“Le transport et le développement durable” ; “L'eau et les déchets urbains” ; “La mobilité et les transports urbains” sont autant de thèmes de recherche liés aux questions environnementales discutés dans le laboratoire de recherche “Ville, urbanisme et développement durable” dirigé par M. Baouni. Pour ce faire, rien de telle qu'une radioscopie. Cette fois, c'est la problématique des transports urbains qui est à l'honneur. Il nous en parle avec force arguments. Liberté : La question de réduction des besoins en transport pour une moindre consommation énergétique implique de facto la substitution de la route par le rail mais aussi par le transport maritime et fluvial. Qu'en est-il de la ville d'Alger, y a-t-il urgence ? Tahar Baouni : De prime abord, je tiens à souligner que la capitale est le théâtre d'un grand désordre urbain, d'un chaos indescriptible dans la gestion des transports, de ruptures spatiales et de fragmentations sociales. La ville a été un laboratoire historique de la croissance urbaine depuis longtemps et a été confrontée de manière précoce à des situations omniprésentes dans les grandes métropoles : étalement, pression foncière, inadaptation des moyens de transport aux conditions d'une mobilité de plus en plus diversifiée et en constante augmentation, dégradation de l'environnement, etc. Pour revenir, à votre question, certes, le chemin de fer est apprécié pour ses avantages : consommation énergétique relativement faible, moins de consommation d'espace, il est un moyen de transport durable également. Cependant le chemin de fer à Alger a été complètement occulté dans tous les instruments de planification spatiale d'Alger. Les décideurs ont privilégié la planification et la réalisation des infrastructures routières. Ceci contribue fortement à l'étalement urbain de la ville d'Alger sur les franges périphériques et ce, en l'absence d'un réseau de transport collectif performant. Ainsi le recours à la motorisation individuelle est apparu comme inéluctable. Par ailleurs, parler de transport maritime à Alger, à mon avis, n'a pas de sens et relève de l'utopie. Quelle appréciation faites-vous du transport collectif urbain, qu'en sera-t-il quand le métro et le tramway seront “opérationnels” ? D'une manière générale, l'on peut constater que le transport collectif de la capitale reste incapable de répondre d'une manière satisfaisante aux besoins en déplacements de la population, et ce, malgré tous les efforts consentis jusque-là pour réduire l'écart entre l'offre mise en service et la demande de transport. Plusieurs facteurs contribuent à ce constat : le déficit constaté, le chevauchement des missions qui entraîne la dilution des responsabilités, le service médiocre rendu aux usagers, etc. En somme, il est abusif de parler de réseaux de transport urbain puisque les lignes sont exploitées sur une base individuelle, sans intégration physique, ni tarifaire. A titre indicatif, selon les chiffres en ma possession, sur les 200 lignes du réseau mises en exploitation, on retrouve environ 2 800 opérateurs privés. No comment ! Dans un futur très proche, la mise en service du métro et du tramway va certainement apporter un changement radical dans l'organisation structurelle du réseau de transport urbain à tous les niveaux (physique et tarifaire) et la mise en place d'une autorité organisatrice des transports urbains est une condition primordiale. Un historien américain a cité l'automobile comme étant l'invention aux plus lourdes conséquences environnementales et sociales du XXe siècle. En quoi cela est-il vrai pour l'urbaniste chercheur que vous êtes ? Pour être très simple dans ma réponse, je dirai que l'objectif final dans toute politique de protection de l'environnement est de diminuer les rejets atmosphériques provenant des véhicules motorisés. Cet objectif pourrait être atteint en mettant en évidence les actions suivantes, à savoir sensibiliser la population aux alternatives des transports, accroître l'utilisation des transports en commun (métro, tram, autobus...), utiliser des transports non motorisés : mobilité douce (marche et vélo), réduire l'étalement urbain, etc. Les villes algériennes connaissent une extension notable du fait, entre autres de l'extension de son réseau routier et autoroutier. En quoi cela est-il antinomique puisque la politique nationale des transports devrait, selon vous, privilégier “la mise en place d'un système de transport urbain multimodal fonctionnel, intégré et performant” ? L'on peut résumer l'état des lieux des transports urbains dans les villes algériennes par les deux points suivants : l'inadéquation entre l'offre et la demande de transport comme résultat d'un dysfonctionnement spatial et de l'absence d'une planification urbaine cohérente qui mette en évidence celle des transports et de l'occupation des sols mais également les défaillances réglementaires et institutionnelles affectant l'encadrement de la planification urbaine en général et le transport urbain en particulier. En effet, les enjeux de la multi-modalité, notamment dans les grandes villes sont considérables à commencer par ceux liés à l'environnement : limitation des nuisances (bruit, pollution), consommation rationnelles d'espace et d'énergie. Les enjeux économiques se traduisent essentiellement par une organisation efficace des transports et de l'espace et enfin, les enjeux sociaux mettent en évidence le droit à la mobilité, la cohésion sociale et la lutte contre la ségrégation et les exclusions. Alger est-elle prête à accueillir et à abriter, structurellement parlant, les transports durables ? Pourquoi ? Comme vous le savez, Alger connaît actuellement la réalisation de plusieurs projets dans le domaine de transport urbain (métro, tramway, téléphérique, électrification du chemin de fer de banlieue…). Aborder la question des transports durables renvoie à une logique de projet de long terme. Les stratégies de transport durable supposent une harmonisation non seulement des objectifs de durabilité, mais mettent en œuvre tout un panel de mesures de régulations : juridiques, organisationnelles… N. R.