Des analystes du dossier somalien soulignent que les shebab ont fait coup double à Kampala, en envoyant un message fort aux troupes ougandaises basées à Mogadiscio et en s'octroyant la franchise Al Qaîda dans la région. Les attentats de Kampala ont démontré la capacité des insurgés somaliens shebab à frapper à plusieurs centaines de kilomètres de leurs bases, et les analystes estiment que ces représentants attitrés d'Al Qaîda en Afrique de l'Est ont été dangereusement sous-estimés. Le mouvement islamiste radical a revendiqué ces attentats qui ont fait 76 morts parmi les nombreux spectateurs venus regarder en direct la finale du Mondial dans deux restaurants. Des analystes du dossier somalien soulignent que les shebab ont fait coup double à Kampala, en envoyant un message fort aux troupes ougandaises basées à Mogadiscio et en s'octroyant la franchise Al Qaîda dans la région. Pour le chercheur norvégien Stig Jarle Hansen, spécialiste de la Somalie, si le double attentat a frappé des cibles civiles, il poursuivait avant tout un objectif militaire en Somalie. L'Ouganda et le Burundi sont les deux seuls pays contributeurs de la force de l'Union africaine en Somalie (Amisom), qui jusqu'à présent est parvenue à empêcher les shebab de renverser le très fragile gouvernement somalien. «L'Ouganda revêt une importance stratégique directe pour les shebab. Ce serait une grande victoire (pour eux) si l'Ouganda venait à quitter la Somalie», explique M.Hansen. Malgré leurs assauts répétés, le recours aux attentats et une tactique éprouvée de guérilla, les shebab se heurtent toujours à l'Amisom à Mogadiscio. Après avoir tenté de monter la population de la ville contre les «croisés chrétiens» de l'Amisom, responsables selon eux de la mort de plusieurs centaines de civils, les shebab entendent à présent ébranler la détermination des dirigeants ougandais et burundais. Les shebab, une émanation de l'Union des tribunaux islamiques qui a brièvement contrôlé la Somalie en 2006, ont peut-être trop longtemps été considérés comme une menace interne à la Somalie. Les explosions de dimanche ont jeté une lumière crue sur leur dimension régionale. Attaques simultanées, recours à au moins un kamikaze, victimes nombreuses regardant un match de football, une activité jugée «non-islamique», restaurant éthiopien visé: l'attentat est certes signé des shebab mais son mode opératoire est bien estampillé Al Qaîda. «Les shebab ont été sérieusement sous-estimés. Le groupe a été considéré à tort comme fragmenté et faible», estime M.Hansen. L'influence croissante de combattants étrangers au sein du groupe, dont la direction a fait voeu d'allégeance à Oussama Ben Laden, confère désormais aux shebab une dimension internationale. Rachid Abdi, un chercheur spécialisé sur la Somalie pour le groupe de prévention des conflits International Crisis Group (ICG), explique que des officiers ougandais de l'Amisom ont récemment reçu des menaces en Luganda, une langue parlée en Ouganda, lors d'appels téléphoniques émanant de Somalie. «Les attaques n'ont pas nécessairement été menées par des Somaliens, mais peut-être par des combattants ougandais luttant à leurs côtés», estime M.Abdi. Les attaques de Kampala ont conduit le Burundi et le Kenya voisins à renforcer leurs mesures de sécurité, notamment aux frontières. Selon Rachid Abdi, le Kenya constituerait la cible la plus évidente et la plus proche pour de prochaines attaques mais ce faisant, le groupe risquerait de s'attirer les foudres d'un pays qui lui sert parfois de base arrière. Reste que pour Stig Jarle Hansen, les attentats de Kampala pourraient s'avérer contre-productifs. «Si le but était de dissuader l'Ouganda de s'impliquer en Somalie, je pense que ce sera un échec (...) La colère va sûrement l'emporter sur la crainte au sein du régime ougandais. Au lieu d'un retrait, cela pourrait déboucher sur un engagement plus important», estime-t-il.