Le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, a annoncé lundi que Barack Obama pourrait ne pas attendre le dénouement de l'imbroglio électoral afghan pour faire part de sa nouvelle stratégie militaire sur le terrain. En gros, cela signifie que le président américain décidera de donner satisfaction ou non à la demande pressante du général Mac Chrystal d'un renfort de 30 000 à 40 000 hommes. Jusqu'ici le locataire de la Maison-Blanche a hésité, soumis qu'il est à des pressions et à des jugements contradictoires, y compris au sein de son propre camp et de son administration. Aux pressions politiques des uns et des autres est venu s'ajouter le poids symbolique d'un prix Nobel aussi inattendu qu'encombrant. Aussi a-t-il tenté de gagner du temps, le prétexte étant tout trouvé en la fraude massive qui a marqué le scrutin présidentiel afghan et l'imbroglio technico-politique qui s'en est suivi. L'attitude de la Maison-Blanche a été alors d'indiquer que le président des Etats-Unis ne se prononcerait pas sur les renforts demandés en Afghanistan tant qu'un gouvernement crédible n'y serait pas installé. Lundi matin, c'est-à-dire quelques heures avant la déclaration du secrétaire américain à la Défense, la Maison-Blanche maintenait encore son option attentiste, ce qui amène à des interrogations sur la fiabilité de la déclaration de Robert Gates qui ressemble, dès lors, davantage à un pronostic qu'à une affirmation. Pourtant, des éléments concrets sont intervenus ces derniers jours pour plaider en faveur de l'éventualité qu'il a évoquée. Le premier vient de l'Afghanistan même, où le président sortant Hamid Karzaï est contraint de reconnaître n'avoir pas obtenu les 50% des voix nécessaires à sa réélection dès le premier tour. Le second émane du commandement militaire allié en Afghanistan, qui assure que l'organisation d'un second tour de scrutin opposant Hamid Karzaï à l'ancien ministre des Affaires étrangères, Abdullah Abdullah, est tout à fait envisageable et techniquement réalisable dans les semaines qui viennent. Le troisième élément, qui pèsera de tout son poids, est fourni par l'impressionnante offensive déclenchée samedi par l'armée pakistanaise au Sud-Waziristan, dans les zones tribales, sanctuaire des talibans pakistanais et afghans, mais aussi des troupes d'Al-Qaïda et, selon toute probabilité, de leur chef Oussama Ben Laden. Les zones tribales, territoire autonome s'étendant sur les territoires pakistanais et afghan mais échappant à l'autorité de Kaboul et d'Islamabad, permettent aux insurgés des deux côtés de la frontières de faire jouer à fond la stratégie des vases communicants, selon que la pression vient d'un côté ou de l'autre, réduisant considérablement l'efficacité des attaques adverses. Pour mémoire, les Etats-Unis ont toujours reproché aux autorités d'Islamabad de ne pas en faire assez contre les talibans afghans qui se replient en territoire pakistanais et y évoluent comme un poisson dans l'eau. Le reproche pourrait changer de camp si l'armée alliée ne se donne pas les moyens d'exercer la même pression sur les zones tribales situées en territoire afghan, d'autant plus qu'en dépit des moyens colossaux déployés par l'armée pakistanaise, qui a déjà échoué par trois fois dans la région, la partie n'est pas gagnée d'avance et beaucoup d'experts prédisent sinon une défaite cinglante, du moins des pertes importantes et l'enlisement de l'opération. Malgré la déclaration de Robert Gates, rien ne permet donc d'affirmer que Barack Obama rendra sa décision plus vite que prévu mais le moins qui puisse être dit est que de nouveaux éléments de pression plaidant en faveur de l'envoi de renforts en Afghanistan sont intervenus. Ils pourraient être décisifs.