Une législation rigide, des structures inadaptées, un personnel médical spécialisé insuffisant, des logistiques défaillantes… Autant de contraintes qui compromettent l'essor de la transplantation d'organes dans le pays. Les professionnels de la santé décrivent une situation frustrante. “La transplantation d'organes est une chirurgie de pointe qui reflète le niveau médical et scientifique d'un pays”, suggère le Pr Rayane, président de la Société algérienne de néphrologie. En la matière, l'Algérie ne tire pas une grande fierté. Le constat, livré jeudi dernier au palais de la culture, lors des travaux du premier congrès de la Société algérienne de transplantation d'organes (Sato), est plutôt navrant tant les contraintes, pas souvent objectives, s'érigent contre des prouesses chirurgicales qui sauvent des vies humaines, destinées sinon à une fin certaine. Le présent et l'avenir de la greffe se construisent dans le prélèvement d'organes sur un cadavre. L'Islam ne s'oppose guère à cette pratique. Des croyances ancestrales rejettent néanmoins le prélèvement d'organes sur une personne décédée qu'elles assimilent à la profanation du mort. Le Pr Chaouch, président de la Sato, a évoqué, dans ce sens, une charge défaillante de la famille des accidentés dans un moment de douleur intense. “Si vous demandez à la famille, dans le pavillon des urgences, que vous voulez prendre les organes du proche qu'elle vient de perdre, c'est normal qu'elle refuse”, a-t-il souligné. “Le manque d'informations induit l'appréhension dans un contexte dramatique”, a complété le Pr Boudjemaâ. “Avec de l'organisation, les gens consentiront certainement à faire ce qu'ils refusent si vous le demandez brutalement. D'autant qu'il n'y a aucun obstacle religieux pour ce faire”, a poursuivi le Pr Chaouch. Il a affirmé que les parents doivent d'abord avoir la certitude que les médecins ont tout tenté pour sauver leur proche. “Il faudra aussi une structure adaptée pour les recevoir et leur expliquer la situation”, a-t-il ajouté. Le Dr Khomri, chef de l'unité de transplantation rénale au CHU Mustapha, a parlé de l'insuffisance de lits dont dispose le service, des pénuries sporadiques des médicaments, des appareils qui tombent souvent en panne, de déficit de médecins formés dans cette spécialité… “Il n'y a pas assez de personnel pour le suivi des malades en postopératoire. Les médecins sur place sont surchargés. Moi, je me plains de ce problème. Je n'ai pas beaucoup d'aide”, a-t-elle rapporté. “Si tous ces problèmes sont réglés, nous pourrons facilement faire deux greffes par semaine dans mon seul service”, a-t-elle soutenu. “Quoi qu'il en soit, nous serons toujours bloqués tant que le prélèvement d'organes sur des donneurs cadavériques ne se développe pas. On continuera à fonctionner en-dessous de nos capacités”, a asséné le Pr Rayane. Il a affirmé qu'environ 6 000 personnes, souffrant d'insuffisance rénale chronique, sont en attente de greffe qui ne leur bénéficiera peut-être jamais car ils n'ont pas de donneurs. La rigidité de la législation algérienne inhibe le développement de la transplantation d'organes, particulièrement la greffe rénale. D'autant qu'il a admis que les algériens sont plus prompts à donner un rein qu'une partie du foie. Il n'en demeure pas moins que la loi n'autorise que les ascendants (mère, père et grands-parents) et les collatéraux (frères et sœurs) à donner un rein. Les conjoints, les cousins, les tantes et oncles, pour rester dans le cercle familial, sont exclus de la liste. “À cause de ça, nous ne pouvons pas dépasser 150 greffes par an, à l'échelle nationale, alors que les besoins minimaux sont de 300 transplantations par an. Le déficit se creuse d'année en année”, a regretté le professeur Rayane. Son confrère, le professeur Chaouch, a estimé important de sensibiliser “les autorités sur ce que nous les spécialistes leur demandons de faire”. À ce titre, il a informé que les recommandations du congrès seront adressées au ministre de la Santé, de la population et de la Réforme hospitalière.