Les professionnels sont gentiment invités à fournir une image positive de la visite présidentielle. Le wali de Sétif aime les correspondants de presse qui travaillent dans sa wilaya. Il les aime tellement qu'il les convoque au siège de la wilaya pour leur prodiguer quelques aimables conseils et utiles leçons pour mieux couvrir la visite du président Bouteflika à Sétif. L'histoire se passe le jeudi 17 juillet. Le wali, sans doute chaperonné par un directeur du protocole de la présidence, venu spécialement d'Alger pour préparer la visite de Bouteflika, veut devancer les désirs de son chef de l'Etat. Jeudi donc, les correspondants de Sétif sont expressément invités à se rendre, en toute urgence, au siège de la wilaya. Ceux qui habitent dans des régions reculées ont été touchés par le biais des fonctionnaires de leurs mairies respectives. L'instruction est claire : il faut se rendre au siège de la wilaya. “Le wali vous demande. Il a besoin de vous !”, leur dit-on. À 19 heures, la quasi-majorité des correspondants de presse est au rendez-vous. La rencontre ne va pas se dérouler dans la somptueuse résidence du wali, mais dans une salle de réunion de la wilaya. Monsieur le wali et son honorable invité ne sont pas à l'heure. Les journalistes attendent. Ils attendent jusqu'à environ 21 heures. Le wali arrive accompagné du fonctionnaire de la présidence qu'il présente à son assistance : l'homme occupe les fonctions de directeur de protocole à El-Mouradia. Selon des comptes-rendus obtenus auprès de journalistes présents à la réunion, il serait un colonel. Mais qu'importe le grade ou le statut ! L'homme est là pour effectuer une mission : influencer, intimider et orienter le travail des correspondants chargés de couvrir l'événement. Et le wali ne va pas tarder à donner le ton. Il prend la parole pour présenter à son invité ces journalistes comme “sahafa de Sétif ness tayibine” (les journalistes de Sétif sont de braves hommes). Ensuite, le wali passe la pommade et encense Bouteflika. “Le président va venir passer deux jours à Sétif parce qu'il aime particulièrement cette ville. Nous sommes la seule ville où il passe deux jours. Il va nous donner une enveloppe conséquente pour achever les projets”, dit-il en substance. Comme pour ne pas vouloir donner l'impression de dicter ses directives, le wali recommande aux journalistes correspondants d'être “objectifs” quant au traitement de cette visite qui revêt pour lui et pour la présidence une importance capitale. Deux heures après le briefing, le conclave s'achève sur des embrassades, des accolades et des tapes sur l'épaule. Certains correspondants en sortent écœurés, d'autres enthousiastes quant aux conseils d'un commis de l'Etat habitué à ce genre de pratique. Le wali de Sétif, à l'instar d'un grand nombre de ses confères, a pour habitude de convoquer les correspondants de la presse pour leur dicter des directives. Proche d'un puissant homme d'affaires, connu pour avoir financé la campagne électorale de Abdelaziz Bouteflika, le wali ne se gênerait pas pour tenter de contrôler des correspondants, souvent soumis au diktat de l'administration et aux barons locaux. F. A. DANS L'INDIFFERENCE ! Si Bouteflika avait pu voir Sétif d'en haut, il aurait eu la désagréable surprise de constater qu'à son arrivée, la population sétifienne vaquait à ses affaires comme si de rien n'était. Il n'y avait que quelques centaines de personnes, massées autour de Aïn El-Fouara et le long de l'avenue du 8-Mai-1945, à l'applaudir. Des autocars ont bien été mobilisés pour ramener des milliers de personnes des communes de la wilaya, mais presque toutes ces braves personnes ont préféré s'éclipser et aller vadrouiller en ville au lieu d'attendre sous le soleil. Cela ne fut pas le cas de ces nombreux policiers venus en renfort dans leurs uniformes flambant neuf et leurs guêtres toutes blanches. Ils durent prendre leur mal en patience et subir, une journée durant, les rigueurs d'un soleil de plomb. Cette campagne électorale, qui ne dit pas son nom, aura été un coup d'épée dans l'eau. Tant d'argent et d'efforts pour presque rien. Bouteflika n'enflammerait-il plus les foules ? D. B.