«La corruption constitue un phénomène assez fortement enraciné dans la société algérienne». Les pratiques de corruption sévissant en Algérie «se situent essentiellement dans certaines administrations publiques qui sont en rapport avec le privé», a affirmé, lundi dernier, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, M.Tayeb Belaïz, dans son intervention à l'ouverture des travaux de la première conférence annuelle de l'Association internationale des responsables anticorruption (Iaaca), qui s'est tenue à Pékin, en Chine. Dans sa lancée, le représentant de l'Algérie à cette manifestation, première du genre, sous l'égide des Nations unies, a été, on ne peut plus clair: «La corruption constitue un phénomène assez fortement enraciné dans la société algérienne». Même si le ministre n'a fait que confirmer plusieurs études et sondages réalisés par des instituts spécialisés à ce sujet, il n'en demeure pas moins que les propos de M.Belaïz sonnent comme un aveu de l'Etat algérien quant à la gravité de la situation que vit le pays par rapport à la corruption, précisément. Le ministre de la Justice a révélé que le champ de nuisance de ce fléau se manifeste à travers les relations d'affaires tissées entre «certaines administrations publiques» et leurs partenaires privés. A bien lire la déclaration de M.Belaïz, l'on se rend compte aisément qu'au lieu de répondre du tac au tac aux différents rapports des ONG, notamment ceux de Transparency International, le ministre a préféré devancer les commentaires, en admettant, tout de go, la prévalence de la corruption dans le tissu social algérien. Cela avant de s'attarder, au cours de son intervention, sur les mesures avalisées par l'Etat algérien et qui vont dans le sens de juguler le phénomène de la corruption, sinon de réduire ses conséquences néfastes. A ce propos, le ministre a rappelé que le président de la République a fait de la lutte contre la corruption un défi majeur à relever et s'est engagé à ne ménager aucun effort pour délivrer la société de ce mal, relevant que «cette très forte volonté politique», exprimée au plus haut sommet de l'Etat, constitue en soi, un acte majeur de lutte contre la corruption. Et comme preuve indéniable de l'engagement de l'Algérie à endiguer ce fléau, de même que toutes les nouvelles formes de criminalité économique, le ministre de la Justice rappellera l'arsenal juridique mis en place par son département et où sont contenus, notamment le code du commerce, le code des marchés publics, la loi relative aux infractions à la législation des changes, la loi relative à la monnaie et au crédit et le code des douanes. Autant de textes juridiques qui n'ont malheureusement pas eu un impact sur le niveau de corruption dans le pays qui demeure largement répandue dans les administrations publiques et semble véritablement bien enraciné. En effet, les arrestations des hauts responsables dans le cadre des scandales financiers qui se succèdent en Algérie, ne semblent pas influer sur le phénomène. Et pour cause, l'on ne perçoit aucun signe probant indiquant une évolution dans le bon sens du comportement des Algériens par rapport à la corruption. Les «signes extérieurs de richesse» sont encore exhibés de manière ostentatoire au sein de la société. Autant de «preuves matérielles» qui ne sont pas «exploitées» par les autorités en charge de lutter contre le phénomène de la corruption en Algérie. Cela dit, il est des observateurs qui indiquent que la prévalence de ce fléau était prévisible pour le pays en transition tant au plan politique qu'économique. La batterie de textes cités par M.Belaïz, notamment les récentes lois visant certaines formes spécifiques de criminalité, concernant la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, la prévention de la lutte contre le trafic de drogue et la lutte contre la contrebande, sont des instruments nécessaires pour organiser la lutte contre la corruption en Algérie. En attendant, il est clair que le combat contre la corruption est d'abord une affaire d'hommes. Elle est également une affaire d'Etat. Le ministre de la Justice relèvera, à ce propos, que la lutte contre la corruption est une «oeuvre civilisationnelle et universelle» et que les efforts entrepris par les Etats «seraient indéniablement vains s'ils ne sont pas accompagnés d'une coopération internationale et d'actions prises au niveau mondial». M.Belaïz considère, en outre, que le fléau de la corruption représente un véritable «danger» menaçant le développement des sociétés, fragilisant le rôle des institutions de l'Etat et hypothéquant l'avenir de plusieurs générations.