Le vote suisse interdisant la construction de minarets a replongé l'Europe occidentale dans une psychose collective, notamment chez les classes dirigeantes qui ont remis au goût du jour le danger de la présence de musulmans chez eux et la peur de l'Islam d'une façon générale. il ne faudrait surtout pas sous-estimer la portée continentale du référendum suisse ainsi que ses retombées inquiétantes. Le vote suisse contre les minarets représente un tournant dans la façon dont l'Europe s'apprête à gérer l'avenir de l'islam et de ses musulmans sur son continent. En effet, depuis le dimanche 29 novembre 2009, toute une parole populiste et xénophobe s'est libérée faisant craindre des lendemains difficiles pour les millions de citoyens européens de confession musulmane. De la Belgique à la France en passant par l'Espagne, l'Italie et jusqu'aux Pays-Bas, c'est le même climat délétère qui prospère : l'hostilité à la deuxième religion européenne progresse. Ce lourd climat risque de se renforcer dangereusement, comme en France où le président Sarkozy n'a pas hésité pour rebondir sur le vote de ses voisins en initiant un débat sur ce qu'il appelle l'identité nationale française. Le but est clair, stigmatiser la seconde religion de France et ce n'est pas la leçon de Nadine Morano, ministre typique de la France franchouillarde, qui le contredira. Le Pen paraît un enfant de chœur devant l'islamophobie propagée par le gouvernement Sarkozy. Heureusement que l'honneur de la France des droits de l'homme est sauvé par sa partie qui, non seulement, fait état de sa consternation devant le réveil de thèses fascisantes mais aussi tente d'expliquer que le paysage sociologique de leur pays a été bouleversé par près d'un demi-siècle d'immigration étrangère massive. Le métissage, chanté auparavant comme un plus pour une France vieillissante, a été transformé par le sarkozysme comme le danger des dangers. La France officielle n'a même plus honte de verser dans un racisme affiché qu'elle assume. L'islamophobie ne date pas d'aujourd'hui mais la nouveauté principale est qu'il gangrène peu à peu l'ensemble de la société européenne. Ce n'est plus ce phénomène marginal qui faisait honte aux élites, l'opinion publique européenne est chauffée par des médias de moins en moins scrupuleux. Le matraquage médiatique dont font l'objet les musulmans dans différents pays européens a impliqué le renforcement des stéréotypes négatifs et des préjugés. Les partis de la droite, traditionnellement humaniste, enfourchent sans scrupules leurs extrêmes qui eux ont toujours fait de la peur de l'islam un cheval de bataille. Et au sommet des Etats se revendiquant de démocratie exemplaire, certains s'aventurent à développer une animosité croissante à l'égard de la religion musulmane, comme la France qui se paie un ministre de l'Identité nationale. Les musulmans d'Europe sont aujourd'hui plus discriminés. Ce n'est pas une baliverne. C'est écrit sans fioritures dans un rapport de l'Open Society Institute, qui a établi que l'islamophobie ne cesse de s'accroître en Europe depuis cinq ans, où vivent 15 à 20 millions de musulmans. Son constat est le fruit établi par une enquête qui a concerné des musulmans dans 11 villes de 7 pays de l'Union européenne : Amsterdam et Rotterdam (Pays-Bas), Anvers (Belgique), Berlin et Hambourg (Allemagne), Copenhague (Danemark), Leicester et Londres (Grande-Bretagne), Marseille et Paris (France) et Stockholm (Suède). L'étude démontre clairement que la discrimination religieuse est le principal obstacle à une participation pleine et égale des musulmans au sein de leur société d'adoption. “Les hommes musulmans nés en Europe éprouvent le plus de discriminations et de traitements injustes de la part de la police”, “les élèves musulmans continuent à souffrir du racisme et des préjugés dans les écoles et sont confrontés à de faibles attentes des enseignants” et bien que les jeunes musulmans européens aient une plus grande confiance dans leur capacité à effectuer des changements locaux que les personnes plus âgées, “un nombre croissant de ceux qui se présentent à des fonctions politiques font face à des réticences de la part des partis en raison de leur origine ethnique ou religieuse”, a conclu l'étude. Un autre organisme, l'OSI établi le même constat. L'organisme européen estime que l'interdiction récente des minarets en Suisse est un signe évident que le sentiment antimusulman est un véritable problème en Europe, réfutant la conviction du résident français selon laquelle l'identité religieuse est un obstacle à l'intégration. L'OSI suggère une véritable intégration des musulmans avec leur participation dans les élections locales. Mais ses recommandations sont loin de faire l'unanimité au sein de la classe politique, particulièrement française. L'OSI pense que le débat sur l'identité française dérape et qu'il serait plus approprié d'initier un débat sur les discriminations, facteur empêchant l'intégration des musulmans. Montée d'agressions, de discriminations en matière d'emploi, d'éducation et de logement à caractère islamophobe en Europe, c'est également la constat de l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes (EUMC), qui publiait la semaine dernière son rapport annuel. Son rapport précise que les actes de discrimination et les manifestations d'islamophobie, qui vont des menaces verbales aux agressions physiques, restent sous-déclarés. Les données relatives à des incidents à connotation religieuse sont collectées de façon limitée au sein de l'UE où seule la Grande-Bretagne publie une liste de crimes racistes qui identifie spécifiquement ceux commis contre les musulmans. L'EUMC appelle à rendre obligatoire une formation de la police à la diversité culturelle, de veiller à l'intégration dans les écoles et d'encourager une couverture médiatique équilibrée afin d'éviter de stigmatiser les musulmans. Quelque 13 millions de musulmans vivent dans les 25 pays de l'UE, soit 3,5% de la population de l'ensemble.