Jeudi. 21h13. Tirés à quatre épingles, costumes flambant neuf, livrés il y a quelques jours à peine de chez le célèbre couturier italien Canali, les joueurs de l'équipe nationale algérienne font figure de stars au milieu de la cohue des journalistes des chaînes de télévision et des badauds de diverses nationalités à l'aéroport international de Luanda en cette soirée plutôt humide du 7 janvier. Bon chic, bon genre, la mine certes fatiguée par huit heures de vol, depuis l'aérodrome de Marseille, et un travail physique harassant au stage de préparation au Castellet, les Verts gardent tout de même le sourire et surtout se livrent volontiers au jeu des questions-réponses des journalistes. Une sorte de défouloir après une dizaine de jours de huis clos. C'est que les Verts ont des choses à dire, des précisions notamment à apporter par rapport à tout ce qui a été dit ici et là et dont il est inutile de s'attarder ici. Des choses encore sur le cœur, comme ils le disent eux-mêmes, comme cette phrase ô combien révélatrice : “Nous jouons pour les couleurs et non pas pour l'argent”, mais sur un ton très serein. Premier à s'être débarrassé des formalités douanières, flanqué de quelques gardes du corps, Karim Ziani s'engouffre en silence dans la foule des journalistes, avant d'abdiquer au bout de quelques mètres devant l'insistance des envoyés spéciaux de la presse nationale et des organes étrangers. “Nous sommes venus en Angola pour faire honneur au pays et confirmer notre renouveau. L'heure est à la mobilisation, rien d'autre. Nous avons toujours bien défendu nos couleurs et, encore une fois, nous allons défendre nos chances jusqu'au bout. En tout cas, nous allons mener la vie dure à nos adversaires”, martèle Ziani d'un ton presque rageur. Le gars n'aime pas trop qu'on évoque les petits soucis de l'EN au Castellet et préfère parler foot. “Ce qu'on sait le mieux faire”, dit-il. Ses coéquipiers répéteront tous un peu le même discours réconfortant mais sincère. Les Verts sont désormais à pied d'œuvre à Luanda pour la Coupe d'Afrique des nations et le premier match est prévu pour ce lundi face au Malawi. Saâdane : “Je fixerai notre objectif après le premier match” Un match qu'il ne faut pas rater, dixit le coach Saâdane, harcelé lui aussi par les journalistes. Du reste, selon le cheikh, “ce n'est qu'après ce premier match que je vous dirai quel sera notre objectif dans cette CAN. J'ai besoin de voir mes joueurs à l'œuvre, je veux retrouver cette hargne qui a toujours fait notre force et qui nous a menés en Afrique du Sud aux dépens de l'Egypte. Je vais voir contre le Malawi et je vous dirai ce que l'on peut faire, mais je suis confiant, l'Algérie est venue en Angola en conquérante. Nous avons désormais, qu'on le veuille ou non, un prestige à défendre”. Source de la confiance apparente de Saâdane — ce qui contraste, il faut le dire, avec le discours quelque peu défaitiste d'avant le stage dans le sud de la France — “la très bonne préparation effectuée au Castellet”. “Nous avons bien travaillé en France, nous avons rempli nos objectifs en termes de préparation physique et technico-tactique. Mes joueurs sont prêts mais il reste la vérité du terrain, c'est pour cela que j'insiste sur le fait de voir d'abord le premier match. Mais si on gagne la première rencontre…”, ajoute Saâdane, le sourire en coin. Il est vrai que généralement le premier rendez-vous est décisif et dans le cas d'un succès, c'est la machine algérienne qui risque de nouveau d'être pharaonique. En tout cas, Saâdane affiche un optimisme mesuré ; il sait mieux que quiconque que les meilleures équipes africaines sont là et qu'il s'agira de sortir le grand jeu pour relever le défi. À quelques encablures de là, le président de la FAF, Mohamed Raouraoua, rumine paradoxalement sa colère. Non pas en raison d'un quelconque manque de motivation de ses “poulains”, mais, encore une fois, des diatribes de la presse qui, paraît-il, lui mène la vie dure. Raouraoua : “La CAN a toujours été un objectif pour l'Algérie” “Je ne comprends pas que les journalistes de la presse s'acharnent comme ça sur l'EN et la FAF. Ce matin, j'ai lu quelque part que je privilégierai la chaîne Canal + au détriment de l'ENTV en ce qui concerne la couverture médiatique. D'abord personne de l'ENTV ne m'a fait cette remarque et, croyez-moi, sans la présence de Canal + dans notre bus au Caire, aujourd'hui, je serais peut-être pas non seulement mondialiste mais je m'arracherais les cheveux qui me restent pour prouver que notre bus a bien été caillassé”, explique-t-il. La parenthèse fermée, Raouraoua reprend tout de même son calme pour répondre aux questions de la chaîne Al Jazeera qui a déployé de gros moyens pour inonder le marché algérien… d'images algériennes de Luanda. À ce titre, le boss de la FAF indiquera que “la CAN a toujours été un objectif pour l'Algérie et nous tenterons donc d'aller le plus loin possible. Depuis 1990, nous courons derrière un second titre, alors, cette fois-ci, nous essayerons de faire de notre mieux pour faire honneur au pays. Le Mondial, on en reparlera après, maintenant c'est la CAN qui nous intéresse”. Pour Raouraoua, “l'EN a fait une bonne préparation et est sortie fortifiée de la dernière campagne des qualifications, c'est pour cela que je suis confiant et serein”. À ses côtés, le ministre de la Jeunesse et des Sports, M. Hachemi Djiar, venu un peu plus tôt dans la journée dans l'avion d'Air Algérie qui a transporté les journalistes à Luanda spécialement pour accueillir et encourager les Verts, se veut aussi confiant. “Bien sûr que nous avons un prestige à défendre. Nous devons prouver notre ascendant et notre retour sur la scène internationale mais, attention, la CAN est une compétition relevée, les meilleures équipes africaines sont là. Soyons conquérants mais aussi humbles”, dit-il avant de réitérer le soutien de l'Etat à “cette formidable équipe algérienne de football. L'Etat et le peuple attendent beaucoup de cette équipe, c'est ce que je dis aux joueurs sans aucune pression. En tout cas, les pouvoirs publics seront toujours aux côtés de la FAF et nous travaillons en parfaite communion”. Interrogé sur le nombre de jours qu'il allait rester à Luanda, Djiar a parlé de dix, soit le temps du premier tour, mais il s'empresse de préciser : “Je repars seul, j'ai des obligations à Alger, l'équipe, elle, reste jusqu'à la fin.” L'EN privée de ses supporters Une façon bien subtile de pronostiquer une finale avec l'Algérie comme l'un des deux protagonistes. 22h10, les joueurs de l'équipe nationale quittent peu à peu l'aéroport de Luanda en direction de l'hôtel Continental pour une bonne nuit de sommeil réparateur non sans avoir pris des photos souvenir avec les quelques rares supporters venus encourager les Verts à la CAN. En fait, ils ne sont pas beaucoup, peut-être une vingtaine au maximum. La faute à la cherté de la vie en Angola où la chambre d'hôtel peut coûter jusqu'à 300 dollars. Les divers forfaits proposés par les agences de voyages allant de 30 à 40 millions de centimes, billet compris, n'ont pas amené les fans à puiser dans leurs économies. “J'ai dû débourser beaucoup pour venir ici, mais j'aime trop cette équipe, au point où j'irai où elle ira, quitte à vendre mes biens, mais je comprends ceux qui ont pris la décision de ne pas venir. Peut-être que l'Etat devrait faire un effort surtout si l'EN passe le premier tour. Je suis sûr qu'avec l'idée de notre public, l'Algérie gagnera cette CAN”, nous confie un supporter qui a fait le voyage avec les journalistes. Un supporter pas “forcément riche, comme il le dit lui-même, mais un peu trop passionné à mon sens”. D'ailleurs, “pour être tout à fait franc, dit-il, je suis venu avec le budget du premier tour ensuite on verra”. C'est un peu le cas de tout le monde car les agences de voyages ont opté pour des formules de dix jours avec des scénarios à rallonge en fonction des résultats des Verts. Du coup, pour le premier tour, l'EN sera privée de sa source de force, ses fans. L'on est loin du rush de Khartoum et, même loin, très loin de la foule qui était présente au Caire. Une organisation angolaise déjà tâtonnante L'Angola n'est pas l'Egypte et encore moins le Soudan, c'est l'un des pays les plus chers au monde au milieu d'une misère visible. La CAN démarre demain et les appréhensions commencent à apparaître. Arrivés un peu plus tôt que les Algériens à l'aéroport de Luanda, les Maliens fulminent déjà. “Ils nous ont fait attendre plus de deux heures avant de récupérer nos bagages. Je ne sais si le fait de jouer le premier match dimanche contre l'Angola a un rapport avec cela mais je suis scandalisé”, nous confie le coach de l'équipe malienne, Stephane Keshi. Imaginez, en fait, les stars du Barca, Real, Juventus et autres Séville, à savoir les Keita, Kanouté, Diawara et autre Sossoko, en train d'attendre pendant des heures leurs bagages. C'est désolant, n'est-ce pas, surtout que dans le cahier des charges pour l'organisation de la CAN, il est stipulé clairement que les équipes ne doivent pas patienter à l'aéroport plus d'une demi-heure. Nous reviendrons certainement au fil de la CAN sur les conditions de cette organisation. S. L.