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Le marathon de la fraternité
tamanrasset
Publié dans Liberté le 03 - 01 - 2010

Ici, dans le Tassili, le beau est inséparable de l'espace et du temps. En effet, on ne peut détacher son regard de ses images multiples où la roche basaltique est à perte de vue et les pics, dans leur élan vers le ciel, ajoutent à ce prodigieux chaos des couleurs éclatantes qui déploient leur beauté avec splendeur dans un paysage fait de silence et de sérénité, deux composants qui s'imposent comme les maîtres incontestés et incontestables des lieux.
Dans ce décor d'évasion et de découverte, dans ces paysages de décontraction et de détente, la nature est généreuse pour cause d'immensité du territoire qui est fait d'étendues de couleur ocre où se plantent par moments quelques acacias, symboles d'une présence continue d'une vie qui ne veut quitter ce monde qui nous semble situé dans “le bout du monde”. Là, dans ces espaces où il nous paraît qu'il n'existe ni bornes, ni frontières, nous nous régalons le soir en contemplant avec délectation ce surprenant relief où vient se coucher le soleil, marquant son crépuscule, non sans dessiner sur ces mille aiguilles, pour la seconde fois après l'aurore, des formes d'expressions harmonieuses.
C'est dans ce climat, que se déploie, dans tous les sens, la culture des profondeurs de l'Histoire, que des événements aussi motivants que sympathiques viennent “titiller” joyeusement ce calme olympien.
Parmi ces événements le Marathon des dunes, une compétition hors du commun, pittoresque et haute en couleur, qui réunit un nombre impressionnant de gens.
Trois cents personnes de tout âge, venues de divers horizons et de nombreux pays, pour les engager dans une course, ô combien généreuse, qui a choisi son maître mot : la fraternité.
Abdelmadjid Rezkane, le maître d'œuvre
Consciemment, mais surtout intelligemment préparée par les accros du marathon, Abdelmadjid Rezkane et son dauphin, qui n'est autre que son fils, le fougueux Hakim, la 10e édition, consacrée à la région de Tamanrasset, a connu, elle aussi, du 26 décembre 2009 au 3 janvier 2010, son lot d'aventures aussi intéressantes les unes que les autres, mais surtout agréables où la réussite, la joie et l'espoir de se retrouver encore ont été au rendez-vous, incontestablement.
Aménager cette manifestation au Sud c'est avant tout revisiter ces millénaires qui sont au bout et qui nous viennent à travers la fabuleuse histoire de l'Ahaggar, à travers la sagesse et le savoir de la belle et élégante Tin-Hinan, qui reste, depuis la nuit des temps, le symbole de la fierté targuie, enfin à travers ce patrimoine culturel du Tassili, où l'on retrouve l'âme du Sahara et le socle de son identité.
N'est-ce pas donc cette histoire profonde, ancestrale, qui procure à Abdelmadjid Rezkane, le promoteur de cette manifestation, tant de plaisir et d'attachement, en tout cas plus d'inspiration et d'imagination, pour aller davantage vers de bonnes initiatives au profit de cette région, où la culture du peuple des sables devient son leitmotiv, voire sa perception transcendante ? Il y croit tellement, et c'est ce que nous sentons à travers son enthousiasme qui reflète sa parfaite communion avec cet espace dans lequel cette importante manifestation est en train de renaître aujourd'hui.
Un concept aux retombées bénéfiques
Il n'est nul doute que les années à venir donneront beaucoup de crédit aux maîtres de cette manifestation qui prendra incontestablement de l'ampleur.
Kim Byong, le Coréen, qui participe pour la énième fois au Marathon des dunes, n'a-t-il pas promis de mobiliser ses amis de Séoul et de les aligner sur la ligne de départ chez nous, au cours des prochaines éditions ?
Et Viccari Daniela l'Italienne, une adepte de la performance, ou Beltra Philippe, ce pied-noir de Bab-El-Oued, qui vit aujourd'hui en Autriche, n'ont-ils pas assuré les organisateurs quant à leur assiduité certaine pour les futures rencontres, et insisté sur la mobilisation des leurs qui se feront un immense plaisir de venir dans ce grand Sud découvrir les trésors de l'hospitalité et de la convivialité saharienne ?
Et les nôtres, les Algériens, les habitués et ceux qui sont venus pour la première fois, n'ont-ils pas apprécié la simplicité, le calme et la paix ?
Et n'ont-ils pas été impressionnés par ces paysages à couper le souffle et par ces restes d'une civilisation aux racines millénaires, jusqu'à faire le vœu de revenir avec d'autres amis, qu'ils sensibiliseraient pour participer concrètement à cette grandiose manifestation ?
Des retombées bénéfiques de cette agréable odyssée donneront certainement plus d'assurance aux organisateurs qui iront, les connaissant fort bien, redoubler d'efforts pour présenter encore plus, encore mieux, en termes de diversité ou d'innovation, c'est selon, pour permettre aux participants de prendre constamment leur dose de connaissances, mais surtout de bonheur, dans ces régions qui font vraiment rêver.
En effet, constamment du bonheur, si l'on en juge des propos toujours honnêtes de Kim, le Coréen déjà cité, de Willy, le Français du Nord-Pas-de-Calais, du Vénitien et… végétarien Pagadino Brinolo, âgé de 58 ans, qui a été sacré champion de sa catégorie. Tous, y compris l'Allemand, le Belge, l'Anglais, ou les Bouzar, Mohamed, Ali et Farida, une famille d'Algériens émigrés, qui participe chaque année au Marathon des dunes, ont tenu à marquer leur satisfaction devant nous, sportivement, sincèrement et sans complaisance.
Dans ce chapitre, celui des émigrés, il faut relever encore la participation plus que concrète de nos cadres qui vivent ailleurs. Les Smaïli Farida, professeur à l'université de Cambridge, spécialiste en “management et organisation des entreprises” ou Zahia, banquière à Paris, ou cet autre Meghezi Mohamed, âgé de 35 ans, chef d'entreprise à Paris. Ce dernier a fait un excellent résultat pendant les trois étapes, ce qui lui a valu le titre de champion de sa catégorie, les 31 à 40 ans.
Un programme varié, une émulation bon enfant
Les trois étapes du Marathon ont été des parcours sportifs d'une grande qualité sur tous les plans, selon les connaisseurs en matière de pareilles compétitions, mais aussi des circuits d'une rare beauté sur le plan touristique où l'authenticité des paysages raconte à sa façon le côté séculaire et historique de cet Ahaggar majestueux. La première étape de 14 km est partie du pic Iharen, une merveille de la nature que Dieu a maintes fois remise à l'œuvre. Cette appellation est berbère, comme toutes les autres dans cet espace des ancêtres. Le pic Iharen, qui veut dire le pic du pilon, s'appelait le pic Laperrine, du temps de la colonisation, à la mémoire du général français qui est mort dans la traversée du Sahara en avion en 1920. La deuxième étape, également de 14 km, a vu son départ tout près de l'aéroport, sur la route de Aïn Salah, et son arrivée à Oued Terakni, dans un autre décor, aussi séduisant que celui de la première, disent les marathoniens. Il leur a paru plus beau, plus diversifié sur le plan de la nature. En effet, un décor propice à la création poétique et artistique, un décor où vous conférez longuement avec le silence et où vous vous abandonnez naturellement à vos erres et à vos illusions. La troisième, enfin, dans la même distance que les deux précédentes, a pris son départ de ce majestueux pic Iharen pour se terminer en apothéose en plein centre-ville de Tamanrasset, au milieu d'une foule très dense qu'il fallait honorer en la faisant participer à l'événement. Cette dernière étape a eu aussi son lot de sensations et de bonnes impressions. Correcte, bonne, agréable, disent la plupart des coureurs. Formidable, sublime… renchérissent d'autres dans le sens d'une concurrence sympathique. Au cours des trois étapes régnait une sorte d'émulation fraternelle, avec cette devise sur les lèvres de tous : “L'important, c'est de participer”, comme disait Pierre de Coubertin. Mais cela n'a pas empêché les organisateurs, surtout les responsables du chrono, d'être à cheval sur les temps et le classement. Cela n'a pas empêché également les accompagnateurs, la presse, le staff technique, les responsables de la logistique et d'autres, ceux de la sécurité, de faire des pronostics et d'attendre certains favoris qui, en toute logique, ont démontré leur constance sur le plan des résultats. Les éléments de l'ANP et de la DGSN ont montré leur performance qui, ont bousculé le chrono, étant des professionnels dans cette discipline.De l'autre côté, chez les amateurs, des marathoniens en herbe, nous avons de belles anecdotes à raconter. Par exemple, le jeune Samy Moulay, 12 ans, élève de 2e année moyenne, accompagné de son père, cardiologue à Djelfa, a couru les trois étapes en se classant parmi les premiers, avec ceux, de différentes catégories, qui ont montré leurs preuves en produisant le même rythme tout au long de la compétition. Sa participation à ce Marathon des dunes – non officielle, bien sûr – relève du défi et exprime, dans un langage éloquent, que la valeur n'attend point le nombre des années. Samy, un gentil garçon, bien éduqué surtout, me disait à l'oreille : “Je vais vaincre mon papa”. Le paternel, quant à lui, amoureux de la nature et de l'activité physique, lançait tout fier, loin de son fils, dans un sentiment d'auguste générosité : “Je vais quand même le laisser partir.” En tout cas, comme disaient les anciens, “bon sang ne saurait mentir”.
La culture et le tourisme étaient au rendez-vous
Tous les soirs, il y avait une animation de grande facture. Cependant, si nous n'allons pas citer une à une ces merveilleuses soirées, où tout le monde “s'éclatait”, j'ai eu aussi l'honneur d'animer une conférence sur l'imzad, qui d'après mes lectures, “représente plus qu'un instrument à jouer. Il est un symbole du pouvoir, suggérant une musique particulière vouée à un ordre social, à une organisation de l'espace et du temps”. De son côté, le chercheur universitaire, Boudjemaâ Haïchour, ancien ministre, expliquait que l'imzad, qui est “loin d'être simplement un instrument de musique, représente à la fois le passé et le rêve des Touaregs. Il raconte leur culture, leur amour du beau, leur vie et ce sentiment grandiose de liberté et de poésie”. Cette conférence, il faut le souligner, était suivie d'une soirée de l'imzad, animée par une des doyennes Chenna Fatima Amriwedh, une soirée qui a été grandement appréciée par tous les présents. Des rencontres, des invitations autour d'un thé ou de repas targuis…, il y en a eu, également, même de nombreuses. Des visites aux différents sites étaient inscrites au programme.Il y a eu, bien sûr, beaucoup d'autres manifestations qui ont retenu l'attention des participants et qui, à elles seules, peuvent remplir des pages d'histoires affriolantes, parce qu'elles ont marqué cette 10e édition du Marathon de Tamanrasset. Nous ne pouvons tout raconter, mais ces faits, beaucoup de faits, vont s'incruster, comme des marques indélébiles, dans le registre de cet événement grandiose. Ainsi, nous affirmons que la participation qui a été au summum de la réussite, par l'engagement de tous les présents et de leur assiduité, par le très riche programme culturel et touristique, astreint les promoteurs à faire encore mieux pour les éditions prochaines, afin de répandre les bonnes traditions du Marathon des dunes et les perpétuer en une manifestation officielle au sein des adeptes du concept sport, culture, tourisme. Et pour cette ambition, il est opportun d'attendre de certaines institutions d'Etat qu'elles mettent “convenablement” la main à la pâte, sachant que le projet est d'utilité publique et vient en complément à certaines activités des secteurs de la Jeunesse et les Sports, de l'Environnement, du Tourisme et de la Culture. Cette manifestation grandiose mérite plus de moyens et plus de soutien, des “ingrédients” qui n'existent qu'au niveau de l'Etat. Quelques points noirs, bien sûr, ne pouvaient ne pas surgir dans ce décor qui ne devait, en principe, souffrir d'aucun manquement. Pour ce qui est de la télévision algérienne, eh bien, elle a brillé par son obsolescence. Une seule caméra, malheureusement, venue de la station de Ouargla, ne pouvait, avec la meilleure volonté des techniciens qui l'accompagnaient, faire le travail sérieux de l'équipe de France-Télévision qui était là, bien avant, sur le site, dotée d'un matériel qui répondait à la demande de l'événement. Enfin, cette édition du Marathon des dunes, comme celles qui seront organisées, les années à venir, dans cette splendide périphérie, auront dans leur objectif principal, indépendamment de l'effet sportif, d'amener le maximum de touristes et de sportifs à découvrir l'Algérie et ses beautés naturelles sans commune mesure, comme le stipulait si fortement M. Rezkane, responsable de l'organisation Sport Events International.
K. B.
(*) Ancien ministre et ambassadeur


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