Il y a chez cette attachante actrice une vitalité, des déchirements et un corps-à- corps avec la matière-même du cinéma qui méritent, à coup sûr, une consécration internationale, tant elle est bouleversante, performante et sublime. Yousra est quelqu'un de terriblement vivant. Elle arrive vers vous, comme ce fut le cas en 1999 à Sousse, droite et altière, et vous regarde droit dans les yeux. Elle commence alors à parler et là, on découvre une femme pleine d'hésitations et de principes, d'orgueil et de volonté. Sa douceur angélique et sa nonchalance apparente renseignent mal sur une volonté de fer. C'est à coup sûr l'actrice la plus constante et la plus sollicitée par les grands réalisateurs. Depuis La mémoire, par exemple, elle est devenue l'interprète fétiche de Youssef Chahine dans des œuvres aussi marquantes qu'importantes comme Alexandrie encore et toujours et L'Emigré. Elle lui porte d'ailleurs une admiration insondable pour sa somptueuse carrière cinématographique certes, mais aussi et surtout pour sa foi dans les grandes causes de l'humanité. C'est lui qui aura permis à cette pétillante actrice de se ressaisir pour choisir la bonne voie et opter irréversiblement pour une ascension aussi fulgurante que de qualité. Pas pour longtemps, malheureusement car la mort du réalisateur d'Al Ardh, un très grand ami de l'Algérie, semble l'avoir marquée, désarçonnée. Ayant perdu les repères tels que ressuscités en elle par Youssef Chahine à la faveur d'un regard critique porté sur une filmographie quelque peu insignifiante à ses débuts, elle donne l'amère impression de renouer avec des choix artistiques malheureux. À ce niveau, ce n'est pas tant la valeur intrinsèque de cette magnifique interprète qui est sujette à caution. Les raisons sont ailleurs. Caractérisées le plus souvent par le subjectivisme, elles sont le fait de Yousra elle-même qui avait, au début de sa carrière, tendance à céder le plus souvent aux sollicitations de ses nombreux amis qu'elle ne voulait nullement éconduire, décevoir. Même s'il fallait pour cela pousser le sacrifice jusqu'à accepter un tout petit rôle. Le personnage fabriqué sur mesure par le chauvinisme hystérique égyptien et mis en scène d'une manière ubuesque contre le peuple algérien par les fils du président égyptien procède de cette même logique. Vraiment, j'avais de quoi être ébranlé dans mes certitudes. Des certitudes merveilleusement irriguées pourtant par des discussions à Sousse qui n'ont pas manqué de donner naissance à une complicité à toute épreuve et à une mise à nu de la période tant décriée. De cette période, m'avait-elle confié, elle aurait tiré aussi des enseignements grâce à de grandes stars comme Chadia, Souad Hosni, Nadia Lotfi ou Nejla Fethi qui lui auraient donné le goût d'autre chose, ou tout simplement la force d'énoncer franchement ce qu'elle voulait faire, et aussi ne plus faire. Bien qu'au delà des apparences, le cinéma égyptien reste un milieu terriblement machiste, et c'est elle qui me l'a confié tout en tenant un argumentaire dithyrambique sur le 7e art algérien, elle aurait décidé de ne plus se laisser faire et de ne plus accepter de rôle de potiche. Très angoissée, par moment, elle vous confiera que les acteurs sont des êtres bien étranges, bien difficiles mais, à son avis, ce sont aussi des gens qui doivent être responsables de leurs faits et gestes, de leur choix. Elle ne croit pas si bien dire. En d'autres termes, il faut une bonne dose de masochisme pour épouser cette profession, a écrit un jour un confrère. Mais le plaisir que semble trouver Yousra dans le nouveau rôle confié par les frères Moubarak est immense.Trahi, je ne pense pas l'être ! L'hostilité injustement imposée à l'Algérie n'a fait, au contraire, que glorifier mon peuple dont les lettres de noblesse, la culture et l'Histoire ont été somptueusement restaurées dans leurs droits les plus légitimes. A. M. [email protected]