Liberté : Le domaine de l'immobilier est au creux de l'actualité depuis la promulgation de la loi des finances complémentaire 2009. Pensez-vous réellement que la suppression du crédit à la consommation boostera le crédit immobilier et réduira, par la même occasion, un tant soit peu la crise du logement ? M. Boudaoud : Quoi qu'il en soit, le crédit immobilier existait bien avant la promulgation de la loi des finances complémentaire pour 2009, qui réduit le crédit à la consommation uniquement à l'acquisition d'un bien immobilier. La grande question qui se pose est de savoir si le citoyen moyen, de par son revenu, est capable d'accéder à un prêt bancaire en la matière. À titre indicatif, il est exigé un revenu d'environ 70 000 DA par mois pour prétendre à un prêt pouvant permettre à l'usager d'acquérir un toit. L'Etat a mis en œuvre beaucoup de formules inhérentes au logement aidé. Il n'en demeure pas moins que les revenus moyens (plus de 72 000 DA et moins de 120 000 DA) sont incapables de s'offrir un appartement, car ils ne sont pas éligibles au logement aidé, ne peuvent pas payer cash un bien acquis auprès d'un particulier et n'ont pas droit à un crédit bancaire important. Quelles autres solutions s'offrent à cette catégorie de citoyens ? Là-dessus, il est important de se pencher en profondeur sur la composition des différentes couches sociales de notre société. À notre sens, il y a une méconnaissance des spécificités en la matière de la part des décideurs. D'une part, les exigences bancaires sont telles qu'avec un bas salaire on ne peut en aucun cas prétendre à un logement et, d'autre part, avec un revenu oscillant entre 72 000 et 120 000 DA par mois, l'usager est écarté automatiquement du logement social participatif (LSP). Si on élimine cette couche, on ne pourra jamais prétendre avoir un logement décent. À mon humble avis, il est souhaitable d'élargir l'éventail jusqu'à 100 000 DA. De tels contrastes doivent être analysés et pris en compte afin de lever, à l'avenir, toutes les contraintes susceptibles de freiner le droit de tout un chacun à obtenir son logement, d'autant plus que la politique actuelle en matière de location ne permet en aucun cas à l'immense majorité de citoyens de prendre un appartement en location tant les niveaux pratiqués sont nettement au-dessus de leurs moyens, voire de leur salaire. Les professionnels affirment que le marché de l'immobilier est régi par la spéculation qui surestime le prix du bien. Est-ce une vérité? Ceci est une vérité que les concitoyens vivent continuellement dans la douleur, notamment au niveau des grandes villes où la demande en logements est nettement supérieure. D'où cette pratique draconienne, excessivement élevée aussi bien pour la vente que pour la location du bien immobilier. Le paradoxe est dans un parc immobilier important, soit inoccupé soit inachevé depuis de longues années. À ce propos, et afin de pouvoir prétendre à une meilleure maîtrise dans le domaine, il nous apparaît primordial que chacune des 1 541 communes procède au recensement exhaustif de son parc immobilier en y détaillant l'inachevé, l'inoccupé et même le vétuste. Comment évaluer le prix réel d'un bien immobilier ? Dans la pratique réelle d'un chantier et suivant ses spécificités d'un chantier et d'un projet, et en fonction des fluctuations des prix des matériaux, on arrive de toute évidence à un prix de revient normatif qui, en fait, n'est que la valeur des différentes dépenses occasionnées pour la réalisation. Malheureusement, entre cette réalité comptable et la pratique lors de la vente, des écarts considérables sont enregistrés et qui ne correspondent à aucune logique. Ainsi l'une des raisons majeures du marasme réside effectivement dans l'intention de réaliser des bénéfices exorbitants. Il semblerait que le ministère de l'Habitat s'apprête à établir un carnet de santé du patrimoine immobilier. Par quel procédé ? Une telle initiative est à encourager car, à nos yeux, elle intervient à un moment déterminant pour connaître et gérer notre parc immobilier. Cependant, cette initiative nécessite une technicité, notamment en matière de norme de vétusté qui doit se traduire par la participation des experts. Pouvez-vous nous faire un état du parc immobilier vétuste ? Tout bâtiment, quel que soit son âge, enregistre régulièrement une vétusté. Le tout est de mener une politique de maintenance, de réhabilitation et de rénovation au moment voulu pour maintenir chaque bâtisse dans un état approprié. À titre indicatif et pour illustrer le retard que nous accusons dans ce domaine, l'Algérien consomme le moins de peinture par rapport au citoyen de tous les autres pays du monde (0.5l/hab./an). En tant qu'expert-architecte, dans quelles zones l'investissement immobilier serait-il rentable à moyen ou long terme ? Il ne suffit pas d'avoir des projets ambitieux en matière de logement, mais il faut, en parallèle, définir à quelle frange de la population ils sont destinés. Le grand défi qui se pose est non seulement de garantir un toit à chaque famille mais de le lui rendre accessible financièrement parlant. Pourquoi ne pas parvenir à une formule pouvant ramener le prix du logement entre 2 et 3 millions de dinars comme cela se passe dans d'autres pays? Un tel objectif ne peut être atteint que si l'architecte est pleinement associé et responsabilisé pour proposer des formules de construction rentables. Où en est l'application de la loi sur l'achèvement des constructions ? Plus d'une année après sa promulgation et malgré nos séminaires et différentes rencontres de sensibilisation en la matière, il est navrant de constater que les collectivités locales et les citoyens se plaignent de sa non-application sur le terrain. Pourtant, si le problème des constructions inachevées venait à être réglé, non seulement le parc immobilier s'enrichirait mais se traduirait en plus, positivement en matière d'emploi, de rentrées d'imposition, de commerce des matériaux, de résorption du chômage et de développement commercial. Le temps presse, d'autant plus que le délai accordé n'est que de cinq ans.