Marc Bressant, à l'instar de deux millions de Français de la métropole, a surtout été un appelé mobilisé pendant deux ans et demi dans une tentative de maintenir l'ordre colonial. Le dernier quart d'heure des rebelles s'est finalement avéré celui des colons. Comment s'aventurer dans un champ de mines quand, en sus, on a les pieds fragiles ? Le champ de mines, c'est la guerre de libération nationale, et l'aventurier, un diplomate français qui a occupé des postes importants au ministère des Affaires étrangères et a été président de la télévision TV5 Monde. La guerre de libération est la toile de fond d'un roman que Marc Bressant vient de publier avec l'envie de dire que les appelés n'étaient pas tous du côté de l'injustice. Jeune, il apprenait que l'Algérie n'était pas moins française que l'Auvergne. Une autre manière de dire que “la Méditerranée traverse la France comme Paris traverse la Seine”. Ou encore de “Dunkerque à Tamanrasset... ” Comme nombre de ses compatriotes, Marc Bressant a eu 20 ans dans le djebel, affecté dans une sas dans les monts de Tlemcen, pas loin de la frontière marocaine semée de mines et de barbelés électrifiés. Le jeune homme était ainsi mêlé à une “aventure qui (le) dépassait tellement”. Près d'un demi-siècle après, il veut démontrer que “dans ce conflit, on peut être du côté des gens qui apaisent mais pas qui exacerbent”. La Citerne est le résultat de cette “envie de raconter cette histoire de manière définitive” et de “monter le conflit à travers des personnages plausibles et attachants”. Quand le jeune conscrit arrive dans son coin montagneux, les échos des négociations avec le FLN se font entendre. Dès lors, chaque mort pouvait être un mort de trop. Car ici, même la citerne, réserve d'eau et source de vie, est devenue le symbole de la mort omniprésente. La réserve est emplie de cadavres. Quand retentissent les premiers coups de canon sonnant la fin de la colonisation, dans la vallée où sera affecté le sous-lieutenant Werner en 1959, une famille de fermiers est tuée. Eleveurs dont l'aïeul a été extirpé dans le Puy-de-Dôme, dans le fin fond de la France, les Ligny assurent l'approvisionnement en lait de toute la région de Tlemcen. Ils sont appréciés de tous, même des Algériens. Sauf que leurs terres situées dans une vallée riche en sources appartenaient de toute éternité à une vieille tribu. Sans être des colons sanguinaires, ils n'en étaient donc pas moins des usurpateurs. La famille mourra dans l'incendie de sa ferme. Un drame pour lequel un employé arabe sera arrêté, jugé et condamné. Et qui donnera lieu à de terribles représailles. La vérité est pourtant ailleurs, découverte par une archiviste avec laquelle l'officier a réussi à nouer une relation de confiance... Les Ligny ont été en réalité la cible d'une organisation liée aux milieux coloniaux d'extrême droite. Par le massacre d'une famille appréciée, il s'agissait de soulever l'indignation de tous les colons et de faire avorter toute velléité de dialogue. Le sous-lieutenant Wener arrivera sur ces terres alors que commencent à poindre les premières lueurs de l'indépendance. Flanqué d'un médecin normand et d'un instituteur algérien, il tente de faire observer une trêve. Comme nombre de soldats, il aurait pu tomber dans une embuscade de l'ALN. Sauf que les dirigeants du FLN n'ont pas dédaigné son attitude. Le roman la Citerne est un témoignage à lire en ce mois de novembre. Après avoir ouvert une “page douloureuse” de sa vie, l'auteur a décidé de se rendre en Algérie. Ce sera son premier retour. La Citerne, de Marc Bressant. Editions de Fallois.