À la tête d'une importante délégation, l'émir du Qatar Cheikh Hamed Ben Khalifa Al-Thani est depuis hier à Alger pour une visite de fraternité et de coopération, dont la durée n'a pas été précisée. “Cette visite sera l'occasion d'examiner les voies de renforcement des relations de coopération existant entre les deux pays frères dans différents domaines et d'approfondir la coordination et la concertation traditionnelles établies entre les dirigeants des deux pays sur les différentes questions arabes, régionales et internationales”, a indiqué sans grande précision un communiqué de la présidence de la République. À peine a-t-il foulé le sol algérien qu'il s'est retrouvé à Djenan El-Mithaq avec le président algérien pour un entretien auquel ont pris part, côté algérien, Ahmed Ouyahia (Premier ministre), Mourad Medelci (ministre des Affaires étrangères) et Karim Djoudi (ministres des Finances). Côté qatari, il y a la présence de Cheikh Hamad Ben Djassem Ben Djaber Al Thani (président du Conseil des ministres), Cheikh Mohamed Ben Fahd Al-Thani (directeur du protocole) et le secrétaire particulier de l'émir, M. Saâd Ben Mohamed Al-Remihi. Au vu des postes occupés par les responsables des deux pays ayant pris part aux pourparlers, il apparaît clairement que le dossier de la coopération économique accaparera la part du lion. Les deux pays partagent d'excellentes relations politiques et économiques. Pour preuve, plus d'une trentaine de conventions et d'accords de coopération ont été signées en moins de dix ans. Même si les hommes d'affaires qataris montrent quelques réticences à venir investir en Algérie, il y a lieu de relever que quelques groupes de ce petit émirat du golfe sont présents en Algérie, notamment dans la téléphonie mobile et le gaz. En effet, la compagnie qatarie des télécommunications Qtel a racheté 51% du capital de l'entreprise Wataniya, devenant ainsi le propriétaire principal (71% des parts) de la société Nedjma qui, aujourd'hui, réalise un taux de réussite de 16%. Troisième producteur mondial de gaz, le Qatar compte prendre pied sur le marché algérien puisque Qatar Petroleum (QP) a l'intention de réaliser une raffinerie dans la ville de Skhira, en Tunisie, qui sera approvisionnée par le pétrole algérien pour son fonctionnement. Idem pour Ouakoud Qatari, une entreprise de carburant qui, elle aussi, compte nouer un partenariat avec Naftal pour la réalisation de stations de distribution des carburants le long du projet en construction de l'autoroute Est-Ouest. Ce qu'il y a lieu de relever est que cette visite intervient dans un contexte de reflux des investissements arabes en Algérie. Les faramineux projets annoncés en grande pompe par certaines grandes entreprises du Golfe, à l'instar du géant émirati Emaar, se sont révélés à la fin comme de simples pétards mouillés. Le président de la République a d'ailleurs pris à partie le groupe égyptien Orascom Telecom en l'accusant publiquement de ne pas jouer le jeu. Il n'est pas exclu aussi que le dossier de la chaîne de télévision al Jazeera soit mis sur la table. Ayant à plusieurs reprises fourré son nez là où il ne faut pas en poussant l'outrecuidance jusqu'à faire un sondage sur l'opportunité ou non des attentats d'Alger de décembre 2007, la chaîne qatarie, connue pour sa sympathie envers les islamistes, a suscité l'ire des responsables algériens qui ont alors décidé la fermeture de son bureau à Alger. Irrités par le travail subversif déployé par cette chaîne, les Tunisiens (2006) et les Saoudiens (2003) sont allés, eux, jusqu'à rappeler leurs ambassadeurs au Qatar car le concepteur d'Al Jazeera n'est autre que Cheikh Hamed Ben Khalifa Al-Thani. À coup sûr, celui-ci essayera d'appuyer la requête des responsables d'Al Jazeera qui veulent se réinstaller dans la capitale algérienne. Réussira-t-il à convaincre son ami Bouteflika ? Peu probable. Sur un autre registre, il est fort à parier que le dossier palestinien sera au menu des discussions entre l'émir qatari et le président algérien, surtout que, ces jours-ci, les Egyptiens font un grand forcing pour donner corps à une réconciliation interpalestinienne qui peine à se réaliser et à laquelle le parti islamiste Hamas adhère du bout des lèvres. Les deux hommes semblent partager la même analyse sur ce dossier. Pour preuve, le chef de l'Etat a pris part à la mi-janvier 2009 au sommet arabe pour la reconstruction de Gaza, tenu à Doha sous l'égide de Cheikh Hamed Ben Khalifa Al-Thani. On s'en souvient, les Egyptiens, les Saoudiens et même l'Autorité palestinienne ont tourné le dos à cette messe arabe à laquelle Syriens, Hamas et… Iraniens ont, en revanche, pris part. Quel message apportera le souverain qatari au président algérien ?