La sortie médiatique du ministre de la Justice, garde des Sceaux, M. Tayeb Belaïz, au Sénat, se veut une occasion pour mesurer de nouveau l'ampleur du phénomène de la corruption en Algérie et les difficultés à l'endiguer un tant soit peu. L'ONG Transparency International, si l'on se fie à ses statistiques, a réservé à l'Algérie la 92e place dans son classement annuel de 2008 sur la corruption. Avec une note de 3,2 sur 10, notre pays reste à la traîne sur 163 pays. Sa position dans le monde arabe n'est pas plus reluisante : il occupe le 10e rang sur 18 pays concernés. Le niveau de corruption qui affecte les administrations publiques et la classe politique est, selon cette ONG, au rouge depuis plusieurs années déjà. Aucune institution ou département n'échappe à ce fléau. Or, force est de le constater, l'impunité est devenue un mode de gouvernance adopté depuis la mémorable affaire Khalifa et les nombreux scandales qui occupent la scène médiatico-économique du pays ces dernières années. Le silence a été, paradoxalement, la seule réponse des pouvoirs publics à certaines enquêtes diligentées. Sont-ils gênés par le fait d'évoquer ce type d'opérations illicites ? En sont-ils au contraire apathiques ? Aux yeux des observateurs très au fait de ce dossier, il existe un manque flagrant de volonté pour contrer cette délinquance financière et cette grande criminalité économique. Pourtant, dans son discours d'ouverture de l'année judiciaire 2009-2010, Abdelaziz Bouteflika a promis, devant les ministres et les magistrats de la Cour suprême, que “la justice et les lois de la République seront appliquées à toute personne rendue coupable de faits de corruption”. L'intervention du premier magistrat tombait bien à propos, d'autant plus que des institutions de la République sont éclaboussées par des scandales financiers et que la corruption a atteint des proportions alarmantes dans la société. L'Algérie enregistre, en effet, des scores loin d'être enviables quant à cette maladie qui ronge le pays. Ce qui témoigne d'une absence criante de vigilance ou d'un laisser-aller à tous les niveaux. Ainsi, l'administration est sujette à toutes les critiques émanant de sphères diverses. L'on se rappelle que, vers la fin de l'année 2006, Abou Djerra Soltani, alors ministre du gouvernement Belkhadem, avait défrayé la chronique en affirmant, d'un ton menaçant, détenir une liste de personnalités mêlées à des affaires de corruption. Il déclarait avoir en sa possession des dossiers impliquant des personnalités et que ces dernières bénéficiaient de l'immunité. Mais les menaces du président du MSP n'ont jamais été suivies d'acte, la justice n'ayant pas jugé utile de l'entendre pour en savoir plus. Des menaces du genre, on en avait de tout temps entendues, mais jamais la justice ne s'en était mêlée. À croire que les “dossiers à charge”, réels ou fictifs, constituent une arme que brandissent les gens du pouvoir les uns contre les autres, chacun pour s'assurer du silence de l'autre. Par ailleurs, la commission nationale ad hoc envisagée dans ce cadre par le chef de l'Etat parviendra-t-elle à enrayer le phénomène et réussir là où les autres organismes chargés de cette mission ont déjà échoué ? Les chances sont minimes puisque la réforme de la justice n'est pas encore achevée. Il faudrait peut-être attendre le jour où l'Algérie deviendra un véritable pays de droit où la démocratie et les libertés s'exercent conformément à la Constitution pour espérer voir s'appliquer un traitement de choc au phénomène de la corruption, devenue une maladie chronique. Un tel défi ne peut être relevé sans une indépendance entière et définitive de la justice algérienne. Une justice épargnée des injonctions de tous bords pour qu'elle puisse accomplir son noble rôle qui n'est autre que cette guerre sans merci contre l'impunité.