La presse britannique dans son ensemble a salué l'exploit des coéquipiers de Karim Ziani et leur qualification pour le Mondial. Black Stock Road a la gueule de bois. Ivres de Bonheur, des centaines de supporters des Verts ont défilé mercredi soir dans Little Algiers, le quartier algérien de la capitale britannique, pour célébrer la victoire du onze national contre l'Egypte et sa qualification à la phase finale de la Coupe du monde. Après Khartoum et en attendant Johannesburg, nos compatriotes à Londres, comme à Alger, Paris ou Montréal, se sont accordé une mi-temps d'allégresse exclusive, où les tracas du quotidien et les incertitudes du lendemain ont été mis en veilleuse pour laisser place aux effusions de joie inexhaustibles. Sur les bords de la Tamise, le mal du pays a dopé la ferveur des aficionados d'El Khadra qui n'ont pas attendu la fin du match ni même son début pour faire la fête. “One, two, three, viva l'Algérie”, fredonne Salah avec la voix hachée d'un chanteur qui a esquinté ses cordes vocales après un concert. Encore engourdi après une nuit où il n'a pas beaucoup dormi, il s'est réveillé en sursaut, ce jeudi matin, paniqué à l'idée d'avoir raté la transmission, en direct sur Canal Algérie, du retour triomphant des coéquipiers de Karim Ziani à Alger. Dans le restaurant le Tassili, ils sont plusieurs à attendre ce moment, les yeux scotchés sur l'écran de télévision. Pour tuer le temps, certains repassent la bobine du match dans leur tête. Les commentaires qui s'ensuivent sont des éloges. Les sauts félins du gardien de but Faouzi Chaouchi inspirent la plupart des compliments. “Nous avons joué un beau match. Nous méritons la victoire”, tranche Aziz, un ami de Salah. Assis à la même table, les deux compères dégustent un plat de loubia fumante. Dehors, il fait froid. À Black Stock Road, où ils sont arrivés il y a un an, le Tassili comme le cybercafé ou le taxiphone sont des lieux qu'ils fréquentent assidûment. Un ragoût, un appel téléphonique à la famille ou un voyage virtuel en Algérie, via YouTube, leur permet de tromper leur nostalgie. En se qualifiant pour le Mondial, les Fennecs leur ont fourni une occasion supplémentaire d'oublier qu'ils sont seuls et si loin de leur pays. À leur image, la plupart des supporters qui ont festoyé dans Little Algiers sont des sans-papiers. Vêtu d'un survêtement à l'effigie des Verts, Hassan a campé dans la rue une bonne partie de l'après-midi de mercredi. À mesure que l'heure du match approchait, la foule autour de lui grossissait, chamarrée et bruyante. À chacun son estampille tricolore. En habit ou en drapeau, le vert, blanc, rouge faisait contraste avec le ciel gris. D'habitude quiets, les pavés valsaient sous les hourras et les klaxons des voitures. Considérant sans doute que Black Stock Road est trop exiguë pour une aussi grande messe, les automobilistes ont paradé sur de plus grandes avenues. À Finsbury Park, où se trouve le quartier algérien, les festivités à la gloire de l'équipe nationale de football ont éclipsé pour un moment l'ombre d'Arsenal United, l'authentique maître des lieux. “Good Luck !” (bonne chance), ont répliqué beaucoup de passants à l'endroit des supporters en transe, si nombreux qu'ils ont fini par se répandre sur la chaussée et bloquer la circulation. Présents en renfort pour encadrer la foule et prévenir d'éventuels débordements, les policiers ont assisté, amusés, à la déferlante joyeuse des Algériens. “C'était une ambiance bon enfant”, a décrit un porte-parole de Scotland Yard à la BBC. Sur son site internet, la chaîne de télévision britannique a diffusé des images de la liesse populaire algérienne à travers les quartiers de Londres. Au coup de sifflet final, et alors que les supporters des Verts n'avaient pas encore quitté le stade d'El Merrikh à Khartoum, leurs compatriotes, dans la capitale britannique, investissaient la rue. À Black Stock Road, les cafés et les restaurants où les spectateurs se sont serrés pour voir le match à la télévision, ont été désertés en un clin d'œil. Les policiers, qui devaient veiller à ce que la circulation automobile ne soit pas interrompue, ont finalement autorisé les supporters à investir la chaussée. “Il y en avait des centaines. Je n'ai jamais vu ça”, raconte Boudjemaâ, tenancier du Tassili. Edgware Road, le quartier égyptien de la ville, où les fans des Pharaons festoyaient samedi dernier, a été également pris d'assaut par les Algériens. D'autres processions se sont dirigées vers le centre de Londres, à Oxford Street — les Champs-Elysées de la capitale britannique — et à Marble Arch. De bouche à oreille, les supporters ont appris que la municipalité a donné son accord pour un rassemblement à Trafalgar Square, place mythique à quelques mètres de Big Ben. À 21h, plus de trois mille personnes étaient sur les lieux. Sous la colonne portant la statue de l'amiral Nelson, héros de la guerre de Trafalgar contre l'Espagne et la France, des vivats à la gloire de l'Algérie et de son équipe sont lancés. Quelques téméraires n'ont pas hésité à escalader la colonne pour hisser un peu plus haut l'emblème national dans le ciel de Londres. “Je n'y crois pas. J'ai l'impression que je suis dans un rêve”, s'écrie Hassan, béat. Après cette nuit folle, le jeune homme, qui n'a pas quitté son survêtement tricolore, s'est précipité dans un cybercafé de Black Stok Road pour lire ce qui a été écrit sur le match. En Grande-Bretagne, la presse, dans son ensemble, a salué la victoire des Verts et leur qualification. Sous le titre “L'Algérie a obtenu sa revanche après 20 ans de douleur et un but de Antar Yahia qui a brisé le cœur des Egyptiens”, le quotidien The Times considère que le triomphe des Verts a valeur de symbole dans la mesure où il a permis à l'Algérie de réparer l'affront que l'Egypte lui a infligé, en 1986, en lui barrant la route vers le Mondial italien. La demi-volée de Antar Yahia et l'agilité extraordinaire du gardien de but Fouazi Chaouchi ont été mises en exergue dans l'article de Gary Jacob. Le journaliste a fait remarquer que le match barrage s'est déroulé dans un climat très tendu, suite à l'agression des joueurs algériens, le 14 novembre dernier, au Caire. James Copnall, envoyé spécial du Guardian à Khartoum, a également rappelé ce grave incident qui a renforcé la détermination des Fennecs. “L'Algérie se réjouit au moment où Antar Yahia anéantit les rêves de qualification des Egyptiens”, a écrit le journaliste. S'attardant sur les aspects techniques de la partie, qu'il a qualifiée de “belle et dense”, il a estimé que les poulains de Rabah Saâdane ont mené un jeu plus énergique que leurs adversaires. “Quand il est venu, le but algérien était tout simplement spectaculaire”, a souligné le reporter du Guardian, affirmant, par ailleurs, que l'équipe nationale algérienne avait eu une occasion en or de doubler son score à la fin de la partie. De tous les matchs de qualification qui ont été joués mercredi, ceux ayant opposé la l'Algérie à l'Egypte et la France à l'Irlande ont suscité le plus grand nombre de commentaires dans les médias du Royaume-Uni. Le premier a recueilli des éloges et le second des critiques féroces. Pour avoir engendré de la main le but de la victoire contre les Irlandais, le capitaine des Bleus, Thierry Henry, est passé du statut d'idole en Grande-Bretagne où il était le joueur fétiche d'Arsenal, à celui de pestiféré. Accusée d'avoir endossé la victoire déloyale de l'équipe de France, la FIFA est aussi fustigée. Les officiels et les journalistes lui reprochent de rester passive, comme elle l'a été lorsque les joueurs algériens ont été agressés au Caire.