérémonies sont organisées dans une ambiance faite de bonne humeur et de convivialité.
Une autre prière est exécutée durant les nuits du Ramadhan (elle peut l'être durant le restant des jours de l'année). Il s'agit de la prière du atahajud par le biais de laquelle le croyant implore Dieu, lui demandant de le guider dans sa voie. Généralement, cette dernière (surérogatoire) est accomplie durant le dernier quart de la nuit, c'est-à-dire à une heure où les gens dorment. On peut faire cette prière chez soi, mais il est préconisé de l'accomplir en groupe dans la mesure où l'effet de ce dernier est indéniable, d'autant que la prière en groupe dépasse (en rétributions) celle d'une personne priant toute seule de 27 degrés.
Nous ne terminerons pas cet article sans faire allusion aux efforts déployés par les forces de sécurité afin que les mosquées (et leurs alentours) soient de véritables havres de paix. Il ne fait pas de doute que c'est sur la prière des tarawihs que les feux de la rampe seront jetés. Même si par essence, le Ramadhan est un mois de piété, il n'en demeure pas moins que des actes criminels y sont enregistrés.


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