Après la tentative de l'Etat de réguler le marché du ciment en fixant les marges plafonds applicables à sa vente à travers le décret 09/243 du 22 juillet 2009, mais sans pour autant atteindre les résultats escomptés, voilà que ce sont à présent les entreprises publiques de distribution de ce matériau qui s'impliquent dans la lutte contre la pratique spéculative qui a lourdement accentué la crise déjà aiguë sur le marché du ciment. Si l'Etat a voulu, à travers cette loi qui n'a d'ailleurs pas réussi à atténuer les effets de la crise, procéder par la limitation des marges applicable à la vente de ciment en gros à 80 DA le quintal et la vente en détail à 120 DA pour la même quantité, les entreprises publiques de distribution comptent plutôt agir sur le terrain, et ce, en mettant en place tout un dispositif de verrouillage et de contrôle du circuit de distribution du ciment duquel les spéculateurs, qui ont largement contribué à la hausse des prix de ce matériau dont la demande nationale dépassait déjà de loin l'offre, se retrouveront désormais écartés de fait. Selon le directeur de l'Edimco à Tizi Ouzou, Farid Derridj, ces nouvelles mesures à mettre en œuvre à partir de janvier 2010, bien qu'elles ne mettront pas fin d'une façon définitive à la pratique spéculative sur le marché du ciment mais elles vont considérablement la réduire. “Les entrepreneurs, dont certains tentés par le gain facile, s'adonnent à la pratique spéculative en revendant sur le marché parallèle une partie du ciment qui leur est livré, seront soumis à partir de janvier prochain à de nouvelles conditions d'approvisionnement de même que les bénéficiaires de l'aide à l'autoconstruction.” “Nos gros clients, à savoir les entreprises de réalisation, devront à partir de janvier remettre un nouveau dossier dans lequel sera incluse l'offre de service, ODS, qui permettra de contrôler les quantités nécessaires au chantier et par conséquent la destination du ciment, et aussi exiger un payement par chèque pour assurer la traçabilité de l'opération, quant aux bénéficiaires de l'aide à l'autoconstruction, il leur sera exigé de remettre, en plus du permis de construire, un document délivré par les services techniques des APC prouvant l'ouverture du chantier. Un fichier de suivi de l'approvisionnement des autoconstructeurs sera également élaboré au niveau de l'Edimco”, a expliqué le responsable de cette société par actions, SPA, qui vient de renaître de ses cendres après avoir été, en 2004, quasiment en situation de cessation de paiement. Ce dispositif sera mis en œuvre en coordination avec l'autre société publique de distribution du ciment, So.dis.mac, a expliqué Farid Derridj, pour qui il est évident que la lutte contre la corruption est l'affaire de tout le monde sinon au moins des professionnels de ce secteur qui vit depuis quelques années déjà au rythme d'un déséquilibre constant entre l'offre et la demande. “Même les cimenteries algériennes commencent à s'y mettre en prenant des mesures restrictives”, a ajouté M. Derridj, expliquant que ces dernières se sont déjà lancées dans des opérations d'assainissement de leurs fichiers clients, mettant ainsi hors du circuit de distribution de nombreux barons du ciment qui s'approvisionnaient en présentant des marchés fictifs. Tout en se refusant de s'ériger en “gendarme sur le marché” afin de le contrôler, le directeur de l'Edimco dit espérer aussi l'implication de la direction du commerce qui pourrait effectuer des visites inopinées chez les revendeurs et utilisateurs du ciment. Assurant que le décret promulgué par l'Etat est une réaction rationnelle des pouvoirs publics, le même responsable estime que pour lutter contre la spéculation, des actions administratives et juridiques plus courageuses demeurent nécessaires. “La crise du ciment risque de perdurer encore une à deux années” Même avec cette nouvelle batterie de mesures, le refus de l'Edimco d'approvisionner les revendeurs auxquels l'entreprise a tenté de fixer les plafonds des marges à ne pas dépasser, l'assainissement des fichiers par les cimenteries, et aussi l'importation, par l'Etat, de 1 million de tonnes, une solution jugée d'ailleurs insuffisante pour atténuer la crise, les pénuries du ciment vont, de l'avis du directeur de l'Edimco, cette société de distribution qui livre 200 tonnes de ciment par jour, perdurer encore une à deux années. La cause ? M. Derridj nous renvoie aux facteurs mêmes qui ont engendré cette crise. Pour lui, les très importants programmes de développement lancés à travers tout le territoire national qui est devenu, à juste qualificatif, “un immense chantier à ciel ouvert” et aussi la redynamisation de l'habitat rural ont multiplié par plusieurs fois la demande de ciment à laquelle l'offre nationale en la matière ne pouvait pas répondre. Ce déséquilibre déjà important entre l'offre et la demande auquel s'ajoutent les arrêts techniques programmés au titre de la maintenance préventive au niveau des cimenteries, l'importante baisse des prix sur le marché du fer et des aciers qui permit la relance de la demande dormante ainsi que l'amélioration des conditions climatiques qui favorisent la poursuite normale et sans interruption des travaux sont les principaux facteurs qui ont causé cette crise de laquelle les spéculateurs ont voulu tirer profit au maximum. Ce qui a engendré une flambée du prix du ciment, qui a dépassé 110% de son prix réel ces derniers mois avant de connaître une légère baisse cette dernière semaine, sur le marché parallèle. La nécessité de consolider le réseau de distribution formel Partant du principe que pour chasser l'informel, il faudrait inévitablement renforcer le formel, le directeur de l'Edimco de Tizi Ouzou parle de renforcer son réseau de distribution à travers tout un programme d'investissements que la bonne santé financière de la société ces trois dernières années a rendu possible. En effet, cette entreprise, qui a frôlé la dissolution en 2004 après avoir longtemps croulé sous les dettes qui ont atteint 55 millions de dinars, a engrangé, rien que pour cette année 2009, un chiffre d'affaires de 336 millions de dinars, atteignant ainsi 184% des objectifs tracés par l'équipe dirigeante. C'est à ce titre que l'entreprise compte se lancer dans la diversification de ses produits comme autrefois, l'augmentation des capacités de stockage en se dotant de deux nouveaux silos de 80 T chacun, dont l'un sera d'ailleurs ouvert bientôt à Fréha, le renouvellement de sa flotte de transport, et surtout dans la mise en œuvre d'un vaste plan de développement qui va passer par la reconstitution des anciens réseaux de distribution et ce, à travers l'ouverture de plusieurs points de vente et de conditionnement pour mieux se rapprocher du client. Ce qui contribuera certainement à l'élimination des circuits informels. Ce que déplorent, en revanche, les dirigeant de cette société en pleine expansion, c'est surtout le fait qu'aucun plan d'assainissement des dettes de l'entreprise n'est prévu par les pouvoirs publics comme cela a été fait avec l'Eniem.