Si vous vous réveillez le matin et qu'il y a de la brume, ne vous inquiétez pas, ce sont les renards qui préparent une soupe ! C'est l'intitulé de cette exposition qui est le dernier volet d'une trilogie (Du bois dont on se chauffe en 2005, Une affaire de famille en 2006), de l'artiste ou “photo-graphiste” Pascal Colrat. Des images, voire des arrêts sur image, avec des couleurs. C'est la première impression qu'on a quand nos yeux se jettent pour la première fois sur cette exposition. Toutefois, à bien y regarder, ces images nous appellent, nous interpellent. Chacune est porteuse d'une histoire. Une partie de l'histoire de l'artiste. De son passé, mais aussi de celui de sa famille. Dans ce denier volet de son triptyque, Pascal Colrat se met à nu. Il se livre. Il livre sa vie personnelle. Les photographies exposées sont comme un livre qui n'est pas encore achevé. C'est une partie du vécu de cet artiste qui est dévoilée, le visiteur peut s'y identifier. “C'est un travail sur la mémoire”, dit-il. Et d'ajouter : “Chacun entre dans l'image et complétera l'histoire. Chaque regardeur doit raconter son histoire.” Cette exposition, c'est aussi la quête de la vérité, celle de l'assassinat du grand-père maternel de Pascal Colrat. C'est un plongeon dur, subi dans le passé familial. Celui d'une famille restée dans l'ignorance et l'expectative. Un passé truffé de mensonges, de meurtres, de viols. Un passé destructif et constructif, à la fois. Destructif car il y a eu meurtre, viol… Constructif car la vérité verra le jour. Bientôt. La soupe aux renards est une exposition totalement dénuée de truquage numérique. Aucune image exposée n'a été retouchée. Chaque photo a nécessité un effort humain et matériel. “Ce travail montre que l'image a été fabriquée sans utiliser Photoshop. Cela a nécessité du temps, des énergies comme dans le cinéma”, révèle le “photo-graphiste”. À travers ses photos, il fait un travail sur la mémoire. Il rend hommage, à sa manière, à son grand-père maternel et à sa mère. À son grand-père parce qu'il a été assassiné en 1935, d'un coup de couteau à l'estomac, dans des conditions obscures, dans le sud de la France. À sa mère qui a traîné avec elle les séquelles d'un viol. Cet hommage est perceptible à travers deux photographies. Escaliers couteau : un couteau ensanglanté sur une marche d'escalier, celui de l'assassin ; Ma mère : une femme (sa mère avant sa mort), autour d'elle pendent des sacs en plastique, contenant chacun quelque chose. Une manière de rendre hommage à cette femme qui avait la manie de tout garder dans des cartons, des boîtes… une manière de sauvegarder le passé aussi douloureux fut-il. Par ailleurs, l'ordre des photographies n'est pas important. Ce sont une succession d'histoires intrinsèques. À l'image de celle qui a pour titre Arbre et qui renvoie à l'arbre généalogique avec tout ce qu'il contient comme histoires, que ce soit sur le plan personnel ou général. “On est fait d'histoire”, confie Pascal Colrat. Dans l'attente que la vérité éclate au grand jour, l'artiste a recours à l'image pour faire ressortir le passé familial, exhumer les souffrances, liées à lui, à sa famille, à son entourage. Avec ce dernier volet de la trilogie, c'est le travail de mémoire, mais de l'apaisement aussi, qui touche à sa fin. Ainsi, la vie reprendra son cours normal et les âmes seront apaisées. La soupe des renards, Pascal Coltrat, CCF Alger. Tous les jours sauf le week-end, jusqu'au 4 janvier 2010.