On sait tout sur l'équipe nationale de football. Son lieu et ses heures d'entraînement, ses visites, les blessures des joueurs, leur situation matrimoniale. On a suivi la péripétie du cas Lacen. On a pris connaissance du salaire de l'entraîneur. Juste le temps de réveillonner – enfin, de passer les fêtes de fin d'année, parce que réveillonner, cela fait acculturé – et retour au Castellet. Quoi ? Vous ne connaissez pas Castellet, près de Toulon, à cinquante kilomètres de Marseille ? Il ne faut pas se faire avoir sur ce genre de détail ; en 2009, une telle lacune autorise à douter de votre patriotisme. On suit assidûment le seul prix qui baisse en ce moment de revalorisation tarifaire : celui du billet Alger-Luanda. En attendant peut-être la gratuité si d'autres sponsors se manifestent. Malgré le pessimisme d'autodéfense de l'entraîneur Saâdane, Raouraoua, président de la Fédération de football et héros irréprochable depuis Le Caire et Khartoum — pour combien de temps ? — dit avoir déjà mis de côté plus de un demi-million d'euros pour la prime des joueurs au cas où ils remporteraient la Coupe d'Afrique. L'Etat est affairé aux préparatifs de la campagne de Luanda et la société l'observe avec la vigilance d'un peuple à l'œil expert en matière de football et à qui on ne la fait pas : le renom de la nation est en jeu. De 2009 à 2010, le passage est déterminant. “Massiri” ; cet intraduisible adjectif arabe rendrait mieux compte de l'état d'esprit général. On en avait oublié que le Smig venait d'être porté à quinze mille dinars après son gel pendant de longues années d'inflation, qu'à quelques heures de 2010, on ne s'est pas encore vaccinés contre la grippe porcine, que la tomate, éphémère fruit de la longévité, avait atteint le pic impensable de cent cinquante dinars le kilogramme, que les sièges de sénateurs avaient fini par avoir un prix public, et qu'en 2009, nous venions de battre le record mondial de morts par accidents de la route et celui, local, mais ce n'est pas peu dire, d'affaires de corruption dévoilées… Mais place à la préparation de la Coupe d'Afrique. À la “une”. Après la CAN, on verra pour ces petits problèmes qui n'intéressent que quelques braillards chroniqueurs de journaux, de bureaux, de taxis, de cafés ou de bistrots. C'est tout de même l'année de la qualification à la Coupe du monde. La marche vers le destin doit se poursuivre à la même allure et avec le même patriotique entrain. On verra donc après la CAN. Et d'ailleurs, après la CAN, on verra pour le Mondial. On verra donc après le Mondial. C'est l'ère de l'après-qualification qui débuta en ce 18 novembre de l'an 2009 à Khartoum. L'année de la souris. La souris, c'est cette histoire racontée par le terroir à propos de ce pauvre aveugle qui, un jour, un instant, recouvrit la vue. Juste le temps de voir passer une furtive souris. Depuis, le monsieur, et pour le restant de son existence, n'en avait que pour la souris : à l'évocation de tel événement, il demandait la précision de savoir s'il eut lieu avant ou après le passage de cette souris ; à la désignation d'un quelconque objet, il s'inquiétait de savoir s'il était plus grand ou plus petit que la souris… M. H. [email protected]