Un jeune chômeur qui ne rêve que de harga, un vieil homme nostalgique d'une époque révolue et un musicien qui restitue, le temps d'une chanson, le passé ; ce sont les trois personnages qui évoluent au Café du bonheur. L'un rêve, l'autre râle et le troisième chante la gloire d'antan ! Le palais de la culture Moufdi-Zakaria a abrité hier et avant-hier deux représentations consécutives du spectacle le Café du bonheur, produit par la compagnie Gosto Théâtre, mis en scène par Ziani Chérif Ayad, d'après les textes de l'humoriste Abdelkader Secteur, coordonnés et agencés par Tayeb Bouamar. El Gosto a revisité, pour le grand plaisir des spectateurs ahuris et agréablement surpris, le concept de la halqa, si cher au cœur de Ziani Chérif Ayad. Dès 21h, le public commençait à affluer sur le palais de la Culture, mais à son grand étonnement, ce n'est pas à la scène aménagée en plein air qu'il a été convié, mais au café… le Café du bonheur ! Le spectacle de près d'une heure et demie se déroule dans un café où évoluent trois personnalités aux antipodes l'une de l'autre, mais largement complémentaires. Il y a le jeune Ali, chômeur de son état qui ne rêve que de reconnaissance et de harga, comme d'ailleurs la plupart des jeunes de son âge. Au café du bonheur évolue également le propriétaire des lieux, Kader, nostalgique et grincheux, mais ne renonce pourtant pas au rêve. Et puis, il y a le musicien déchu, qui chante les standards d'antan et cherche à restituer et recompose le passé glorieux. Il tend à faire revivre de grandes personnalités, notamment dans le domaine de la musique, qui ont existé et qui existent encore grâce à l'empreinte indélébile qu'ils ont laissée et à l'héritage hors du commun légué et négligé. Le Café du bonheur, c'est l'histoire de trois hommes, donc de trois individualités, qui résistent au temps et à ses frasques, et qui se confondent avec le café, dont la création remonte à 1932. En fait, après un échange bref entre Ali et Kader, les comédiens s'aperçoivent de l'existence du public qui les entoure. Ce dernier est intégré dans leur spectacle. Ainsi, les spectateurs ont eu le rôle de touristes venant se désaltérer au café du bonheur. Le Café du bonheur reprend également deux sketches de l'humoriste Abdelkader Secteur (devenu célèbre grâce à la Toile) : le fameux stand-up d'El Hendia et de la Banane, ainsi que celui de l'Enterrement du Gaouri. Pour ceux qui ne connaissaient pas déjà Abdelkader Secteur, les deux sketches étaient délirants, mais pour ceux qui connaissaient déjà son humour, le Café du bonheur n'était pas aussi drôle. En fait, les deux comédiens, Mohamed Bouallag et Tarik Bouarrara, se sont un peu essoufflés et n'ont pas toujours réussi leurs improvisations sur les deux sketches. On note d'ailleurs, à propos du texte, qu'aucun effort n'a été fourni et les phrases telles que “le vent nous vous touche pas” ou encore “comme il a dit lui” sont tombées comme un cheveu dans la soupe, car c'est un humour qui ne fait plus rire. Le Café du Bonheur est une pièce qui appartiendrait au genre populaire — d'ailleurs sur le prospectus de la pièce, on peut lire “Théâtre de boulevard” — mais ni le texte, ni l'originalité, ni la troisième langue n'ont suivi. Quant à la partie réservée à la musique, elle a été prise en charge et interprétée par Noureddine Saoudi. Ce dernier, grande voix et excellent interprète — un peu moins dans la comédie — a revisité les plus beaux et grands standards, notamment du music-hall, hawzi ou encore chaâbi, citons entre autres Oukhiek dima wahdi, de Rachid Ksentini, le grand succès de feu El Hachemi Guerouabi, El Haraz, Tlata zahoua ou mrah, de Reinette l'Oranaise, ou encore les inoubliables et indémodables Oualech ya ghezali et Alalay lali. Par ailleurs, le metteur en scène, Ziani Chérif Ayad, a proposé donc une relecture du concept de la halqa puisque le public entourait les comédiens. Mais le bruit des chaises, le chahut et même les va-et-vient ont troublé quelque peu l'idée et les comédiens. Cependant, en dépit de toutes les imperfections et de la difficulté qu'on a eu parfois à trouver un fil conducteur et une cohérence au texte, le Café du bonheur est un spectacle qui nous propose de faire une halte et de regarder un peu le passé.