Les autorités pakistanaises annoncent leurs premiers succès dans l'offensive face aux talibans dans les zones tribales, mais les islamistes, qui ont déjà vaincu l'armée à de nombreuses reprises, cherchent à ouvrir de nouveaux fronts, au cœur du Pakistan. Au huitième jour d'une offensive laborieuse, l'armée a marqué un premier point dans le Waziristan du Sud, en s'emparant de Kotkai, le village natal du chef du Mouvement des Talibans du Pakistan (TTP), Hakimullah Mehsud, à moins de 10 km de ses positions de départ. Mais l'armée a déjà pris Kotkai à deux reprises ces dernières années, avant de s'en retirer après la conclusion d'accords sans lendemain avec les fondamentalistes. Plus de 140 000 civils ont déjà fui la région, selon les Nations unies, et les témoins évoquent des bombardements aériens et tirs d'artillerie coûteux en vies civiles. L'armée fait état de la mort de 167 insurgés et 25 soldats depuis le début de l'opération terrestre, sans mentionner de victimes civiles, mais ce bilan ne peut être vérifié de source indépendante. Les Etats-Unis, inquiets de la dégradation de la situation au Pakistan, pays de 170 millions d'habitants doté de l'arme nucléaire, ont rendu hommage à “la détermination” affichée par Islamabad. Mais il faudra “du temps avant que l'on sache si l'ennemi qu'ils combattent a été dispersé, détruit, ou une combinaison des deux”, a nuancé Richard Holbrooke, l'émissaire américain pour le Pakistan et l'Afghanistan. Plusieurs responsables militaires ont reconnu les difficultés de l'offensive, indiquant que sa durée, initialement estimée entre 6 et 8 semaines, pourrait être prolongée. Ils ont mis en avant le terrain montagneux, les mines et la nécessité de progresser prudemment, en protégeant les flancs et les arrières, en occupant hauteurs et routes stratégiques. “Les soldats ont très peu d'informations sur le nombre et la stratégie de leurs ennemis”, a regretté un responsable, mettant en lumière une carence des renseignements, alors que les évaluations des effectifs des talibans oscillent entre 5 000 et 15 000 combattants. Le Pakistan, qui dispose de 600 000 hommes sous les drapeaux, n'a déployé que près de 30 000 soldats dans le Waziristan du Sud, d'après le groupe d'étude New America Foundation. L'assaut de l'armée, provoqué par une succession d'attaques audacieuses qui ont visé notamment ces dernières semaines des cibles militaires, n'a d'ailleurs pas réduit au silence les talibans, bien au contraire. Depuis le déclenchement de l'offensive, des attentats suicide ont notamment frappé l'université islamique d'Islamabad, une base aérienne et un restaurant. “Les talibans vont tenter d'étendre la guerre, de forcer l'armée à être partout en permanence sur le qui-vive”, prévoit Rahimullah Yusufzai, spécialiste des questions tribales. “Ils vont demander à leurs alliés de lancer des attaques au Waziristan du Nord. Il y a déjà eu des attaques à Bajaur et à Mohmand. Ils vont tenter de frapper à nouveau à Swat”, poursuit-il, citant d'autres districts des zones tribales frontalières de l'Afghanistan, ainsi que la vallée de Swat, où l'armée a déjà affronté les talibans cette année. “Les talibans vont aussi continuer à cibler les grandes villes pour créer un état de panique et mettre la pression sur le gouvernement”, estime Rahimullah Yusufzai, alors que toutes les écoles du pays sont fermées pour une semaine de craintes de nouveaux attentats.