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Nez à nez avec les gardiens du makhzen
Virée aux postes avancés à la frontière algéro-marocaine
Publié dans Liberté le 05 - 01 - 2010

Al-Khiassa, un poste avancé des gardes-frontières, à une encablure du PC 19e GGF de Bab El-Assa, surplombe “Al-Khiana” des gardes-frontières marocains. Sur notre droite, un jeune enfant décoré aux couleurs des Verts, sur notre gauche, au douar de Chéraga, une vieille dame, une Marocaine, nous salue timidement. Au loin, des enfants jouent aux “maroquineries” sur le sol du pays voisin. Deux mètres nous séparent du Maroc, une frontière où le commun des mortels appréciera le chant du coq, de part et d'autre. “Voisins” par excellence, ces deux populations s'imposent aux devants des GGF et des gardiens du makhzen pour occuper une aire quotidiennement empoisonnée par l'odeur du carburant. Le Maroc, “bled Renault 25”, pompe tout de l'Ouest algérien. Les chemins sinueux et la lutte implacable contre la contrebande et le terrorisme ne dissuadent point les barons marocains qui cernent nos frontières où ils blanchissent l'argent, à l'image de leurs acolytes algériens qui érigent des villas et des ranchs à coups de milliards. Bienvenue dans le monde du business noir, des chemins de la mort, de la menace d'une guerre qui s'annonce rude contre le crime transfrontalier. Reportage.
Les véhicules 4X4 ne suffisent pas pour acheminer la drogue dans ces reliefs complexes et hyper-surveillés par les sentinelles de l'Ouest. Ici, le sac à dos, comme le dos d'âne, sont mis à contribution pour introduire de petites doses, parfois des quantités insignifiantes, pour alimenter Maghnia. À 15 h tapantes, on nous annonce une saisie de 13 kg de cannabis. Le narcotrafiquant fait demi-tour vers le Maroc sous le regard placide des gardiens du makhzen et des unités militaires qui circulent à bord de Toyotas Station LCD-79, une nouvelle dotation, nous dit-on.
Même la Deglet Nour, une datte made in Algeria, est soigneusement transportée depuis Biskra pour ravitailler les marchés d'Oujda. Face à Béni Ddrer, un village marocain, les GGF saisissent près de 500 bouteilles de liqueurs lourdes, toutes frelatées. La composition du produit décrite en langue ibérique, les Marocains se targuent de tromper le consommateur par le chiffre “3” du code barre car ce poison provient de l'Hexagone. Les marchandises sont souvent stockées dans des maisons illicitement construites, mais le travail opérationnel est tellement difficile pour nos GGF que les contrebandiers exploitent ces brèches pour sévir. “Nous ne pouvons pas à chaque fois perquisitionner des habitations d'Algériens si nous ne détenons pas des informations sûres. Les contrebandiers sont très organisés et, souvent, nous avons affaire à des populations qui ont des alliances avec leurs voisines marocaines”, nous explique le lieutenant-colonel Belarbi Bouziane, commandant du 19e GGF. Dans cette région peuplée d'organisations criminelles, pas moins de 300 véhicules saisis durant ces trois dernières années, ont été vendus aux enchères, mais, aussi insolite que cela puisse paraître, acquis par les… contrebandiers !
Nous avançons vers le poste de Chbikia où les narcotrafiquants tentent vainement d'organiser des offensives à partir du sol marocain. C'est ici même, plus exactement à Zriga, que 1 080 plaquettes de kif traité ont été saisies. Les trafiquants, qui agissent généralement entre 19h et 5h du matin, transgressent la frontière, envoient des jerrycans pleins de carburant et les récupèrent bourrés de drogue. Un procédé qui s'ajoute à tant d'autres et ces barons recourent même aux eaux usées des oueds pour acheminer toutes sortes de marchandises, y compris des produits agroalimentaires.
Dans ces lieudits, raconte-t-on, Qsentini, un narcotrafiquant et contrebandier notoire originaire de Constantine, a abandonné une superbe habitation en voie d'achèvement pour s'éclipser sous d'autres cieux. À peine l'oued Souani dépassé, M. Bouziane nous fera part d'une autre saisie, à savoir 321 jerrycans de gasoil en deux jours seulement, entre Oued Cheikh et Souani. “Ici, nous opérons pédestrement. Difficile de travailler dans ces reliefs. À vous d'apprécier comment les contrebandiers opèrent. Tous les moyens sont bons, mais nous sommes là, nous aussi, pour les freiner”, nous explique encore M. Bouziane.
Meditel, l'orange et les tueuses !
À 2 km du poste avancé de Souani, nous atterrissons au poste avancé d'El-Houassia. Sans numéro de châssis, sans immatriculation et complètement désossées, deux voitures de marque Renault 25 sont parquées. Bourrées de jerrycans, ces véhicules, communément appelées “tueuses”, pour leur solidité, peuvent acheminer jusqu'à 70 jerrycans de mazout. Mais aussi des jerrycans recyclés débordant de 700 kg d'oranges et de clémentine. Les bêtes de somme, au prix fort de 20 000 DA, sont également enfermées par les GGF. Surplombant les douars marocains, où règne une misère humaine à ciel ouvert, nous sommes invités par l'opérateur du makhzen à composer sa numérotation téléphonique pour communiquer. Sommes-nous déjà au Maroc ? Non. Mais à 2 mètres près, un initié des lieux pourrait fouler facilement le sol du pays voisin sans… visa. “Il y a de la complicité, il y a de la menace, il y a des dépassements et de la sensibilité. Ici, il y a des choses inimaginables. Tout peut survenir ! Nous sommes à la frontière la plus sensible. Avec 15 postes avancés et 28 tentes relevant du 19e GGF, nous estimons qu'il y a encore des insuffisances. Nous avons les moyens et nous avons aussi les résultats”, affirme M. Bouziane. Le colonel Abderrahmane Ayoub enchaînera tout de go : “Le travail des GGF, c'est un tout. Il y a d'abord les postes avancés et les postes d'observation. Ensuite, il y a un travail en profondeur qui vient en second lieu pour ceinturer la frontière, notamment les escadrons, avant que les brigades et les ESR (Escadrons de sécurité routière) n'interviennent pour intercepter le reste.”
Nous quittons le poste et nous entamons une virée en profondeur. Sur une piste parallèle, des jeunes Marocains nous scrutent des yeux.
Le convoi des GGF est, pour eux, un événement. Des bidonvilles jusqu'aux imposantes villas et autres ranchs peuplés de chevaux et de mulets, les gardiens du makhzen et les militaires suivent nos mouvements. Ils retiennent leur souffle non sans nous examiner d'un regard tantôt agressif tantôt malveillant. En face de ce “décor frontalier”, des enfants jouent au ballon. Des femmes marocaines meublent les balcons pour suivre en live notre déplacement. “Un bain de fous” suivi de l'agitation des Toyota Station LCD-79 du makhzen qui sillonnent en aller et retour les champs agricoles pour nous surveiller de loin.
“Ecoute-moi à la marocaine”, même face au poste de Lala Aïcha
Les sentinelles marocaines sont à l'écoute du moindre bruit sur le sol algérien. Mais pas le moindre pas des narcotrafiquants et des contrebandiers qui vivent sous leur regard. Une attitude provocatrice, certes, mais qui n'étonne pas les GGF du poste de Lala Aïcha, entouré notamment par les villages de Ouled Slama et Ben Krama. Ici le trafic de drogue fait fureur.
Les élites de la Section de sécurité et d'intervention (SSI) de Maghnia ont saisi successivement, il y a quelques jours, 28 kg et 117 kg de cannabis. Sur notre chemin, une station de service est fermée. Et pour signifier qu'elle est belle et bien fermée, les gardiens ont bouclé les issues à l'aide de chaînes. Cette station, nous dit-on, ne s'ouvre que tôt le matin pour alimenter les “halabas” avant d'afficher “closed” à la même heure du berger. Aux alentours de cette bourgade peu peuplée, des carcasses calcinées de Renault 25 sont jetées sur les bas-côtés de la route. Les contrebandiers recourent au feu, pourvu que nos GGF ne récupèrent pas le mazout subtilisé dans nos stations-service. Les autres voitures, celles qui dépassent le convoi des GGF à des vitesses vertigineuses, ne passent pas sans être suspectées, arrêtées et fouillées de fond en comble. Sur la piste qui mène vers le douar de Chéraga, pas Chéraga des Grands Vents d'Alger, mais Chéraga des “Grands Ventres de Rabat”, les GGF immobilisent, cette fois-ci, une Renault 21 remplie de jerrycans de gasoil. Notre visite n'est pas appréciée. Notre présence est vite annoncée par les contrebandiers à coups d'appels téléphoniques.
Un nabab, âgé de 35 ans, tueur et décideur du douar
Chéraga est un véritable concentré de “sociologies”: d'une part, une population qui subit les affres et les descentes des gardiens du makhzen, de l'autre, une population complice qui mène une vie en douceur. Un mètre sépare les maisons algériennes de celles des Marocains. Les murs sont peints et mouillés de mazout. Un semblant de tuyau traverse la “ruelle” et l'autre est suspendue par un sachet en caoutchouc sur les arbres des deux rives pour verser le gasoil sans attirer les mouches. Les balcons, les terrasses et les maisons sont bourrés de jerrycans. C'est qu'à Lala Aïcha, le nabab du douar, un contrebandier âgé de 35 ans seulement décide de tout. Il protège comme il tue, il déleste comme il enrichit. Maître à bord, il bénéficie des largesses du makhzen et des militaires qu'il alimente, sans doute, de la baraka algérienne. Ici, le troc est érigé en loi number one. Les GGF, en opération dans le secteur, viennent encore de saisir plus de 100 de bouteilles de liqueur frelatées destinées au marché algérien.
Il y avait même une forte liqueur dénommée “Chaouia” ! Un spiritueux prêt à la consommation fabriqué à Casablanca. D'autres marques inconnues au marché algérien sont également saisies par les GGF du 19e PC qui marquent des points forts en ce début d'année 2010. Le transit de marchandises se fait doucement, mais elles n'arrivent jamais sûrement à destination. Bousteila est passé par là.
En 2008, le patron de la Gendarmerie nationale avait annoncé des mesures exceptionnelles lors des manœuvres antiterroristes à Naâma avant qu'il ne donne le coup d'envoi aux 150 nouveaux postes, tous opérationnels, pour verrouiller la frontière ouest.
Aujourd'hui, cette politique est perceptible et les éléments des GGF subissent un système de rotation à même d'éviter la baisse de vigilance au niveau de nos frontières. “Le commandement a mis les moyens et nous lui sommes redevables des résultats. Ici, on ne pardonne pas la transgression de notre frontière souveraine. Nos bilans parlent d'eux-mêmes. Les saisies records témoignent de notre détermination à aller de l'avant et à anticiper contre toute forme de crime transfrontalier. Nous avons le matériel, nous sommes équipés, donc nous pouvons agir mieux !” explique M. Bouziane lors d'un point de presse à l'issue de notre virée.
On retiendra, entre autres, les saisies record d'essence qui passent de 24 445 litres en 2008 à 81 630 litres en 2009, et de mazout de 376 025 à 738 745 litres durant la même période. Mais aussi les munitions avec la récupération de plus de 12 000 cartouches de calibres 12 et 16 en 2008. Les importantes saisies de véhicules, de drogue, de produits alimentaires et électroménagers, de boissons alcoolisées frelatées, de jerrycans vides, de tabac, de devises et j'en passe, font partie des efforts des GGF de l'Ouest, notamment du 19e PC, qui viennent de démontrer que cette bande frontalière constitue une menace pour l'Algérie. Pire, un danger à l'avenir. Quant à la réouverture des frontières, les Marocains peuvent encore baver. Il fait nuit. Le froid est glacial. Les GGF veillent sur la souveraineté. À la belle étoile. Celle de Kateb Yacine.


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