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Ces acteurs franco-maghrébins qui crèvent l'écran : Ils ne comptent pas pour du « beur » !
Publié dans El Watan le 24 - 01 - 2010

Ils sont jeunes, beaux, franco-maghrébins et ont du talent à revendre. Ils s'appellent Tahar Rahim, Abdel Raouf Dafri, Hafsia Herzi, Réda Kateb, Leïla Bekhti, Samy Seghir, Adel Bencherif, Farida Rahouadj, Samir Makhlouf… Et ce sont les jeunes loups aux longues dents, pour ne pas dire « dons », du cinéma français. Une nouvelle vague ! Et sa lame de fond ne compte pas pour du… « beur » !
Paris (France)
De notre envoyé spécial
La 15e cérémonie des Lumières, Awards récompensant le cinéma français et ce, de par la presse étrangère — par analogie aux Golden Globes américains — dans les salons de la Mairie de Paris, il y a quelques jours, aura été une preuve patente de l'avènement d'un renouveau. Un revival, une nouvelle donne, une new wave, une nouvelle sensation du cinéma français bousculant l'establishment filmique et « bancable » ambiant de l'effet Bienvenue chez les Ch'tis. Sous les auspices de la grande sœur Isabelle Adjani ayant reçu le Prix Lumières de la Meilleure actrice pour L'Année de la jupe de Jean-Paul Lilienfeld, Tahar Rahim décrochera le trophée du Meilleur acteur pour son époustouflante et charismatique performance dans Un Prophète (2009) de Jacques Audiard (rôle d'un détenu, self-made-man qui devienda un caïd) face à de grands acteurs en lice, comme Yvan Attal, François Cluzet, Romain Duris et Vincent Lindon, Abdel Raouf Dafri se verra décerner le Lumières du Meilleur scénariste et Jacques Audiard, celui du Meilleur réalisateur pour Un prophète devant les cinéastes en compétition Bertrand Tavernier (Dans la brume électrique), Philipe Lioret (Welcome), Anne Fontaire (Coco avant Chanel), Xavier Giannoli (A l'Origine).
Une razzia en perspective
Une consécration ! Trois distinctions en une soirée ! Et de surcroît, Samy Seghir a été nommé dans la catégorie Meilleur jeune espoir masculin pour Neuilly sa mère de Gabriel Julien-Laferrière. Un test de bon augure pour la cérémonie des British Academy of Film and Television Awards (les BAFTAs) se déroulant à Londres le 21 février prochain, Tahar Rahim y est en course dans la catégorie « Etoile Montante » et pour la très attendue 35e cérémonie des César qui se tiendra le 27 février prochain au théâtre du Châtelet, à Paris. C'est que Un Prophète est nommé… 13 fois. Un numéro gagnant ! Dans les catégories Meilleur acteur, Meilleur film, Meilleur réalisateur, Meilleur acteur dans un second rôle (Niels Arestrup), Meilleur espoir masculin, Meilleur scénario original, Meilleure musique, Meilleurs décors, Meilleurs costumes, Meilleur son et Meilleur montage.
Pour rappel, Un Prophète a déjà été plébiscité par de nombreux prix tels que le Grand Prix du jury lors du 62e Festival de Cannes, Prix du meilleur film au Festival du film de Londres, Prix Louis-Delluc ou le Prix du meilleur acteur européen pour Tahar Rahim. De front, Un Prophète a été retenu à la cérémonie de remise des Oscars pour représenter la France dans la catégorie Meilleur film étranger. Un reflet du cinéma français métissé et cosmopolite portant un nouveau regard affranchi, réel et réaliste sur la société sans concession ni ostracisme aucun. Puisque les thèmes traités abordent la difficulté d'être enseignant en banlieue, le milieu carcéral, la condition infra-humaine d'une frange des afro-maghrébins, le délit de faciès, le communautarisme, la xénophobie, l'islamisme ou encore des success stories. On assiste à l'avènement post-Adjani et voire même Sami Bouajila, Roshdy Zem, Jamel Debbouze et ou encore Rachida Brakni.
« Cela a été trop long ! Nous avons défriché. Que ce soit Isabelle Adjani, moi ou Abel Raouf Dafri. Pour arriver à imposer notre mélange, diversité. Ce que nous sommes. C'est-à-dire héritiers de l'histoire. Algérienne, franco-algérienne, française, etc. Et, aujourd'hui, on a l'impression qu'on peut se permettre de porter notre regard sur ce cinéma. Un cinéma français qui est certainement très métissé. Mais où l'on peut faire émerger des acteurs, des scénaristes et des réalisateurs et arriver à hauteur d'homme…
Pourquoi le débat sur l'identité nationale ?
La société est en pleine ébullition quant au débat portant sur l'identité nationale. Ils (les politiques) sont très en retard par rapport au thème. En matière de cinéma, nous sommes avant-gardistes sur le débat de société. La meilleure réponse à cela, ce sont effectivement les films Un Prophète, La Journée de la jupe, Aïcha, Mémoire d'émigrés, Inch'allah dimanche… Prendre cela à bras-le-corps ! Et on sait à quel point l'image est un outil incontournable pour faire bouger les préjugés… Les Français ressemblent à quoi aujourd'hui ? Et pourquoi le débat sur l'identité nationale ? C'est une identité qui est en marche, qui est métissée ayant déjà jeté des ponts un peu partout… Et le débat sur l'identité nationale, je dirais il est presque derrière nous. Il est obsolète ! Il est juste ringard ! On ne nous a pas laissé faire. Il ne faut pas croire que quand on arrive comme cela, on est reconnu. Ce n'est pas vrai. On a tout arraché. Façon maquis, à l'algérienne. Ils nous ont dit non au CNC. Allez, on y va, méthode algérienne, on crève, mais on ne lâche pas. Je poursuis mon combat… » interpellera Yamina Benguigui, la réalisatrice de Mémoires d'émigrés, Inch'allah dimanche ou encore Aïcha. Abdel Raouf Dafri, le dialoguiste dont le nom sonne et résonne (L'Aviseur et Mesrine : l'ennemi public N°1) — car tout le monde en parle dans le cinéma français —, auteur de l'histoire originale et coscénariste du film Un Prophète soulignera : « Je voulais raconter mon histoire à travers celle de Malik qui est en prison. Raconter l'histoire de l'Arabe qui est dans la société française. Dans laquelle, même si vous êtes libre, c'est une prison.Vous devez apprendre et ne vous en sortir que par vous-même. Je voulais montrer dans Un Prophète des personnages arabes qui se prennent en charge eux-mêmes. Je ne voulais pas montrer un film “colonialiste” dans lequel les Blancs posent la main sur l'épaule de l'Arabe, pour l'aider à devenir quelqu'un. Et il le fait au détriment des Corses (rire). Je suis un fan du film Dans la chaleur de la nuit avec Sidney Poitier incarnant un “flic” noir enquêtant dans une ville américaine raciste. Je voulais montrer un individu fier de ses origines... » Isabelle Adjani, récipiendaire du Lumières de la Meilleure actrice pour sa rôle dans La Journée de la jupe ayant « bluffé » tout le monde (celui d'une enseignante prenant en otages ses propres élèves) dira à propos de son « character » : « Je suis honorée, je reçois un prix portant sur un sujet tabou dans la société. Je me suis sentie engagée... » C'est sûr, ils sont les nouveaux prophètes en leur pays !


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