“On raconte des histoires, mais on ne raconte pas l'histoire.” Pour le professeur Chaulet, on n'a pas assez analysé ce qui s'est passé lors de la guerre de Libération nationale. Cet ancien interne de l'hôpital Mustapha témoigne que c'est Abane Ramdane qui, le premier, avait soulevé le problème de santé dans les maquis de la Révolution. C'est ainsi qu'aussitôt, des réseaux ont été mis en place avec des étudiants de la faculté de médecine. “Je devais m'occuper en outre de la prospection, dans les minorités européennes, de médecins capables d'accepter de soigner les blessés des maquis”, a affirmé Pierre Chaulet, hier, lors d'une conférence au CHU Nedir-Mohamed de Tizi Ouzou, à l'invitation du conseil de l'ordre des médecins. Si les “malades médicaux” étaient soignés dans des familles, dont les maisons servaient d'infirmeries, il n'en était pas de même pour les malades “chirurgicaux”, des blessés de l'ALN pour la plupart, qui devaient subir des interventions chirurgicales pour notamment extraire les balles. Ces derniers étaient orientés dans des infirmeries anonymes disséminées dans l'Algérois. Au lendemain du congrès de la Soummam, se souvient le conférencier, on a eu à former des infirmiers parmi les grévistes de mai 1956 ; l'objectif était de répondre à des besoins urgents en matière de prise en charge sanitaire dans les maquis de l'ALN. Entre-temps, Pierre Chaulet était expulsé vers Tunis à la fin de l'année 1957. “On était dans les hôpitaux tunisiens, mais on travaillait au service de l'ALN qui avait installé des infirmeries le long des frontières est. Avec la création du GPRA, les choses se sont améliorées”, révèle l'orateur qui rappelle que, dès 1958, la zone autonome d'Alger avait ressenti un besoin pressent d'avoir une infirmerie plus structurée à Bordj El Kiffan. Que ce soit avec le premier gouvernement qui avait confié les affaires sociales à Benyoucef Benkhedda, ou à l'époque où Abdelhamid Mehri avait hérité du même portefeuille, Chaulet et ses compagnons assistaient à la mise en place d'un véritable service de santé en préfiguration. C'est d'ailleurs tout naturellement que Chaulet s'est retrouvé à l'indépendance dans le service public de santé. Ce sont d'ailleurs essentiellement les acteurs de ce qu'a été l'épopée de la construction du système de santé durant la Révolution qui ont, une fois l'indépendance acquise, développé le service public de la santé. L'intervenant a rappelé tout le processus de l'organisation du service de santé durant la guerre et notamment dans la zone autonome d'Alger. Un service qui a pu se développer malgré le manque de personnel qualifié. À l'époque, il y avait en tout et pour tout 2 000 médecins, dont 100 Algériens. Ce qui est insignifiant pour une population de 9 millions d'habitants, dont un million d'Européens. L'adhésion de Frantz Fanon à la cause nationaliste a été rappelée par le professeur Chaulet. Ce qui a constitué un apport non négligeable pour la Révolution. Un autre responsable de la santé dans la Wilaya III a restitué dans son contexte historique la mise en place du service sanitaire, un des plus performants. Le professeur Chaulet, interpellé sur l'écriture objective de l'histoire, dit comprendre que les générations d'aujourd'hui soient saturées par une histoire tronquée, car “écrite par une fraction du nationalisme”. “Il faut assumer notre histoire. Peut-être qu'il y a eu des bavures il est vrai, mais il y en a eu même après l'indépendance”, conclut le professeur.