“Assis sur le perron de ma maison, je me morfonds en essayant de ravaler mon amertume. (…) Mon histoire ne commence pas par ‘Il était une fois…', comme dans les contes fabuleux. Je vous la raconte telle que je l'ai vécue.” (page 7) C'est ainsi que Mohamed Boussadi commence son roman autobiographique, Soustara, les années quarante. Un livre dans lequel l'auteur aborde une partie de sa vie. De sa naissance jusqu'à l'âge de douze ans. Né en 1938, à La Casbah, ce beau quartier d'Alger. Le quartier arabe, comme l'appelait les Français à l'époque. Et c'est à partir de cette date-là que l'histoire commence. L'histoire d'une tranche de vie, d'une décennie d'un enfant qui ouvrit ses yeux sur une ville divisée en deux parties : celle des Arabes, celle des Français. Les Arabes concentrés pour la plupart dans ce Vieil Alger, La Casbah. Un quartier qui, jadis, avait toute sa splendeur. “Au temps de sa splendeur, La Casbah d'Alger, berceau d'une puissance dominante et redoutable, a donné naissance à des générations d'hommes illustres qui marquèrent leur époque. Qu'en est-il aujourd'hui ? Cette cité millénaire, rongée par un mal qui la consume inexorablement, se meurt sous le regard impuissant de ses amoureux.” (page 5). Douze chapitres pour raconter une enfance qui n'était pas de toute joie : “Mon enfance ne fut pas des plus roses. Autant que je me souvienne, j'ai grandi dans la guerre. J'ai souffert de la misère et des calamités qui se sont abattues sur la population de La Casbah durant des années.” Durant cette décennie, l'auteur convie le lecteur, à travers le dédale des souvenirs, à découvrir le quotidien des Casbadjis sous l'occupation française. On y trouve une vie régie en communauté, où les voisins sont toujours présents en cas de besoin. Une communauté qui a ses lois, ses règles aussi qu'il faut respecter. Soustara, les années quarante, c'est une fresque historique construite autour d'évènements qui ont ponctué la vie des Algériens : la misère, la peste, les bombardements… Il y a eu aussi le départ précipité en Kabylie afin d'éviter une mort certaine. Une Kabylie qui tranchait par sa vie paisible par rapport à la ville. Il y a eu aussi le retour, la fête : mariage de la cousine Chérifa et la circoncision de l'auteur. Une manière de montrer que malgré les mauvais moments vécus, les Casbadjis savaient aussi faire la fête. Tout au long de cette histoire, dans un style agréable et captivant, l'auteur nous fait part des jeux de son enfance, des moments qu'il passait avec sa bande de copains, entre amusement, farces et autres “délits”. Au fil des pages, le lecteur vit l'histoire, voire la projette dans sa tête comme si, accoudé au rebord de la fenêtre du temps, il voit défiler sous ses yeux la vie de Mohamed Boussadi qui, à travers ce livre, rend hommage à sa Casbah natale et ses habitants : “À ceux-là et à tous les Casbadjis d'hier – décédés ou encore en vie –, d'aujourd'hui et de demain, cette modeste œuvre leur est dédiée avec une grande nostalgie et beaucoup d'espoir afin que renaisse un jour La Casbah que nous aimons tant.” (page 6). L'histoire de cet enfant se termine sur une note de tristesse mais, curieusement, cette autobiographie nous transporte des années en arrière, curieux de tout connaître, partageant les peines et les joies de toute une famille vivant dans un des plus beaux quartiers d'Alger, porteur d'histoire, mais qui, hélas, tombe en ruine. Soustara, les années quarante, de Mohamed Boussadi, autobiographie, 267 pages, éditions Anep, Algérie 2009