Il n'y a pas que les grands de ce monde qui savent défendre l'honneur de la patrie, lorsque celle-ci est en danger. La preuve ? Omar, un enfant de 10 ans, à peine résiste-t-il au poids de ses affaires scolaires à porter sur le dos qu'il porte aussitôt dans son cœur de militant convaincu l'espoir d'une Algérie indépendante. Tout ressemble au réseau Jeanson, avec “les porteurs de valises”, le petit Boulawane suit la voie de son père, qui, à son tour se lie avec ses tripes au réseau FLN et les dirigeants de la Fédération de France. La rencontre avec Raphaël, un pied-noir qui vient de Hydra fera-t-elle basculer l'attitude de l'enfant engagé ? La famille de l'intrus s'installe en face, dans un logement convoité, dans les conditions que l'on connaît lors de ces années d'exil forcé. La maman perd les pédales depuis sa séparation de ce paradis perdu, à quelque encablures d'Alger-Centre. Le hasard fera de si tôt, de Raphaël un camarade de classe. Les jalousies, compétitions et petites rixes seront le lot d'une scolarité de deux déracinés qui voient, chacun à sa façon, le pays de ses origines accéder à l'Indépendance ; mais à quel prix ? “Nous avons, pourtant, convenu d'un commun accord – une sorte d'Evian bis – de nous partager le pupitre en deux parties parfaitement égales en traçant une ligne imaginaire qui part de l'encrier et qui aboutit juste entre nos deux sièges. Raphaël n'admet pas cette appellation “pied noir”, “un naufragé de l'histoire”, c'est mieux ! Les chamailles et les sarcasmes des petits camarades finiront par mettre en boule la belle Ceylac - institutrice tant rêvée par Omar – qui les envoie chez le directeur pour une correction. Raphaël devait justifier les criailleries : “Il ne peut pas me saquer parce que je viens d'Alger. Il pense que je lui ai volé l'Algérie. Mais moi, je ne lui dis pas qu'il m'a volé Paris parce que je ne suis pas né ici. Je suis né à Alger. Paris je m'en fous… moi, c'est Alger… Hydra, monsieur”, lit-on. Là, pour expliquer à la nouvelle génération que la confusion doit s'éclaircir sur un tas de tabous post-indépendance, le roman de Tadjer en est une référence. Le Porteur de cartable se veut aussi un récit d'événements vus d'en bas. Le livre, placé dans le contexte historique, fera-t-il long feu ? Il reconstitue d'une façon minutieuse les premiers instants de la fin d'une conquête coloniale qui n'en a que trop duré. Une colonisation qui installa sa violence matérielle et morale au sein même de l'école, en plein cœur de la terre des droits de l'homme. *Le Porteur de cartable d'Akli Tadjer, roman, éditions Apic, Algérie, octobre 2009