L'année 2009 a été riche en publications de tous genres. Alors que certains ont marqué leur désenchantement dans un univers mondialisé, d'autres on fait les cyniques, et d'autres encore ont préféré se confier en évoquant leur rapport à l'histoire et à l'écriture. Nos auteurs ont été prolixes aussi bien dans le pays qu'à l'étranger, et grâce à des éditeurs bien inspirés, le lecteur a eu l'embarras du choix. Parmi les livres qui ont marqué l'année qui s'écoule, il y a le roman extrêmement touchant Nulle part dans la maison de mon père, d'Assia Djebar. Comme une confession, l'académicienne a tenté de faire la paix avec sa part d'algérianité à travers une écriture sanglante et saignante. Elle explique ses rapports à son pays, à son passé et surtout à l'écriture et à la langue. Prise entre deux cultures comme entre deux feux, Assia Djebar dit au fil des pages qu'elle restera à jamais entre deux codes linguistiques et entre deux cultures, sans jamais trouver sa place nulle part. La Brèche et le rempart, de Badr'Eddine Mili, a été une réelle révélation. L'auteur s'intéresse à l'histoire sur plusieurs niveaux : l'histoire d'une famille algérienne évoluant dans le Constantinois, dont le sort se confond souvent avec l'histoire de tout un pays. Mais ce serait injuste de réduire le magnifique roman de Badr'Eddine Mili à l'histoire, car il y a un véritable souci littéraire et esthétique, et un véritable encrage dans le Maghreb. L'imaginaire et la description se taillent la part du lion dans la Brèche et le rempart, qui est une fresque historique, mais avec des personnages nommés et archétypaux. Parmi les belles surprises de cette année qui touche à sa fin, Confessions d'Asskrem, le premier roman d'Azzedine Mihoubi. Accompli et captivant, le roman assez consistant et costaud tient en haleine. Les éditions Chihab ont fait un joli présent aux lecteurs avec la réédition du journal de guerre de Yussef Bazzi, journaliste et poète libanais. Militarisé alors qu'il était encore enfant, Yussef Bazzi revient dans son journal sur son drame personnel partagé par l'ensemble d'une génération. Le Rapt, d'Anouar Benmalek, devait faire grincer des dents et alimenter une polémique sans précédent. Mais soit il a été mal lu, soit les propos de l'auteur ont été plus virulents que le livre lui-même, car l'effet redouté et attendu ne s'est pas produit. Le roman en tout cas est une intrigue assez bien menée au présent qui trouve ses explications dans le passé. Amin Zaoui a marqué le paysage littéraire algérien avec son roman la Chambre de la vierge impure : une œuvre accomplie qui mêle résistance, injustice et plaisir de la chair. Un précédent dans la littérature avec Hamid Grine qui a tenté de révéler les dessous de la presse algérienne dans son roman Il ne fera pas long feu. Grine est donc le premier à s'intéresser à l'univers complexe de la presse à travers l'histoire d'un patron de journal, Hassoud, aux traits exagérés et au comportement douteux. Omar Mokhtar Chaalal a rendu hommage à sa manière à l'ancien directeur d'Alger Républicain, Abdelhamid Benzine, avec le roman Telghouda. De quoi parlent les écrivains algériens ? Les lecteurs ont eu droit à des livres extrêmement intéressants, notamment la Maison du Néguev, de Suzanne Al Farrah Al Kenz, les Sens interdits, de Mourad Djebel (une belle révélation), l'Homme qui n'existait pas, de Hamid Ayyoub, LSD, de Djamel Mati, ou encore Akfadou : un an avec le colonel Amirouche, de Hamou Amirouche, qui a vraiment marqué les esprits, et pour la petite histoire, lors de sa vente dédicace à la librairie du Tiers Monde, le stock a été épuisé en moins de deux heures. Et puis, il y a le cas du roman Poutakhine, de Mehdi El Djazaïri. Publié à compte d'auteur, ce roman manifeste où l'auteur s'emmêle les pinceaux parce qu'il veut dire plusieurs choses à la fois, sans rien dire dans le fond. Sans la polémique autour, le livre n'aurait peut-être pas suscité autant d'intérêt. Pourquoi la censure alors ? Peut-être faudrait-il à ce point précis se référer à la définition des hommes de lettres dans l'avant-propos à la Comédie humaine, de Balzac. Peut-être parce que les automatismes n'ont pas changé et que la plupart de nos auteurs tombent dans le travers de la littérature mission. Dans ce cas, la seule lecture possible est la lecture idéologique, ce qui réduit une œuvre littéraire donc artistique à un propos et à une problématique seulement. Outre le retour en force de la nouvelle et de la poésie, nous avons noté un changement de cap pour nos auteurs. Un certain essoufflement mêlé à de la lassitude, et souvent représenté dans l'œuvre par du désenchantement, du cynisme et de l'humour noir. L'histoire (personnelle ou nationale) reste la seule constante dans la littérature de 2009.