Mezghena 95 est l'une des dernières productions du Théâtre régional d'Annaba (TRA) Azzedine-Medjoubi. Cette adaptation du roman Gardiennes des ombres, de Waciny Laredj, a représenté le TRA au dernier Festival national du théâtre professionnel d'Alger. Adaptée par Abdelhamid Gouri et représentée, mardi dernier, sur la scène du Théâtre régional de Batna, cette pièce relate les vicissitudes et les souffrances des intellectuels algériens, durant la décennie noire. Avec un récit autobiographique d'un journaliste victime d'une mutilation infligée par des hommes cagoulés. Mezghena 95 met en scène le personnage/narrateur, Hsissen : un fonctionnaire au ministère de la Culture, victime de mutilation de sa langue et de son sexe et qui s'accroche à sa machine pour raconter son histoire. Dans son récit, il raconte une aventure picaresque au cœur de la ville. En effet, le journaliste Hsissen fait la rencontre de Vasquez, le journaliste espagnol à la trace de son ancêtre, Cervantès, à Alger. Il parle de la découverte de ce buste de l'écrivain Cervantès et de sa plaque commémorative, jetés dans une décharge publique, dans laquelle s'exercent d'énormes trafics et dans lesquels sont impliqués des personnages importants. Cette poubelle place le récit sous l'image dominante de l'ombre, symboliquement très opérante. La pièce est une violente dénonciation d'un système corrompu. D'une part, les tableaux composant le récit sont judicieusement conçus, alternant ainsi le passé et le présent. Ces images, notamment celle de cette jeune femme omnisciente, de ce journaliste qui se cache et se couche derrière sa machine, sont largement significatives. D'autre part, l'espace scénique est simple, dépouillé et composé d'une manière intelligente, très suggestive et imagée. Chapeau bas aux Annabis pour ce spectacle de qualité.