La loi de finances complémentaire est en vigueur depuis plus de trois mois. Sur elle, tout a été dit. En attendant que la prochaine loi la contredise, il serait parjure de s'en prendre à la LFC. Ou à l'EN de football. Même si l'on ne lui trouve pas de vertus économiques, tout dans cette loi est d'essence protectionniste, donc patriotique : la règle des 51/49 appliquée aux investisseurs étrangers, l'imposition des bénéfices transférés, l'instauration du crédit documentaire… Des voix se sont quand même élevées contre ces mesures gênantes pour les opérateurs commerciaux et industriels, avec des précautions révélatrices de leur appréhension quand il s'agit de critiquer les décisions du pouvoir. D'autres y ont trouvé matière à saluer ces mesures visant à restreindre les transferts financiers vers l'extérieur. Mais qu'une multinationale, à la vocation transfrontalière, enfourche le thème du patriotisme économique pour appuyer une loi à tendance protectionniste étonne. À moins qu'il ne s'agisse d'un acte politicien, un peu comme si la bienveillance de l'Etat est à prendre et qu'il faille, pour cela, exploiter l'opportunité de la controverse. C'est cette perception que nous inspire, par exemple, la révélation du “patriotisme économique” du directeur général de Nedjma. La filiale algérienne de QTel soutient la loi de finances complémentaire pour 2009 ! Avec un peu de retard donc, mais soit ! Voilà “une multinationale pas comme les autres” — cela lui irait bien comme slogan — puisqu'elle ne vient pas faire des bénéfices pour sa maison mère, mais pour le pays d'accueil. Mais n'est-ce pas que la branche algérienne de l'opérateur qatari n'est pas un bénéficiaire historique ? Ce qui fait de ce “soutien” à moindres frais un simple artifice médiatique et politicien : à ce qu'on sait, Wataniya n'a, “comptablement”, rien à transférer. Après une telle preuve de patriotisme économique, soutenue par l'image d'un Zidane qui, lui, renonce effectivement à son cachet, le directeur de Wataniya profite, en ce temps où nous sommes remontés contre les Egyptiens, pour annoncer qu'il s'en prendra, judiciairement, à son concurrent Orascom qui ne veut pas jouer le jeu de la mobilité des numéros Djezzy. Et très adroitement, à moins que ce ne soit par patriotisme économique là aussi, il ne nous dit pas si AT joue ce jeu. Cette passe à la Zidane, outre qu'elle ménage notre Mobilis national — il faut gérer la susceptibilité locale — cache mal le coup asséné à l'Autorité de régulation téléphonique dont la vocation est justement de trancher les litiges relatifs aux règles de concurrence entre opérateurs. Le soutien à la LFC décriée devrait autoriser la remise en cause, justifiée peut-être, de l'efficacité arbitrale de l'ARPT. Ou bien le DG de Wataniya croit-il compenser les interrogations exprimées par des sources officielles au nom de partenaires comme les Etats-Unis et l'Allemagne ? Il pose en tout cas le problème du rapport de l'Etat à la société. À force de réduire au silence ses interlocuteurs légitimes — partis politiques, instances délibérantes, institutions de contrôle, société civile, autorités scientifiques…—, le soutien du pouvoir devient à la portée de qui veut bien s'en emparer. Le risque, avec le tout-marketing qui a déjà raison de notre presse, c'est qu'on finisse par confondre, partout, sponsoring et soutien. M. H. [email protected]