Sidi Aïssa, Boussaâda et Magra sont les plus touchées par la criminalité. Les transhumants, quant à eux, sont, en grande majorité, armés dans le cadre de l'autodéfense. Wilaya pastorale par définition, M'sila vit un rythme criminel particulier. Couloir principal de tous les trafics, au vu de sa liaison avec Djelfa, Laghouat, Bouira, Bordj Bou-Arréridj et Batna, elle subit, mais aussi fait subir un lot de misères, de malheurs et de fléaux. Sidi Hadjrès. Loin d'être un lieudit, cette bourgade, devenue une circonscription en mutation croissante, située à 30 km du chef-lieu de la wilaya de M'sila, surplombe les ardoises et les infinis reliefs accidentés des Hauts-Plateaux et du bassin du Hodna, lequel bassin est perpétuellement peuplé par les milliers de têtes de cheptel à perte de vue, de nomades, mais surtout d'une beauté de paysage indéfiniment propre aux portes du Sud. Au bord de la route, un bambin, à peine âgé de 10 ans, vêtu d'une kachabia de fortune, vend des œufs durs. Un business loin d'être rentable, mais qui lui assure une poignée de dinars, enfin, quelques sous pour se soutirer du besoin. À l'âge de la scolarité, ce gamin attend patiemment qu'un routier s'arrête sur cette route peu peuplée en cette matinée glaciale. Des bidonvilles, les uns loin des autres sont le décor le long de cette localité qui donne un avant-goût de M'sila pour celui qui la visite pour la première fois. Pourtant, sur ce même axe transitent frauduleusement des milliards de marchandises. De la drogue, de l'or, des armes, des voitures volées et désossées, du cheptel subtilisé, de la cocaïne, des effets vestimentaires, des médicaments sans factures et sans registre du commerce, en somme un ravitaillement impressionnant qui alimente les comptes des barons du crime organisé. Ce garçon qui échappe à cette malédiction aura droit à un traitement de faveur dans une société gangrénée par un chômage criant, un niveau culturel qui laisse à désirer et fruit d'une déperdition scolaire manifeste et d'un pouvoir d'achat aussi bas qu'on puisse le croire. Pourtant, sur notre axe routier, les 100 locaux érigés dans le cadre de l'emploi des jeunes semblent être prêts à l'usage. Sinon, rideaux baissés à l'heure de la sieste. Du reste, autour de ce bambin qui devra rejoindre son chez-lui émerge un chiffre inquiétant : 116 mineurs sont impliqués, par la force des choses, dans le crime et le délit. Coups et blessures volontaires, vols et agressions à main armée, ils en sont les auteurs, mais aussi les victimes. Aucune protection à l'égard de cette frange de la population dans un monde rural où les criminels épousent paradoxalement des méthodes modernes pour accomplir leurs forfaits. Ici, la haoucha (bagarre) fait fureur. Un phénomène récurrent. Le patron de la Gendarmerie nationale de M'sila, le commandant Nouri Ben Mahdi, explique ce fléau, dans un bilan présenté avec rhétorique, par le fait que les jeunes enfants constituent des laissés-pour-compte, notamment chez les nomades, mais aussi chez les populations limitrophes aux agglomérations qui ne se soucient guère de la scolarité de leur progéniture. Devant les contrastes qu'elle vit, M'sila n'est pas cette simple plaque tournante qu'on décrit souvent, encore moins ce couloir où transitent les grands trafiquants. Les dissimilitudes corrompent souvent cette société mi-ouverte sur le monde et qui garde son caractère conservateur. Au centre de M'sila, un couple 100 % afghan, bras-dessus, bras-dessous, sillonne tranquillement la ville. L'homme habillé d'une kachabia, le siouak à la bouche, la femme vêtue d'une burqa, le visage derrière un grillage, n'impressionne personne. On les voit aussi à Alger et sur les grandes avenues. Pourtant, ce sont 41 femmes qui sont impliquées dans les divers délits constatés en 2009 sur une population délinquante de 1 987 individus arrêtés, dont 310 placés sous mandat de dépôt. “Les femmes mises en cause ne sont pas affiliées à des réseaux quelconques. Ce sont des cas isolés. Hormis le crime perpétré par une jeune étudiante sur son homologue, un crime passionnel, le reste relève de délits relatifs aux coups et blessures volontaires”, explique le commandant Ben Mahdi. Circulez, même s'il y a des choses à voir… M'sila est réputée pour son marché de l'automobile d'occasion. Les smasri viennent des quatre coins du pays. Les acheteurs aussi. Plus de 2 000 camions y sont “exposés” à chaque rendez-vous. Mais, méfiez-vous ! Ici, comme sur tout le territoire de la wilaya, d'ailleurs, le trafic de véhicules est le sport numéro 1. Ce sont 22 affaires qui ont été élucidées par les gendarmes et qui ont abouti à l'arrestation de 27 trafiquants. Ces derniers n'agissent jamais seuls. Derrière se tisse une toile d'auteurs spécialisés dans l'usage de faux et excellent dans le trafic de documents administratifs. Le travail de renseignement et de lutte de proximité, explique le commandant Ben Mahdi, en sus des points de contrôle, ont fini par apporter des résultats positifs. Y compris lors des opérations d'identification de véhicules estimées à 1 618 cas, dont 12 ont été positives, et ce au même moment où 22 180 personnes ont également été vérifiées avant d'identifier 167 activement recherchées. Le système Afis est aussi mis à contribution puisqu'il a permis d'identifier 7 cas positifs sur les 1 271 empreintes relevées. Les axes Magra-Barhoum et Ouled Derradj-Belaïb étant pistés par les gendarmes, le trafic d'armes devient de plus en plus préoccupant à M'sila où 25 enquêtes ont été menées avec succès, avec 48 individus appréhendés. La moisson est fructueuse : 4 pistolets automatiques, 27 fusils de chasse, près de 1 000 cartouches, 5 jumelles, de la poudre noire et bleue, des machines à fabriquer les armes et autres accessoires prohibés, les saisies ont été importantes. “Les trafiquants exploitent les fêtes religieuses et les matches de l'Equipe nationale de football pour acheminer leurs marchandises. Mais notre vigilance l'a encore emporté grâce à un système de surveillance efficace”, explicite M. Ben Mahdi. Il citera la saisie de cigarettes dans une citerne à béton à Aïn Lahdjel et le trafic de pistolets automatiques qu'un automobiliste tentait de commettre le jour du match Algérie-Rwanda. Et ce n'est pas fini ! Les gendarmes ont intercepté un individu transportant 9 800 plaquettes de viagra, de marque Vega, soit 38 300 comprimés de ce dopant sexuel. Sans facture et sans registre de commerce, la marchandise sera saisie. Vraisemblablement, la filière est basée en Tunisie. La drogue dont la cocaïne, même si les quantités saisies ne sont pas grosses, car destinées à la consommation locale, s'ajoutent à ce lot de malheurs qui empoisonnent M'sila où le trafic de psychotropes fait des ravages au sein de la jeunesse. Au total, ce sont 92 personnes qui sont mises en cause dans les 56 investigations menées par les 40 brigades de gendarmerie qui émaillent les 47 communes rurales de la wilaya. Et les scandales ne s'arrêtent pas là puisque les gendarmes ont traité 147 affaires liées au crime organisé, sachant que M'sila est classée 3e, après El Bayadh et Djelfa, en matière de vol de cheptel. Sur les 35 affaires élucidées, 8 crimes ont été perpétrés et 47 personnes ont été arrêtées. Un phénomène en hausse de près de 350% ! C'est que la majorité des éleveurs hantent des zones isolées. Seuls les nomades armés et qui se déplacent en essaims sont épargnés par le vol de cheptel. Le commandant Ben Mahdi clôt son bilan par les 452 accidents de la circulation qui ont causé 1 088 victimes. La wilaya de M'sila, dira M. Ben Mahdi, est actuellement classée 7e en matière de sinistres même si 5 665 permis de conduire ont été retirés aux chauffards, dont 3 445 ont été flashés par le radar. “Il y a trop de camions en circulation, ce qui densifie le volume de voitures sur les routes et cause souvent l'irréparable”, explique encore M. Ben Mahdi.