Dans une nouvelle vidéo de propagande, les insurgés islamistes shebab en Somalie ont proclamé leur allégeance à Oussama ben Laden et se disent à “son service” sur “la voie du djihad”, illustrant l'influence idéologique croissante d'Al-Qaïda sur les islamistes somaliens. Intitulée “Labaïk ya Oussama” (à ton service Oussama), cette vidéo de 48 minutes est diffusée depuis dimanche, à l'occasion de la fin du mois de jeûne du Ramadhan, à la fois sur les forums jihadistes sur Internet, et dans les rues de Mogadiscio sous forme de CD. “Recevez nos meilleurs vœux et réjouissez-vous”, y clame une voix présentée comme celle du leader des shebab, “l'émir” cheikh Mukhtar Abu Zubaïr, à l'attention de Ben Laden. “Nous attendons que vous nous guidiez sur la voie du djihad (...), au moment où le combat contre l'occupant rejoint la lutte pour établir un Etat islamique” en Somalie, lance Abu Zubaïr. Au rythme de versets du Coran et de nasheed (chants) guerriers, les miliciens islamistes en uniforme kaki, le visage masqué par le traditionnel keffieh, s'entraînent sur un parcours du combattant faits de sacs de sable et de barbelés, tirent à la kalachnikov ou manœuvrent au milieu de bâtiments en ruine. Dans le plus pur style jihadiste, une parade de camions et pick-up, surmontés de mitrailleuses 12.7 mm ou de batteries anti-aériennes auxquels s'accrochent des grappes de combattants, fonce à tombeau ouvert sur une piste de latérite rouge. D'autres images montrent des shebab montant à l'assaut aux cris “d'Allahu akbar” dans les rues poussiéreuses de Mogadiscio, ainsi que de supposées “victimes des atrocités” des “croisés” de la force de paix de l'Union africaine (Amisom). Sous-titrée en arabe et en anglais, dans un design impeccable, la vidéo est entrecoupée d'extraits d'un discours audio de “cheikh Oussama ben Laden” qui appelait en mars dernier au djihad en Somalie et au renversement du “président apostat” Sheikh Sharif Ahmed. D'évidence, le document – qui n'y fait aucune référence – est antérieur à l'attentat suicide meurtrier perpétré jeudi par les shebab contre l'Amisom, et à la mort d'un chef local d'Al-Qaïda, tué le 14 septembre par l'armée américaine. Il marque une nette montée en puissance de la propagande des shebab soucieux, sur le modèle d'Al-Qaïda en Irak ou en Afghanistan, d'utiliser au maximum la caisse de résonance d'Internet et de prendre une part de plus en plus active au djihad global virtuel “Labaik ya Oussama” illustre également “l'influence grandissante” de l'organisation islamiste radicale sur les insurgés somaliens, estime Dominique Thomas, chercheur à l'Ecole des hautes études en sciences sociales de Paris. “Proclamer "Nous voici Oussama" est une forme d'allégeance” à Al-Qaïda, analyse M. Thomas. Les shebab arborent à l'écran le drapeau noir frappé du sceau du Prophète, devenu l'étendard d'Al-Qaïda en Irak, dans la péninsule arabique ou au Maghreb, signe que “les shebab se réclament désormais très clairement du salafisme jihadiste”, selon ce chercheur. Cette influence idéologique croissante ne traduit cependant pas nécessairement une plus grande capacité opérationnelle sur le terrain pour Al-Qaïda, alors que quelques centaines d'étrangers – issus pour la plupart de la diaspora somalienne – combattraient actuellement en Somalie.