Une liste de 18 maladies, conforme à celle établie par une agence spécialisée de l'ONU, a été retenue. L'indemnisation sera évaluée par un comité qui soumettra un avis au ministre de la Défense. Près de cinquante ans après les premiers essais nucléaires français dans le Sahara, le Parlement a donné mardi, avec un ultime vote, son feu vert à l'indemnisation des victimes d'irradiation, très attendue par les associations de victimes. Pourtant, le compte n'y est pas encore. Preuve d'un texte non consensuel, le projet de loi a été voté par la majorité UMP et le Nouveau centre. À l'Assemblée nationale, les socialistes se sont abstenus mais ont voté contre au Sénat. Dans les deux Chambres, les communistes ont voté contre ainsi que les Verts à l'Assemblée. Quelque 150 000 civils et militaires, selon le ministère de la Défense, ont participé aux 210 essais menés de 1960 à 1996 par la France, dans le Sahara algérien puis en Polynésie française, deux régions dont les populations peuvent également prétendre à une indemnisation. Celle-ci concernera les personnels militaires et civils et les populations qui, irradiés, ont développé un cancer. Une liste de 18 maladies, conforme à celle établie par une agence spécialisée de l'ONU, a été retenue. L'indemnisation sera évaluée par un comité d'indemnisation qui soumettra un avis au ministre de la Défense, à qui il reviendra de prendre la décision finale, motivée. La charge de la preuve est donc renversée. Ce qui constitue une avancée car jusqu'à présent, les associations de victimes devaient mener un long et difficile parcours du combattant, pour prouver, devant les tribunaux, un lien de causalité entre maladie et exposition aux rayons nucléaires. “C'est une vieille demande qui datait de décennies, qui n'avait jamais trouvé d'écho” à droite ni à gauche, a déclaré Hervé Morin, le ministre de la Défense, en saluant un “dispositif d'indemnisation juste, rigoureux et équilibré”. “Juste, parce qu'il prend en compte les victimes du nucléaire, les militaires et les civils, rigoureux parce que fondé sur une présomption légale d'existence d'un lien de causalité et un examen au cas par cas”, a-t-il expliqué. Mais le texte ne crée pas, comme le souhaitaient les associations de vétérans, un fonds d'indemnisation similaire au fonds sur l'amiante. Les indemnisations des ayants droit restent par ailleurs limitées. L'Association des vétérans des essais nucléaires (Aven), l'association Moruroa e tatou et le comité Vérité et justice, dont les représentants ont assisté parfois aux débats dans les tribunes du Sénat réclamaient notamment l'indemnisation des ayants droit des victimes, un droit à la retraite anticipée, un élargissement des pouvoirs de la commission de suivi et la création d'un fonds d'indemnisation sur le modèle de celui de l'amiante. Le ministre de la Défense, Hervé Morin, avait aussi écarté un élargissement du rôle du comité de suivi où sont présentes les associations, aux conséquences environnementales des essais et au suivi médical des populations. “Avec les associations, nous allons continuer à nous battre car nous sommes loin du compte”, a affirmé Maxime Gremetz (PCF) pour lequel le texte marque toutefois “la fin de décennies de cécité, de mutisme et d'ingratitude de la part de l'Etat”. Georges Colombier (UMP) s'est réjoui de la “transparence” offerte aux associations de victimes. Il a rappelé que 10 millions d'euros avaient été votés dans le cadre de la loi de finances 2010 en faveur de l'indemnisation des victimes d'essais nucléaires. François de Rugy (GDR, Verts) a lui aussi regretté que “certaines des attentes des victimes ne soient pas satisfaites”. Car “la réparation doit être de droit et ne peut être laissée à l'appréciation d'un ministre soumis aux contraintes budgétaires”. Jean-Patrick Gille (PS) a émis de “fortes réserves sur le dispositif final d'indemnisation” qui “dépend largement du ministère de la Défense. Il y a droit à la réparation mais l'Etat est juge et partie”. Il a donc souhaité un “régime d'indemnité plus autonome”. Mais contrairement à leurs collègues députés, les sénateurs socialistes se sont prononcés contre le texte après qu'André Vantomme eut fait état d'un “bruit de couloir selon lequel la liste des maladies susceptibles d'indemnisation serait remise en cause de manière très significative par Bercy”, le ministère des Finances.