La stratégie est simple : un immigré en situation régulière loue une maison ou un bidonville et décroche un contrat de location pour éviter les soupçons. Une fois installé et la confiance établie avec le propriétaire du bien, il regroupe alors ses compatriotes. “Je suis en situation régulière. J'ai mes papiers, mes compatriotes aussi. Je suis un gérant d'entreprise et les autres, qui sont avec moi, exercent dans le bâtiment et le commerce au centre commercial Al-Qods. Nous ne sommes pas des gens à problèmes.” Cet Egyptien s'attendait à tout en cette soirée ramadhanesque, mais pas à une visite des gendarmes de la compagnie et de la brigade de Chéraga qui investissent, juste après la prière des tarawih la rue d'Al-Qods, située à quelques encablures du centre-ville. Fier d'exhiber son passeport et de justifier sa situation en Algérie, cet homme, la cinquantaine, tente de tromper la vigilance des gendarmes par une diversion. À notre arrivée sur les lieux, un bidonville attenant à deux villas, l'une occupée et l'autre en chantier, ils étaient six à occuper cette bicoque. “Nous avons loué cette habitation à 13 000 dinars algériens. Nous sommes à six… non sept… oui dix personnes, mais les autres sont reparties en Egypte pour renouveler leur visa”, dira encore cet homme visiblement déstabilisé, mais manifestement prêt à cacher tous les indices pour détourner l'attention des services de sécurité qui ont agi suite à des renseignements et à un travail de longue haleine. Sous l'œil vigilant du commandant Hocine Bela, chef de compagnie de Chéraga, les gendarmes passent à l'étape supérieure : fouille générale des lieux. Premier indice, un procès-verbal faisant état de la situation irrégulière en Algérie de l'un des occupants. Celui-ci est convoqué pour le mois de novembre pour passer devant le tribunal de Chéraga. Son acolyte, interpellé par les gendarmes pour justifier sa position, jure qu'il est en situation régulière et qu'il détient un passeport et un visa. Premier mensonge : il fouillera toute la bicoque sans arriver à trouver ses papiers d'identité. Second mensonge : il appelle son ami qui exerce au centre Al-Qods pour lui indiquer où il a dissimulé ses papiers. Comme son ami cairote, il sera embarqué pour examen de situation. Les autres, à savoir les 12 restants, sont dans le collimateur et sont suivis de près par les gendarmes. Ces derniers avouent que le réseau est constitué d'au moins 14 personnes éparpillées à travers les chantiers et les boutiques. “Ils ont loué un bidonville pour 13 000 dinars, à raison de 1 000 dinars la personne. Ce bidonville est une véritable fourmilière. Ils sont très organisés. Mais nous avons tous les renseignements pour mener à terme notre enquête et démanteler le réseau”, nous explique le commandant Bela. Celui-ci nous révélera que le réseau a commencé à se constituer depuis 18 mois. La stratégie est simple : un immigré en situation régulière loue une maison ou un bidonville et décroche un contrat de location pour éviter tous les soupçons. Une fois installé et la confiance établie, il regroupe alors ses compatriotes. Avant de quitter les lieux, les gendarmes aperçoivent des jeunes dans la seconde villa en chantier. Ils seront, eux aussi, embarqués pour contrôle. Aux environs de 23h, nous débarquons à la forêt de Bouchaoui. Rien à signaler, sinon un contrôle de routine de quelques groupes de jeunes. “Notre objectif à travers cette présence continue est de sécuriser les lieux de détente les plus fréquentés par les familles. Mais aussi, nous sécurisons les biens contre le vol et la dégradation. En plus du travail de notre compagnie, nous couvrons un large territoire de 90 kilomètres carrés avec quatre brigades”, nous expliquera encore le commandant Bela. Le commandant du groupement de la gendarmerie d'Alger, le colonel Tayebi, supervisera l'opération jusqu'à son terme. Il insistera notamment sur l'application des nouvelles dispositions relatives à la location et la responsabilité du locataire et signataire du contrat de location, mais aussi la responsabilité du propriétaire du bien à louer dès qu'il s'agit du phénomène de l'immigration clandestine. Signalons, enfin, que pas moins de 25 Egyptiens ont été arrêtés et refoulés depuis janvier à fin août 2009 par la Gendarmerie nationale.