Devant les messages “brouillés” et confus concernant la grippe A/H1N1, il était temps de faire un point de synthèse destiné au questionnement du grand public. Liberté : Quels sont les symptômes de la grippe A/H1N1 ? Le pr Kamel Sanhadji (*) : Ce sont les mêmes que ceux de la grippe saisonnière. Chez l'adulte et l'enfant : une fièvre importante (supérieure à 38°), frissons, céphalées, écoulement nasal, toux, mal de gorge, fatigue, perte de l'appétit, courbatures, nausées, vomissements, diarrhée, parfois des douleurs abdominales. Le début des symptômes est très brutal (en quelques heures), au maximum pendant 48 heurs et la maladie évolue sur 7 jours environ. Chez le nourrisson, le tableau est moins caractéristique avec parfois une fièvre isolée ou un tableau de gastro-entérite. Comment se transmet le virus ? Le virus est émis par la bouche des malades, particulièrement lors de la toux ou des éternuements. La contamination a donc lieu directement en étant exposé aux particules émises par le malade. Pour parer à ce risque, il faut appliquer des mesures barrières (port de masque par le malade, mettre la main devant la bouche lors de la toux, etc.). Le virus peut survivre quelques minutes à quelques heures sur les objets contaminés ou sur la peau. C'est la raison pour laquelle il est important de se laver souvent les mains. Quelle différence entre un masque chirurgical et un masque FFP2 ? Le masque chirurgical empêche le porteur du masque de contaminer les autres. Il doit donc être porté par les malades. C'est un masque “altruiste”. Le masque FFP2 protège le porteur du masque contre les sécrétions des autres. Il doit être porté par les personnes en contact étroit avec les malades (personnels soignants par exemple). Ces masques (chirurgicaux et FFP2) ont une durée de vie limitée qui ne dépasse pas 4 heures. Ils doivent être posés correctement pour avoir une pleine efficacité. Comment se laver les mains efficacement ? Se laver si possible à l'eau chaude avec du savon liquide. Sinon, on se contentera du savon en pain et de l'eau froide. Frotter pendant 30 secondes en n'oubliant pas les espaces entre les doigts et les ongles. Rincer ensuite à grande eau et sécher si possible avec une serviette jetable ou un système à air chaud. Le ramassage des ordures ménagères effectue-t-il un tri des déchets contaminés par la grippe ? Non. Les objets contaminés sont traités avec les déchets ménagers à tout-venant. C'est pourquoi les mouchoirs contaminés doivent être mis, après usage, dans un sac qui se ferme avant d'être jeté dans la poubelle. Existe-t-il des produits pour décontaminer l'environnement immédiat ? Oui, il existe des sprays (diffuseurs) avec différents produits actifs. On peut aussi employer de l'eau de Javel. Mais de toute façon, le virus n'est pas viable très longtemps dans le milieu extérieur. Puis-je être contaminé par une transfusion sanguine ? Non, car le virus pénètre directement dans les cellules de l'appareil respiratoire sans passer par la voie sanguine. Par ailleurs, l'établissement du sang ne prélève pas de sang chez des donneurs fébriles susceptibles d'héberger le virus. Les animaux domestiques peuvent-ils être contaminés ? Oui, quelques rares cas ont été décrits (chien, chat, singe). Le risque pour le propriétaire de l'animal est faible, mais le meilleur moyen d'éviter tout problème est de se faire vacciner. Pourquoi n'y a-t-il pas de dépistage systématique ? Les tests de dépistage rapide ont une fiabilité imparfaite et sont donc d'une utilité discutable. L'identification du virus sur prélèvement par la mise en œuvre de la technique d'amplification génique (PCR), qui est très performante, n'est pratiquée que par quelques laboratoires. Ces laboratoires sont totalement submergés de demandes au début de l'épidémie. Il a donc été progressivement décidé de réserver ces examens à des cas de gravité ou de risques particuliers. La vaccination est-elle obligatoire ? Non. Elle est proposée à tout individu libre de la faire ou non. Il s'agit d'une injection intramusculaire unique en haut du bras (chez l'adulte sans pathologie particulière). Les enfants de moins de 8 ans ainsi que certaines personnes immunodéprimées devront recevoir deux injections à trois semaines d'intervalle. Puis-je choisir de recevoir un vaccin sans adjuvant ? Non. Tous les candidats à la vaccination sont vus par un médecin du centre de vaccination. C'est lui qui détermine le vaccin qui sera employé en fonction des caractéristiques de chaque personne. Pour les indications particulières (femmes enceintes, par exemple), les centres disposent de vaccins sans adjuvant. La grossesse a nécessité une attention particulière vis-à-vis de la grippe car, lors des précédentes pandémies grippales, la mortalité était particulièrement élevée chez les femmes enceintes. On a en outre observé des avortements spontanés et des prématurités. Un sur-risque d'hospitalisation est également constaté chaque année lors des épidémies de grippe saisonnière. Les premières données de la pandémie actuelle, acquises en Amérique du Nord, font état d'un risque de forme grave 4 à 5 fois plus élevé pour les femmes enceintes par rapport à la population générale. Quel est le rôle des adjuvants dans les vaccins ? Ce rôle est double : en renforçant la réponse immunitaire de l'organisme, ils permettent d'élargir le spectre d'efficacité du vaccin, y compris vis-à-vis de mutations légères du virus. Ils permettent également d'obtenir une efficacité équivalente avec une dose antigénique plus faible et donc d'accélérer la production des vaccins, ce qui permet de les avoir à disposition au tout début de l'épidémie. Les vaccins sont-ils dangereux ? Aucun vaccin n'est employé sans avoir obtenu une autorisation de mise sur le marché. Celle-ci est délivrée par l'agence compétente au vu d'un dossier complet sur les tests d'innocuité et d'efficacité subis par le vaccin. En outre, un programme spécial de pharmaco-vigilance a été mis en place pour observer d'éventuels effets nocifs. Compte tenu des techniques de fabrication qui sont très proches, il y a tout lieu de penser que les effets secondaires éventuels devraient être du même ordre que ceux des vaccins de la grippe saisonnière dont on sait qu'ils sont bien tolérés. Les personnes qui se font vacciner reçoivent un document les informant des caractéristiques du vaccin et de la conduite à tenir en cas d'effets secondaires (douleur ou induration au point d'injection, fièvre pendant 48 heures, etc.). Et si le virus mute, le vaccin sera-t-il efficace ? Notamment grâce aux adjuvants, le vaccin conservera son efficacité en cas de mutation peu importante. Les risques de mutation importante à court terme sont faibles, car en se développant dans une population vierge, le virus ne subit pas de pression antigénique. Quant à la mutation du virus observée en Norvège, elle a permis au virus de coloniser plus facilement les cellules situées dans le système pulmonaire profond. Elle est en cours d'étude. Selon les premiers éléments, elle n'a aucune conséquence sur l'efficacité des médicaments anti-viraux ni des vaccins. Le Tamiflu ou le Relenza dispensent-ils de la vaccination ? Non, car il s'agit d'antiviraux qui sont administrés aux personnes déjà contaminées. Leur usage à titre préventif est limité à des cas très particuliers et ne dispense pas de la vaccination qui est le seul traitement préventif. (*) Directeur du Laboratoire des déficits immunitaires, CHU de Lyon, Adjoint délégué aux hôpitaux auprès du maire de Lyon