La Constitution du 23 février 1989 a apporté, en ses articles 17 et 18 (dont les dispositions ont été maintenues telles quelles lors des révisions constitutionnelles qui ont suivi), des modifications profondes au contenu et à la notion de “propriété publique” et de “domanialité” aux termes desquelles il résulte que : - d'une part, la propriété publique, telle que définie par l'art.17 de la Constitution, ne comprend que les biens et activités jugés stratégiques et vitaux pour la collectivité nationale ; - d'autre part, l'art.18 de la Constitution fait revivre la dualité du “domaine national” en “domaine public” et “domaine privé” qui avait été écartée sous l'ancien régime, et consacre le droit de propriété des collectivités publiques (Etat, wilayas, communes) sur les biens relevant de leur patrimoine. La loi n°90-30 du 1er décembre 1990 portant loi domaniale est intervenue pour prendre en charge ces nouvelles données constitutionnelles. Depuis, notre pays s'est engagé, progressivement, dans la réalisation d'un vaste programme d'ajustement macroéconomique et de réformes structurelles visant à installer les instruments-clés de l'économie de marché, à faire de l'investissement productif le moteur de la croissance et à recentrer les actions de l'Etat sur ses missions pérennes. C'est ainsi que, au plan économique notamment, les réformes engagées, qui tournent autour de la promotion de l'investissement productif privé (national et étranger), se doivent de conduire à la mobilisation de toutes les capacités disponibles. Dans ce cadre, la valorisation à des fins économiques des dépendances du domaine public peut s'avérer d'un apport non négligeable. La loi domaniale du ler décembre 1990 Or, le régime juridique du domaine public, qui découlait de la loi domaniale du 1er décembre 1990, avant sa révision, ne pouvait favoriser la réalisation d'investissements lourds par des opérateurs privés (par exemple dans les enceintes portuaires et aéroportuaires ou pour la réalisation et l'exploitation de tronçons autoroutiers, de ports de pêche, de ports de plaisance,...). En effet, la règle d'inaliénabilité, avec son corollaire d'interdiction de consentir des droits réels, impliquait la précarité des occupations privatives du domaine public. Ce qui fait que l'instabilité dans laquelle se trouvaient les occupants privatifs de ces dépendances domaniales et l'impossibilité pour eux de fournir des sûretés en garantie des crédits bancaires devant être mobilisés, n'étaient guère de nature à les encourager à y développer une politique entreprenante de l'investissement. Les nouvelles dispositions domaniales Devant les exigences et les enjeux de la mise en valeur économique du domaine public, et devant la nécessité d'orienter les ressources limitées du budget de l'Etat (dont la vulnérabilité par rapport aux revenus des hydrocarbures est bien connue) vers la satisfaction, en priorité, des besoins des services publics de base, I'orthodoxie domaniale en la matière se devait de connaître un infléchissement, en permettant la constitution de droits réels sur les ouvrages et installations de nature immobilière dont la réalisation est autorisée sur le domaine public, en vue de donner aux concessionnaires (occupants privatifs) un minimun de sécurité et de stabilité en mesure de les inciter à développer des investissements adéquats. Tel fut l'un des principaux objets de la loi n° 08-14 du 20 juillet 2008 modifiant et complétant la loi domaniale de 1990 (cf. J.O. n° 44 du 03/08/2008). Les nouvelles dispositions domaniales, ainsi intervenues en la matière, n'ayant pas été suffisamment mises en relief, alors que leur utilisation, à bon escient, par les autorités publiques compétentes, en relation avec les opérateurs économiques disposant des qualifications techniques, financières et morales requises, est en mesure de potentialiser les actions engagées pour développer le pays, il nous a paru nécessaire d'en présenter, ci-après, l'économie générale. Les occupations privatives du domaine public De par l'article 22 de la loi n'08-14 du 20 juillet, précitée, une section nouvelle a été insérée au niveau de la loi domaniale, comportant les article 69 bis à 69 septies, traitant des occupations privatives du domaine public constitutives de droits réels, qui s'analysent comme suit : l Le titulaire d'une autorisation d'occupation privative du domaine public a, sauf prescription contraire de son titre, un droit réel sur les ouvrages, constructions et installations de nature immobilière qu'il réalise pour l'exercice d'une activité autorisée par ce titre, étant entendu que toute autorisation d'activités qui ne seraient pas compatibles avec l'affectation du domaine public concerné est exclue. En outre, l'application de cette disposition est subordonnée à la décision des autorités compétentes lorsque les ouvrages, constructions et installations sont nécessaires à la continuité du service public. l Les prérogatives et obligations de la collectivité publique propriétaire sont conférées au titulaire de l'autorisation d'occupation du domaine public, pour la durée de celle-ci, dans les conditions et limites précisées dans ladite section. l La durée de l'autorisation doit être fixée, par le titre qui est délivré, en fonction de la nature de de l'activité et de celle des ouvrages autorisés et compte tenu de l'importance de ces derniers, sans pouvoir excéder une durée cumulée de soixante-cinq ans. l Les droits, ouvrages, constructions et installations de nature immobilière peuvent être cédés ou transmis dans le cadre de mutations entre vifs ou de fusion, absorption ou scission de sociétés, pour la durée de validité du titre restant à courir, à une personne agréée par l'autorité compétente, sous réserve d'une utilisation compatible avec l'affectation du domaine public occupé, le titre pouvant également être transmis aux héritiers, en cas de décès de la personne physique titulaire. l Les droits et ouvrages peuvent être hypothéqués mais uniquement pour garantir les emprunts contractés pour financer la réalisation, la modification ou l'extension desdits ouvrages. l À l'issue du titre d'occupation, les ouvrages de nature immobilière implantés sur le domaine public deviennent, de plein droit et gratuitement, propriété de la collectivité publique concernée, francs et quittes de tous privilèges et hypothèques. l Le retrait d'autorisation avant terme est possible, soit pour inexécution des clauses et conditions de ladite autorisation, soit en toute autre circonstance sous réserve, dans ce cas, d'une indemnisation du préjudice résultant de l'éviction anticipée. Eventuellement, les créanciers régulièrement inscrits doivent être informés des intentions de l'autorité compétente deux mois avant la notification d'un retrait pour inexécution des clauses et conditions de l'autorisation, ce délai étant notamment prévu pour faciliter la substitution d'un tiers au titulaire du droit défaillant. l la constitution de droits réels ne peut porter sur le domaine public naturel maritime, hydraulique et forestier du fait qu'il est irremplaçable et n'est pas renouvelable. L'orthodoxie domaniale en la matière se devait de connaître un infléchissement, en permettant la constitution de droits réels sur les ouvrages et installations de nature immobilière dont la réalisation est autorisée sur le domaine public, en vue de donner aux concessionnaires un minimum de sécurité et de stabilité en mesure de les inciter à développer des investissements adéquats. Il importe enfin de souligner que les règles et garanties ainsi énoncées, tout en permettant la prise en charge des préoccupations exprimées en matière de valorisation économique du domaine public, sont de nature à assurer le fonctionnement du service public et la protection de la propriété publique en conformité avec les dispositions et principes constitutionnels. Telles sont, dans leurs grandes lignes, les dispositions novatrices, relatives au régime juridique du domaine public, intervenues au niveau de la législation domaniale. Il reste à souhaiter que les textes d'application y relatifs soient promulgués rapidement pour en permettre la mise en œuvre effective. A. B. (*) ancien ministre délégué au Budget