Même si leur nombre a sensiblement diminué par rapport aux années précédentes, les restaurants de la rahma sont plusieurs à ouvrir pour recevoir des centaines de personnes en difficulté. Chaque année, durant le mois de ramadhan, des restaurants ouvrent leurs portes pour servir des repas gratuits aux personnes nécessiteuses. Le ministère de la solidarité a enregistré pour ce mois de Ramadhan pas moins de 600 restaurants de la rahma à l'échelle nationale. Un peu moins que l'année dernière où l'on a comptabilisé 668 établissements de ce genre. Et ces restaurants sont soit des établissements publics ou appartenant à des âmes charitables ou à des associations. Dans le centre-ville d'Alger, plusieurs établissements se transforment en restaurants de la rahma durant le mois de ramadhan. Parmi eux, la cantine de l'APC, gérée par un restaurateur, M. Slimi Lounès. Contrairement aux autres établissements, le travail que font le traiteur et son personnel n'est pas du bénévolat. Il est rémunéré par les services de l'APC. “En fait, avec mon personnel, on s'occupe de tout, même les courses et cela me coûte entre 80 000 à 100 000 DA par jour. Mais je serai payé par l'APC”, explique-t-il. La cantine a accueilli depuis le début de la semaine environ 400 personnes, essentiellement des SDF, hommes et femmes, environ une vingtaine et quelques familles. “Les femmes nous ont posé beaucoup de problèmes avec les SDF hommes. Il y a eu des disputes ; chacun veut prendre une part en plus, ce qui a créé de la discorde et a fini par dégénérer en dispute”, a déclaré le traiteur. Il était à peine 17h, et les gens commençaient à venir, quelques SDF et ouvriers attendaient devant la porte comptant les minutes restantes pour la rupture du jeûne. Pour le repas de dimanche dernier, les cuisinières avaient préparé 20 kilos de chorba, 60 kilos de rôti de viande et 400 boureks. En revanche, les services de l'APC interdisent les couffins, alors que plusieurs familles préfèrent cette méthode par pudeur. À l'exception des ouvriers qui ramènent un bon pour le fameux couffin. Ces “clients”, qui vont aux restaurants de la rahma, la plupart sont des SDF, des ouvriers qui habitent en dehors de la ville et aussi des étudiants étrangers venus de l'Afrique noire, mais le plus désolant est de constater un nombre considérable de familles entières obligées de prendre leur marmaille pour les nourrir au moins une fois par jour. Un étudiant du Mali, Dakit Ibrahim, fréquente, depuis le début, un restaurant tenu par le croissant-rouge. “Afin d'économiser de l'argent pour l'hôtel et mes dépenses quotidiennes, je préfère manger ici ; comme je suis loin de ma famille, je me sens entouré par ces personnes”, a-t-il témoigné. Un jeune en rupture avec sa famille compte parmi les abonnées à ce resto. “J'ai un toit et une famille, mais comme je me suis disputé avec mon père, je viens manger au restaurant de la rahma”, a-t-il confié. À Bab El-Oued, c'est l'école primaire Kamel-Aberkane qui est transformée le temps d'un mois en restaurant, tenu par le directeur de l'établissement lui-même M. Bounadjer Sid-Ali. “Nous le faisons depuis dix ans. en fait, c'est financé par la Baraka banque qui offre de la nourriture sans compter, et sans aucun quota”, a-t-il déclaré. Les repas sont distribués dans deux salles ; depuis huit jours, 1 000 personnes ont déjà mangé, soit 150 par jour. Il a été constaté sur place que de nombreuses femmes étaient venues munies de couffins. “La plupart des chefs de famille ont honte de venir, alors, ils ramènent discrètement des boîtes dans lesquelles nous leur servons le menu du jour”, a témoigné le directeur. Des bénévoles et des scouts travaillent de 9h jusqu'à 23h sans répit. Un menu très varié et riche est proposé chaque jour, dont la banque finance les achats, mais aussi des donateurs anonymes contribuent avec le minimum qu'ils possèdent. “Pour moi, le ministère de la solidarité est quasi absent, je ne le vois pas. Et nous avons rédigé des centaines de lettres à l'APC pour la réparation de la batterie de cuisine, jusqu'à l'heure actuelle, nous n'avons reçu aucune réponse”, s'est-il plaint. À l'avenue du 1er-novembre, un bienfaiteur a prêté son restaurant au croissant-rouge. Grâce aux dons récoltés par la fondation à travers des sociétés et des particuliers, un nombre de 200 personnes ont la possibilité de consommer le repas sur place. Les bénévoles effectuent 2 à 3 services. À l'heure du repas d'avant-hier, une file d'attente immense s'est massée devant la porte. “Nous faisons entrer les familles d'abord, car elles sont accompagnées de leurs enfants, ensuite les autres. Tout le monde a droit à un repas”, a déclaré M. Walid Aïssi, le responsable de ce groupe du croissant-rouge. En effet, une vingtaine de familles était venue manger. Pour la soirée de dimanche, au menu de la chorba, de la salade, un ragoût de pomme de terre et des fruits. Après trois services, 190 personnes étaient venues ; 6 paquets de chorba de 400 grammes ont été servis, 15 kilos de viande et 30 kg de viande hachée pour 200 boureks ; 5 kilos de poivrons pour la salade. Dans le calme et l'organisation, les bénévoles dont la plupart sont âgés de vingt ans avaient travaillé jusqu'à 21h, consacrant leur temps pour donner aux autres. Et les restaurants tenus par le croissant-rouge sont plus d'une dizaine dans la wilaya d'Alger. Après avoir fait le tour de ces trois établissements à Alger-centre, il a été constaté qu'au total un minimum de 700 personnes en tout se nourrissent dans les restaurants de la rahma, et le ministre de la solidarité annonce que le peuple algérien n'est pas pauvre.