L'Algérie, signataire de la Convention internationale des droits de l'enfant, n'enregistre pas de retard en matière de législation dans ce domaine. Comment se fait-il alors que des enfants subissent encore des violences physiques et morales ? C'est l'une des principales questions posées hier, à la journée d'étude sur la maltraitance, organisée par la Fondation Mahfoud-Boucebci, à l'Institut national de vulgarisation agricole (Inva), à Alger. D'après Nadia Aït Zaï, juriste et présidente d'association (Ciddef), le code pénal protège l'intégrité physique et morale de l'enfant, mais il a besoin d'être “dépoussiéré”. Plus explicite, elle a estimé que le code est loin de considérer l'enfant comme “un sujet”. Elle a également mis en exergue cette “tendance à islamiser nos textes”, citant les cas d'enlèvement de mineures et la réaction du parquet qui les classe souvent dans les “rapts de séduction”, exigeant alors de l'agresseur d'épouser sa victime. Pourtant, selon la loi, “l'auteur d'un enlèvement ne doit pas échapper à la sanction”, a-t-elle précisé. L'intervenante a aussi fait part de certains concepts, comme par exemple “les attentats aux mœurs” qui ont besoin d'être actualisés. “Dans les attentats aux mœurs, il y a l'inceste, le viol, l'attentat à la pudeur, etc. Il y a un nettoyage à faire ; le mal doit être désigné par son vrai nom”, a déclaré Mme Aït Zaï. D'autres situations insolites, relevant de la maltraitance, ont été observées par l'avocate, qui a dévoilé “la non-inscription de l'enfant à l'état civil” et le cas du “signalement (qui) n'a pas une obligation pénale en Algérie”. Sur ce dernier point, elle a interpellé la justice, exhortant les procureurs à “mettre en avant le principe de non-assistance à personne en danger”. De son côté, une des responsables de l'Unicef à Alger, Doria Merabtine, est revenue sur le 20e anniversaire de l'adoption par l'ONU (le 20 novembre 1989), de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE). Ce pacte, signé et ratifié par 193 pays, dont l'Algérie, confirme que la problématique de l'enfance est à la fois “rassembleuse” et “porteuse d'espoir”. D'après elle, la CIDE fait de l'enfant “un détenteur de droits” et donne “un rôle fondamental” à la famille. Pourtant, malgré la ratification de la Convention, par la quasi-majorité des Etats, la situation de près de 1,5 milliard d'enfants dans le monde laisse à désirer. “Aujourd'hui, il devient urgent de mettre en place de véritables systèmes de protection de l'enfant”, a soutenu Mme Merabtine, en s'appuyant sur la nouvelle “stratégie mondiale de l'Unicef”. Une stratégie qui responsabilise les gouvernements, particulièrement en matière de financement, de recherche et de promotion d'un “débat de société”. La rencontre d'hier s'inscrit dans le cadre d'un projet “Réduction de la violence en milieu scolaire”, d'une durée de 3 ans (2009-2012), initié par la Fondation Boucebci et financé respectivement par l'Union européenne (100 000 euros), et la Fondation et ses partenaires (25 000 euros). “Nous travaillons sur la promotion d'une société non violente, qui veut s'appuyer sur les principaux acteurs”, a signalé son président, Téric Boucebci, à Liberté, allusion faite aux invités (pouvoirs publics, institutions, associations, médias, UE…). Selon lui, “une société violente, où la base de communication est un rapport fondé sur la force et le non-respect de l'autre, n'est pas viable en matière de développement humain”. Le projet en question comporte, outre le travail de terrain avec les enseignants et la tenue de nombreux séminaires et colloques, la rédaction d'un “guide de prévention des violences et de gestion des conflits”.